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"Ashaouk" (L'Envie), de Khaled Al Hagar
L'Envie d'un futur nouveau
critique
rédigé par Hala El Maoui
publié le 04/02/2011
Khaled Al Hagar, réalisateur
Khaled Al Hagar, réalisateur

"Ashaouk" (L'Envie) est le dernier film du réalisateur égyptien Khaled Al Hagar. Al Hagar revient sur les quartiers populaires pauvres d'Alexandrie, changeant ainsi complètement de registre. En effet nous avons connu Al Hagar à travers "Hobb Al Banate" (Les amours des filles) où il était question de traiter des problèmes sentimentaux de la bourgeoisie égyptienne. Dans "Ashaouk" l'attention est portée sur le quotidien misérable des habitants d'un quartier pauvre, via le personnage phare "Oum Shouk" ou Fatma (incarné par Sawsan Badr). Cette dernière, mère de trois enfants - dont un fils atteint d'insuffisance rénale - est visiblement possédée par des esprits. Tout le quartier le sait et fait appel à elle afin qu'elle les rassure sur leur avenir. Nous la voyons tantôt songeuse écoutant ses esprits qui lui parlent et lui dictent ses actes, tantôt sévère envers ceux qui lui sont chers.
Le personnage de Sawsan Badr tel qu'il est présenté au début du film nous renvoie au personnage du non-voyant dans le film "Al Kitkat" de Daoud Abdel-Sayed. Un personnage qui incarnait la "conscience" de la société. Mais rien de tout cela dans "Ashaouk".

Sortir de la pauvreté

L'époux de Fatma (Sayed Ragab), comme l'assurance maladie pour les plus démunis fait défaut (histoire classique en Égypte), la pousse à demander de l'aide a sa famille qui l'a dénigrée depuis une vingtaine d'années suite a son mariage avec ce type du "peuple". Ne trouvant pas le courage de le faire, Fatma décide de demander l'aumône aux passants au Caire. Un "métier" qui lui rapporte tout ce dont elle a besoin pour la séance de lavage rénale de son benjamin. Mais la mort est aux aguets. Le garçon meurt. Cependant Oum Shouk n'arrête pas de pratiquer la mendicité. Elle ne veut pas que la pauvreté emporte ses deux filles qui lui restent, Shouk (incarnée par la pulpeuse Rouby) et Awatef (Merihane). Ces dernières ont chacune une histoire d'amour avec l'un des voisins.
L'aînée, suite au rejet de son fiancé par l'ambitieuse Fatma, se lance dans la prostitution. Sa sœur Awatef n'est pas plus avancée, puisque Salem, son amoureux (Mohamed Ramadan), jeune étudiant en ingénierie, est prêt à la quitter pour sortir du quartier. D'ailleurs le film s'ouvre sur ce qui donnera le ton à ce film.
Nous assistons à un refus de la part de la municipalité au père de Salem de déplacer son petit magasin à l'extérieur du quartier. Une situation qui pousse celui-ci à fermer la fenêtre de la chambre de Salem et la transformer en petit kiosque en bois, ce qui lui équivaut à se priver du soleil, voire à s'étouffer pour subsister... Ce qui fait que la majorité des scènes se déroule dans une ambiance sombre et sans couleurs.
Entre-temps, Fatma commence à prêter de l'argent aux commerçants en mal de liquidité, moyennant leur soutien et leur loyauté. Un développement qui prend une tournure économique puisque l'entreprenante Fatma double ses efforts pour aider et les habitants du quartier à sortir de leur misère. Une idée qui pourrait donner un sens à un scenario bien décousu et une mise en scène desserrée.

Les esprits qui guidaient Oum Shouk au début du film s'éclipsent aussitôt pour laisser place à une Fatma devenue femme d'affaires grâce à la mendicité. Elle est même effrayée qu'on la reconnaisse un jour dans la rue, craignant pour son image et sa réputation parmi les gens du quartier, alors qu'il a été clair dès le début que l'honnêteté et les bonnes mœurs étaient le cadet de leurs soucis.

Fin déjà-vue

Le film culmine sur une scène improbable, lorsque les filles et la mère s'avouent leurs "péchés" respectifs. Shouk et Awatef ont perdu leur virginité pendant que la mère faisait l'aumône pour collecter les fonds nécessaires pour changer de quartier et vivre une vie aisée. Oum Shouk se cogne alors la tête contre le mur en répétant une seule phrase "vous allez la tuer maudits", visiblement transmise par la voix d'un esprit occulte. Devant la froideur de ses deux filles et au vu et su de tous les habitants de son quartier, son sang coule.
Fatma s'éteint dans une allusion allégorique à la réalité, où l'on ne peut pas changer des âmes rongées par la pauvreté et la misère avec un peu d'argent versé aux uns et aux autres. La compassion et l'amour ne peuvent exister quand le ventre est creux.

Le film se termine sur la cruauté des deux filles envers leur père qu'elles abandonnent avec les quelques sous laissés par Fatma. "Ashaouk" avait obtenu le Caire d'Or en 2010 et le prix de la meilleure actrice pour Sawsan Badr pour son rôle de Oum Shouk. Nous comprenons que les prix sont octroyés par un petit groupe et ne représentent pas nécessairement l'avis de tous les critiques de cinéma.
L'un des plus grands défauts de cette mise en scène est l'oubli des caractéristiques essentielles du personnage de Fatma. Pourquoi la longueur extrême dans les scènes gratuites d'embrassades et enlassades deux filles avec les deux jeunes hommes dans la voiture ?
Khaled Al Hagar ne nous a rien rapporté de nouveau par rapport au genre, consacrant l'idée que la chute dans la débauche morale est le résultat inévitable de toute déception amoureuse ou autre (Shouk n'a jamais voulu "pécher" avec celui qu'elle croyait l'homme de sa vie).

Néanmoins, ce film a bien des mérites. La musique accompagnatrice a été des plus réussies. Le jeu de Ahmad Azmi, Mohamed Ramadan, Merihane te Ruby étaient des meilleurs. Le scénariste Sayed Ragab a bien assumé le rôle de l'époux de Fatma, dont l'absence pesait sur les protagonistes du drame.
Mais, reste à dire que les grands prix ne font pas toujours de grands films.

Hala El Maoui

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