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Koundi et le jeudi national, d'Ariane Astrid Atodji
Une semaine dans un village de forêt équatoriale
critique
rédigé par Jean-Marie Mollo Olinga
publié le 20/10/2010
Jean-Marie Mollo Olinga
Jean-Marie Mollo Olinga
Koundi et le jeudi national
Koundi et le jeudi national
Projection au DOK Leipzig
Projection au DOK Leipzig

Après avoir participé au Festival international du film de Durban, organisé en Afrique du Sud du 22 juillet au 1er août 2010, "Koundi et le jeudi national" d'Ariane Astrid Atodji est retenu en compétition officielle au prochain Festival international du film documentaire de Leipzig, qui a lieu en Allemagne du 18 au 24 octobre courant.

Le titre d'une œuvre ou d'un ouvrage, en général, renseigne sur son contenu, en tant qu'il le présente succinctement. Celui que la Camerounaise d'origine béninoise a choisi pour son dernier film, le documentaire "Koundi et le jeudi national", est tout simplement déroutant. Et c'est à juste… titre qu'il a fait débat lors du ciné-club du 29 septembre dernier à l'Institut Goethe de Yaoundé.

En fait, Koundi, un tout petit village plongé dans la sylve équatoriale de l'Est-Cameroun, a, peut-on lire dans le synopsis du film, "entrepris la création d'une cacaoyère de plusieurs hectares, afin de poursuivre le processus d'émancipation entamé au cas où l'Etat mettrait fin au contrat d'exploitation du bois". Ainsi situé, le film d'Atodji s'ouvre sur une contre-plongée de la forêt dans laquelle, pendant 86 minutes, la jeune réalisatrice va promener le spectateur dans le monde magnifié de petites gens qui savent être heureux avec rien.

Avec sa caméra fixe et au travers de plans larges, elle présente, en une semaine, le quotidien de ces villageois, qu'elle filme, sobrement, un peu "comme des fourmis", pour reprendre une expression chère à Sembène Ousmane dénonçant la manière de Jean Rouch de filmer les Africains.
Comme l'ethnologue français, Ariane Astrid Atodji montre des êtres humains (qui luttent férocement, ici, contre la pauvreté), en privilégiant la valeur anthropologique de son document. Ceux-ci entrent et sortent du champ de sa caméra, sans que la réalisatrice influe sur le cours de leur vie ; d'où l'absence de point de vue personnel, et partant, celui d'une perspective qui aurait permis de changer le regard du reste de la société vis-à-vis de ce village.
Un village dans lequel, contrairement à Jean Rouch, elle n'a pas réussi à isoler un groupe ou un individu, qui serait devenu une sorte d'emblème de son documentaire. Atodji aurait-elle été rattrapée par l'une des caractéristiques du cinéma négro-africain, où la communauté l'emporte presque toujours sur l'individu ?

Dans son film, l'instituteur du village, jeune, étranger, célibataire et en pleine possession de ses moyens physiques, résout immoralement ses problèmes sexuels, en abusant de ses élèves. Dans ce village, un autre jeune homme est attrait au tribunal coutumier parce qu'il a cocufié son frère ; il est sommé de réparer sa faute dans un procès surréaliste, où les acteurs jouent faux. Toujours dans ce même village, et d'un bout à l'autre du film, les enfants sont sympathiquement présents.
Autant d'éléments et bien d'autres, qui ont été sommairement présentés, sans que jamais, le spectateur ne perçoive quelque originalité dans le traitement du sujet.

En filmant ainsi la vie d'un village, sans fil conducteur bien cerné par le scénario, la réalisatrice n'a-t-elle pas couru le risque, vain, de construire un puzzle, dont le lien entre les pièces - demeurées éparses - n'est pas évident ? Ce qui a le désavantage de dérouter un peu plus le spectateur, ce d'autant que le film s'étire inutilement en longueur (86 minutes alors qu'un moyen métrage de 52 minutes aurait été plus efficace), et que par rapport à son titre, il faut attendre 55 minutes environ, pour, enfin, arriver au jeudi national, dont la séquence dure à peine une dizaine de minutes.
Au final, ce rapport entre le village Koundi et le jeudi national, baptisé ainsi parce que jour où tous les villageois doivent unir leurs forces pour travailler dans un champ communautaire, et où presque rien ne se passe, relève plus de l'évocation que du fait.

Jean-Marie Mollo Olinga

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