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Paris mon paradis
Une Burkinabè à Paris
critique
rédigé par Claire Diao
publié le 17/01/2011
Éléonore Yaméogo
Éléonore Yaméogo
Une scène du film PARIS MON PARADIS
Une scène du film PARIS MON PARADIS
Eléonore Yaméogo, lauréate du prix spécial CSC (Conseil supérieur de la communication, Burkina Faso), Fespaco 2011
Eléonore Yaméogo, lauréate du prix spécial CSC (Conseil supérieur de la communication, Burkina Faso), Fespaco 2011
Eléonore Yaméogo, 2011
Eléonore Yaméogo, 2011

Elle est arrivée en France la tête pleine de rêves. Mais ses yeux ont vu toute autre chose. Éléonore Yaméogo, jeune réalisatrice burkinabè fraîchement diplômée de l'Institut Supérieur de l'Image et du Son de Ouagadougou, a démarré en 2008 un projet tout aussi risqué qu'ambitieux : dénoncer le mythe de l'eldorado parisien entretenu par beaucoup de migrants africains.

D'abord subjuguée par la capitale française dont l'ouverture du film nous rappelle les clichés (accordéons et spectacle de rue, fontaines débordantes et façades lumineuses), la jeune femme nous raconte comment elle a rapidement découvert l'envers du décor. Dans des lieux emblématiques comme Château d'eau ou le Sacré Cœur, la vente de maïs à la sauvette ou la fabrication de bracelets en fil sont des occupations à maigres revenus qui permettent de survivre. Et quand nombre d'expatriés entretiennent l'illusion de leur réussite au pays, ceux de Paris mon paradis acceptent à l'inverse de témoigner de leurs difficultés.

De Bintou, jeune comédienne burkinabè ayant abandonné sa troupe de théâtre pour tenter sa chance dans la capitale ; à Chaba, peintre en bâtiment de Casamance qui vivote depuis dix ans entre un manège et un appartement abandonné comme seul toit, il n'y a qu'un pas. Celui du rêve d'une vie meilleure en France alors même que leur situation de Noirs, sans papiers et sans travail leur procure l'inverse. Tout comme Traoré, valeureux retraité de l'État français qui attend sur un matelas à même le sol les indemnités d'un accident de travail qu'il n'a jamais perçues. Ou Anzoumane Sissoko, porte-parole de la Coordination des Sans-Papiers de Paris, qui revendique la mobilisation des travailleurs immigrés.

Pour un spectateur qui ne s'attendrait pas à cette vision de la France, les image frappent. Pour un Parisien qui arpente les rues de la capitale, elles sont banales. Combien de bana bana [commerçants ambulants sénégalais] dans les lieux touristiques, de sans-papiers en grève dans les rues, de rabatteurs devant les salons de coiffure ? "Mais pour une réussite, combien d'échecs ?" s'interroge Éléonore Yaméogo alors que sa caméra balaye les visages des passants.
On repense à Med Hondo scandant "invasion noire" dans Soleil O. Au personnage d'Innocent de la bande dessinée Aya de Yopougon qui réalise que ses frères ne sont pas les mêmes en France. Ou encore à la honte d'Otho qui revient au pays sans un sou dans Après l'océan.



Car les témoignages à visage découvert de Paris mon paradis frappent par leur véracité, leur émotion. Shaba se bat pour que ses frères ne poursuivent pas le rêve d'émigration qui a conduit l'un d'entre eux à être expulsé de Belgique. Bintou, dans une très belle séquence tournée à Ouaga, s'interroge sur le bonheur qu'elle est allée chercher en France alors qu'elle était heureuse au Burkina. Traoré affirme que s'il touchait enfin ses indemnités, il ne resterait pas vingt-quatre heures à Paris.
Et Éléonore Yaméogo - première burkinabè à avoir bénéficié des faveurs de l'immigration "choisie" du gouvernement français - s'interroge d'un regard neuf, en tant qu'Africaine, sur le fossé grandissant entre les rêves des uns et le désenchantement des autres.

Claire Diao

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