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"Finak aliyam" ou "Destins croisés" du Marocain Driss CHOUIKA
Un film contre la mémoire de l'oubli
critique
rédigé par Noura Borsali
publié le 02/10/2010
Noura BORSALI
Noura BORSALI

Le dernier film de Driss Chouika " Finak aliyam (Destins croisés) " sorti au Maroc en 2009, a fait l'ouverture de la première édition des Rencontres internationales du cinéma arabe de Nabeul. Un film sur la mémoire, sur l'histoire de toute une génération d'étudiants de gauche des années soixante-dix au Maroc, au rythme des chansons de Cheikh Imam.
Film nostalgique ? Oui, nous dira Driss Chouika (voir l'entretien avec le réalisateur cf. [article n°9742]), mais qui pose la question grave d'une mémoire qui disparaît. Le cinéma a pour rôle aussi de la ressusciter et de la sauvegarder.

Le film est un va-et-vient entre la fiction et le documentaire. Trois couples se retrouvent dans la villa de l'un d'eux sur une invitation mystérieuse de Raja, leur amie d'antan. Personnage entouré de mystère, elle est le fil conducteur du film qui n'est, en somme, qu'une mise en scène de son écrit autobiographique dans lequel elle relate les péripéties de cette histoire commune avec ses moments forts et aussi ses moments de bonheur. Une femme invisible, inaccessible et qui, de surcroît, ne voit pas accomplit ce travail de mémoire. C'est dire à quel point elle est omniprésente du début jusqu'à la fin du film.
Mais ce long métrage ne s'arrête pas à cette seule problématique de la mémoire. Il donne également à voir la complexité des rapports humains qui ont marqué toute une génération militante de ces années communément appelées au Maroc " les années de plomb ". Une génération qui a fini par " se ranger ", s'embourgeoiser et pour qui le passé n'est qu'un simple souvenir teinté de nostalgie. Les images alternent les deux époques : le présent et le passé avec aussi ses dures répressions d'une expression jeune qui se voulait autre.

Les couples autour desquels se trame le film se retrouvent, dans leur vie actuelle, et en dépit de tout, enfermés dans un espace qui les étouffe Le paysage d'une côte sauvage dans la région d'Agadir a beau être splendide mais son issue demeure certaine. Ils sont prisonniers non seulement de l'espace dans lequel ils se meuvent mais également de leur passé dont le présent dévoile des vérités jusque-là inconnues. Ces vérités, contrairement à notre attente, ne perturberaient en rien leurs vies. Parce que Driss Chouika veut remettre en cause les valeurs conservatrices d'une société hypocrite et réhabiliter dans un même mouvement les valeurs de l'amour libre, de la complicité, en somme d'une certaine liberté.

Le film d'une durée de 99 minutes a coûté, selon son réalisateur, 400 mille euros dont 40% en services. Un petit budget sans aucun doute. Primé déjà dans les festivals nationaux, "Finak aliyam (Destins croisés)" mérite d'être vu.
Un film courageux, voire audacieux qui aurait gagné cependant à être écourté. Le film, étant narratif et basé essentiellement sur des récits et des dialogues, s'est caractérisé par des lenteurs qui risquent de lasser un certain public. Mais l'intérêt qu'il présente est plus important que ces défauts. Un film témoignage qui en dit long sur la complexité des rapports humains et aussi sur la nature des rapports Etat/jeunesse rêvant d'un autre monde.
Un film qui se préoccupe de donner à voir, de témoigner, de ne pas oublier et d'établir un pont avec la jeunesse d'aujourd'hui désormais tenue dans l'ignorance du passé de ses aînés. Le cinéma, en s'inscrivant contre l'oubli est en cela MEMOIRE.

Noura BORSALI

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