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En marge de la 25 ème session du FIFAK
Situation du cinéma amateur
critique
rédigé par Ikbal Zalila
publié le 01/10/2010

Vingt-cinq sessions, quarante- six ans d'existence, le FIFAK (festival international du film amateur de Kélibia) est le doyen des festivals arabes et africains. Une histoire du cinéma tunisien (encore à faire) ne saurait ignorer la contribution du mouvement du cinéma amateur dont Kélibia aura constitué une sorte de vitrine mais aussi de tribune politique.

La Fédération Tunisienne des Cinéastes Amateurs (FTCA) a depuis toujours défendu un cinéma engagé, alternatif et libre de toute tutelle politique officielle. Dans une Tunisie dépourvue de structures de formation aux métiers du cinéma, cette association a constitué jusqu'aux années 2000 le passage obligé de nombreux techniciens et réalisateurs tunisiens qui lui doivent tout ou presque de leur apprentissage technique, mais aussi politique et idéologique.
Plus qu'une association, la FTCA est une famille à laquelle on reste attaché en dépit des vicissitudes du temps. La loyauté de certains "historiques" est indéfectible et exemplaire à certains égards, même si les temps ont changé et qu'il devient difficile aujourd'hui de donner sens et cohérence au projet de la fédération.

Durant ses presque cinquante années d'existence, la FTCA aura en effet connu des mutations qui l'ont conduite du statut d'organisation structurée dotée d'une plate-forme culturelle et d'une politique de formation à celui de regroupement de clubs de cinéastes amateurs rattachés organiquement à un bureau fédéral. Cette crise n'est pas imputable aux personnes. La sincérité des efforts consentis par les membres des différents bureaux qui se sont succédé ces dernières années n'est pas en cause.
Le chaos organisationnel consubstantiel au festival de Kélibia est cette année plus organisé grâce à une meilleure préparation du festival. La crise de la FTCA remonte déjà à quelques années et pourrait s'expliquer entre autres par son refus (conscient ou inconscient ?) de se repenser, de se doter d'un nouveau projet qui lui permette de se mettre au diapason des mutations qu'ont connues la Tunisie et le champ du cinéma durant cette décennie.

Le tout politique a vécu, la jeunesse est moins encline à l'embrigadement, les moyens de tournage se sont démocratisés, des structures de formation supérieure au cinéma sont nées. Ces éléments conjugués n'ont pas été sans conséquence sur le statut du cinéma amateur aujourd'hui. Un cinéaste amateur est quelqu'un qui ne vit pas du cinéma et dont le rapport aux images et aux sons comporte une dose d'amour désintéressé. Soit. Cet amateur a aujourd'hui la possibilité de se former aux métiers du cinéma dans des établissements publics ou privés dont les moyens et l'offre de formation dépassent de loin ceux de la FTCA, limités à quelques jours de stage par an.

Quelle est la portée d'une telle formation aujourd'hui ? En quoi est-elle en mesure de déboucher sur de vrais films, même s'ils sont le fait d'amateurs ? La qualité de la production de la fédération (désormais confrontée à celle des écoles de cinéma) est plutôt consternante ces dernières années et dénote d'une quasi absence de formation. Faut- il pour autant renoncer à former des jeunes, nous ne le pensons pas, l'idée serait d'ouvrir davantage la fédération à des étudiants de cinéma qui pourraient mettre leurs compétences au service de la formation des futurs cinéastes amateurs. Ce faisant, des synergies sont nécessairement appelées à se créer et rejaillir sur la qualité de la production. La composante production devrait être renforcée grâce à un repositionnement de la fédération.
En accueillant des diplômés de cinéma, la FTCA pourrait évoluer vers une coopérative de production qui donnerait la possibilité à des jeunes cinéastes de faire leurs premiers films. La synthèse entre la liberté de l'esprit amateur et la maîtrise technique apportée par les étudiants de cinéma (malheureusement trop formatés) ne peut être que profitable aux deux parties.
Une mue indispensable si on veut préserver cette organisation à laquelle nous sommes et restons indéfectiblement attachés.

Ikbel Zalila

Article paru dans le journal Le Temps, le 17/07/2010

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