AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
24 994 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Le cinéma de Jean Rouch à l'honneur à Quintessence 2011
critique
rédigé par Médard Gandonou
publié le 20/01/2011
Jean Rouch
Jean Rouch
Brice Ahounou, conférencier
Brice Ahounou, conférencier
Les Maîtres fous
Les Maîtres fous
Chasse au lion à l'arc (La)
Chasse au lion à l'arc (La)
Jean Rouch
Jean Rouch
Les participants. Ouidah, 2011
Les participants. Ouidah, 2011
Quintessence 2011, Ouidah
Quintessence 2011, Ouidah

Réalisateurs, acteurs de cinéma, étudiants en cinématographie, ethnologues, journalistes et cinéphiles ont fait, ce samedi 8 janvier 2011 au village de Quintessence, un échange sur l'ethnologie et le cinéma. L'ethnologue et cinéaste Jean Rouch qui a consacré sa vie aux images africaines a été au centre de ces discussions à travers une rétrospective sur ses œuvres et sa vision du cinéma.

Plus personnalisés qu'une rencontre internationale sur l'ethnologie et le cinéma, les échanges de Quintessence se sont plus focalisés sur l'ethnologue et cinéaste français Jean Rouch. C'est plutôt donc un véritable hommage à cet ingénieur des Ponts et Chaussées né le 31 mai 1917 à Paris et décédé le 18 février 2004 au Niger. Initié aux rudiments de la caméra par Jacques Becker, Jean Rouch deviendra, par ses œuvres sur l'Afrique, une icône du cinéma, de l'ethnologie et de ce que l'on reconnaîtra comme l'anthropologie visuelle.
Et à la lumière de ce que l'homme est pour le 7ème art, Brice Ahounou, orateur principal de cette rencontre internationale, estime que Jean Rouch reste une référence pour le cinéma.

Mais pour être considéré comme le créateur du sous-genre de la docufiction, l'ethnofiction ainsi qu'un des théoriciens et fondateurs de l'anthropologie visuelle, l'homme a osé. Oser braver les dogmes, en pratiquant un cinéma direct qui n'impose ni scénario ni autres techniques de filmage que la caméra à l'épaule. Un véritable dialogue entre filmeur et filmé. Oser affronter les critiques qui se sont déchaînées contre son œuvre Les maîtres fous en 1954 dans le monde noir et blanc. C'est un film d'une relative violence qui choque la sensibilité des noirs et menace le règne colonialiste. Le fruit de cette audace est la naissance d'un nouveau cinéma ethnographique dont Jean Rouch est le symbole.

Le Festival international de film de Ouidah, à travers cette rencontre internationale sur l'ethnologie et le cinéma, a permis par ailleurs de découvrir pour certains, ou de revoir pour d'autres, plusieurs films de Jean Rouch dont notamment La Chasse au lion à l'arc et Les maîtres fous. La soif de connaissance, sur cet aventurier blanc qui a sillonné le continent africain durant cinquante années avant de laisser la vie au cours d'un voyage sur l'un des axes routiers du Niger, n'a pas été que théorique et testimoniale au cours de cette rencontre.
Journalistes, critiques de cinéma, ethnologues, sociologues, étudiants en cinématographie et autres acteurs de cinéma ont pu apprécier, à l'écran, l'approche cinéma direct de Jean Rouch. Une rupture avec l'ordre préétabli dans les techniques de filmage, l'affranchissement d'un cinéma dicté par un scénario, le refus d'être prisonnier du film ou du reportage où finalement les spectateurs s'égarent entre fiction et réalité.

Les débats qui ont suivi les différentes projections sur les œuvres de Rouch dans la salle Quintessence à Ouidah, notamment le film Les Maîtres fous confirment toute la force de l'art rouchien à traverser le temps et à être toujours actuel, malgré la cinquantaine d'années qui s'est écoulée depuis sa réalisation. Sans être nourris par la position contre-ethnographique du cinéaste sénégalais Ousmane Sembène, beaucoup de spectateurs-participants à la rencontre, ont pu relancer la problématique de la justesse des commentaires sur les œuvres de Rouch et la véracité du cinéma direct dont il se prévaut dans ses réalisations. Une réaction spontanée de participants qui confirme les réserves du cinéaste africain Sembène qui déjà en son temps, faisait observer, surtout en faisant allusion à Rouch, que "Sans connaitre la culture africaine, il a montré des images réelles mais accompagnées de commentaires faux. Il ne connaissait ni le sens de la danseni de la musique. L'Européen qui reçoit ca, qui voit l'image et entend le commentaire, se fait nécessairement, une fausse idée de l'Afrique et des Africains".
La nature choquante de certaines images de l'Afrique, et face à laquelle Jean Rouch se défend par une certaine réalité sociale, a suscité beaucoup de polémiques. Par exemple, les images de la cérémonie de transe et du chien dans Les maîtres fous, ont dû s'appuyer sur les clés de lecture de l'orateur principal de cette rencontre, Brice Ahounou, pour être acceptée par les spectateurs.

Et l'on se rend compte avec cette rencontre internationale sur l'ethnographie et le cinéma à Ouidah que les premiers contacts avec les œuvres de Rouch ont suscité et continuent de nourrir des polémiques. Mais quand on découvre l'histoire personnelle de l'homme, son histoire avec le cinéma mondial et le cinéma africain, sa liberté vis-à-vis des dogmes cinématographiques, son apport au cinéma mondial et à l'ethnographie, l'hommage est unanime.
Ouidah à travers Quintessence 2011 n'a donc pas pu s'empêcher de rendre cet hommage à Jean Rouch, un homme

Médard GANDONOU

Films liés
Artistes liés
Structures liées
événements liés