AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
24 364 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Quand l'Afrique concourt en courts
Retour sur la 33e édition du Festival International de Court-Métrage de Clermont-Ferrand
critique
rédigé par Claire Diao
publié le 25/02/2011
Dyana Gaye, membre du jury
Dyana Gaye, membre du jury
Courte-vie (Adil El Fadili, Maroc)
Courte-vie (Adil El Fadili, Maroc)
Courte-vie (Adil El Fadili, Maroc)
Courte-vie (Adil El Fadili, Maroc)
Adil El Fadili, réalisateur
Adil El Fadili, réalisateur
Mawlana (Ezz El-Deen Ragab, Égypte)
Mawlana (Ezz El-Deen Ragab, Égypte)
Braids on a Bald Head (Ishaya Bako, Nigéria)
Braids on a Bald Head (Ishaya Bako, Nigéria)
Yanis Koussim, réalisateur
Yanis Koussim, réalisateur
de Yanis Koussim
de Yanis Koussim
Khouya (Yanis Koussim, Algérie)
Khouya (Yanis Koussim, Algérie)
de Youssef Chebbi
de Youssef Chebbi
Na Wewe (Ivan Goldschmidt, 2010)
Na Wewe (Ivan Goldschmidt, 2010)
Na Wewe (Ivan Goldschmidt, 2010)
Na Wewe (Ivan Goldschmidt, 2010)
Na Wewe (Ivan Goldschmidt, 2010)
Na Wewe (Ivan Goldschmidt, 2010)
Affiche Clermont-Ferrand 2011
Affiche Clermont-Ferrand 2011

Clermont-Ferrand, France. Du 4 au 12 février 2011, 188 courts-métrages de fiction, documentaire et d'animation provenant de 59 pays concourraient dans trois catégories internationalement reconnues : 70 films dans la compétition nationale dédiée aux films français, 40 films dans la compétition labo ouverte aux films expérimentaux et 80 films dans la compétition internationale.
Dans cette compétition ouverte à tous les pays du monde et comptant entre autres jurés la cinéaste sénégalaise Dyana Gaye, 142 courts-métrages d'Afrique ont été reçus, provenant principalement du Maroc (33 films), de l'Égypte (29 films) et de la Tunisie (15 films). Sur ces 142 films, 6 seulement apparaissaient en compétition : Khouya (Mon frère) de l'Algérien Yanis Koussim, Lel Chamel (Vers le Nord) du Tunisien Youssef Chebbi, Mawlana de l'Égyptien Ezz El-Deen Ragab, Courte vie du Marocain Adil El Fadili, Braids on a Bald Head du Nigérian Ishaya Bako et Made in Mauritius de David Constantin (Île Maurice)*.

À l'exception du Maroc et de l'Égypte, les films ont majoritairement bénéficié d'une coproduction avec la France ou l'Angleterre. Un soutien financier qui ne déséquilibre en rien la qualité technique des films puisque c'est un film auto-produit, Courte vie, qui impressionne le plus. Traité à la façon d'Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet [France, 2001] (tenues rétro, effets spéciaux, montage saccadé), ce court-métrage relatant la vie d'un jeune marocain né dans les années 70 met en parallèle son destin et celui de son pays par une alternance régulière d'archives filmées. Bien que le style soit un peu emprunté et que la narration soit énoncée en anglais (avec un accent arabe prononcé), Adil El Fadili impressionne par sa mise en scène et par les moyens qu'il a trouvés pour réaliser un court-métrage de ce genre. Avec H'Rasch de Ismaël El Iraki (Prix Attention Talent FNAC au Festival de Clermont-Ferrand 2009), on savait déjà que le Maroc regorgeait de talent. On saura maintenant que ses réalisateurs ne sont pas à court d'idées.

En revanche, le court-métrage Mawlana de l'Égyptien Ezz El-Deen Ragab laisse perplexe, tant par sa mise en scène approximative et sa mauvaise interprétation que par un scénario assez bancal basé sur la remise en question de Dieu par un enfant devenu grand.
Un film que l'on s'étonne de trouver en compétition si nous le comparons à Braids on a Bald Head du Nigérian Ishaya Bako qui témoigne lui d'une réelle maîtrise technique.

Diplômé en septembre 2010 de la London Film School, prestigieuse école anglaise, Ishaya Bako a envoyé son film de fin d'études à tout hasard et s'est retrouvé en compétition officielle. Tourné au Nigéria, co-produit par une société de production locale, le film témoigne du malaise d'une jeune femme dans son couple et de sa curiosité envers sa voisine, jeune femme célibataire nouvellement installée dans la cour commune. Alors que le mari prouve sa supériorité par son comportement (réclamer son repas, un câlin ou la présence de sa femme), la jeune héroïne se montre de plus en plus fascinée par la voisine dont elle ne sait ni pourquoi elle est là, ni pourquoi elle est célibataire. En s'appuyant sur des acteurs crédibles, Ishaya Bako traite avec subtilité de l'homosexualité féminine très taboue en Afrique et confirme que les cinéastes nigérians, connus pour leurs films à petit budget, peuvent aussi réaliser des films de bonne qualité technique davantage basé sur le ressenti des personnages que sur du sensationnel.

La condition des femmes est aussi le centre d'intérêt de Khouya de l'Algérien Yanis Koussim, également en compétition au FESPACO 2011. Dans une famille algérienne contemporaine, une mère élève seule ses trois filles devenues jeunes femmes et son fils, seul homme à la maison. Une position d'autant plus confortable que ce frère se croit tout permis, battant ses sœurs qui lui obéissent comme à un maître et tremblent dès que sa clé entre dans la serrure de la porte d'entrée.
Non sans penser au très beau Cousines de Lyes Salem [Algérie, 2004], ce court-métrage sur les violences faites aux femmes, entièrement tourné du point de vue des sœurs puisque l'on ne distingue jamais vraiment le visage du frère, déstabilise le spectateur. Questionnant à la fois la place des hommes dans les foyers musulmans, le manque de rébellion des femmes qui subissent ces traitements et l'acceptation tacite des mères sous couvert de tradition, Yanis Koussim signe avec son second court-métrage un film brutal et percutant dont on ne ressort pas indemne.

Autre thématique déjà très développée dans la sélection internationale du Festival de Clermont-Ferrand 2010, l'immigration est au cœur du film tunisien Lel Chamel (Vers le Nord) de Youssef Chebbi. Entièrement tourné de nuit dans une lumière rougeâtre dérangeante et caméra à l'épaule, Lel Chamel retrace la difficile condition des clandestins tunisiens. Alors que le héros gagne bien sa vie en tant que passeur, le voici confronté à des trafiquants d'organes. Opposé à son partenaire qui n'a aucun scrupule, le jeune homme se retrouve soudain face à son propre frère et à sa bonne conscience.
On ne peut plus d'actualité avec les migrations massives de Tunisiens vers Lampedusa, Lel Chamel secoue tout autant qu'il interroge. Sans scrupule pour faire passer des hommes en Europe qui n'y arriveront peut-être jamais, le héros retrouve bonne conscience lorsque d'autres récupèrent son business. Version raccourcie et simplifiée de l'édifiant documentaire Victimes de nos richesses de Kal Touré [Mali, 2007] sur les migrants de Ceuta et Melila - en particulier la séquence tournée en infrarouge - Lel Chamel (Vers le Nord) frappe par sa prise de position (le point de vue du passeur), sa mise en scène tremblante et la douleur d'une situation qui ne cesse de perdurer.

Le tour d'horizon des 6 films africains en compétition pourrait s'arrêter là si un petit OVNI belge, entièrement tourné au Burundi, n'avait largement retenu notre attention. Sélectionné aux Oscars 2011, Nawéwé d'Ivan Goldschmidt retrace le "nettoyage" ethnique rwandais qui frappa aussi le Burundi en 1994. Sur une petite route de campagne, un Belge et son chauffeur burundais tombent en panne. Passe non loin d'eux un taxi-brousse qui les embarque gentiment. Peu de temps après le mini-bus rencontre un barrage. Des miliciens, dont un enfant-soldat, font descendre les passagers. Une ligne est tracée au milieu de la route. D'un côté se placeront les Tutsis. De l'autre les Hutus.
Avec un synopsis très simple, Ivan Goldschmidt signe un petit bijou. D'abord servi par un casting d'acteurs remarquables, ce court-métrage oscille tour à tour entre l'humour, la tension et le suspens sans jamais relâcher l'attention du spectateur. Belle photographie, découpage sensé, dénouement épatant, tout concourt à ce que Nawéwé, entièrement produit par la Belgique mais crédité comme un film belgo-burundais, soit largement diffusé sur les écrans.

Claire Diao

Films liés
Artistes liés
Structures liées
événements liés