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AYA. Défier l'érosion en Côte d'Ivoire
LM Fiction de Simon Coulibaly Gillard, Belgique / France, 2021
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 12/10/2022
Michel Amarger, Rédacteur à Africiné Magazine
Michel Amarger, Rédacteur à Africiné Magazine
Simon GILLARD COULIBALY, réalisateur et scénariste français
Simon GILLARD COULIBALY, réalisateur et scénariste français
Scène du film
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Sortie France : 12 octobre 2022
Distribution France : La Vingt-cinquième heure
Distribution Belgique (Wallonie) : Screen Box
Distribution Belgique (Flandres) : Bevrijdings Films

La découverte de communautés lointaines, en Afrique où les questions environnementales s'aiguisent, interpelle régulièrement des cinéastes européens. Une démarche qui conduit Simon Gillard sur le rivage de la Côte d'Ivoire où vivent les Avikams. C'est là qu'il a tourné Aya, une fiction sélectionnée dans les programmes de l'ACID au Festival de Cannes 2021. Cet auteur - né en Bulgarie, élevé en France, diplômé de cinéma en Belgique - développe à Bruxelles ses productions. Mais c'est l'Afrique qui l'attire depuis 2005. Après des films courts, tournés avec son assistant fidèle, Lassina Coulibaly, consacrés aux Dioulas, aux Mossis du Burkina Faso, aux Peuls du Mali, ce qui lui vaut le nom de Coulibaly, il rencontre les Avikams de Côte d'Ivoire pour son premier long-métrage, Aya.



AYA - Bande Annonce (2022) from La Vingt-Cinquième Heure on Vimeo.



Le film se situe à Lahou, à 250 kms de Abidjan, au croisement de l'Océan Atlantique, du fleuve Bandama et de la lagune. Une région décimée par l'érosion qui mine la côte ouest, ce qui a conduit à déplacer la ville, en 1973, à quelques dizaines de kilomètres, dans les terres, derrière la lagune. Dans son lieu originel, Lahou qui fut un important comptoir colonial et un port de pêche actif vers 1900, ne compte plus que quelques maisons de bambous et de feuilles de cocotier, plus faciles à déplacer vers la nouvelle ville, Grand-Lahou, quand l'eau monte.
C'est donc là que vit Aya, une jeune fille pétillante. Elle vaque sur la plage, s'occupe de son petit frère tandis que sa mère dont le mari est mort, s'active pour subsister. Les hommes pêchent, déplacent les corps des défunts pour les conduire plus loin, les femmes cuisinent. Aya préfère rester là, rêvasser sur la plage ou jouer avec son petit amoureux. Mais sa mère décide de l'envoyer chez une parente pour travailler à la ville nouvelle. Même si Aya n'entend pas résister à l'appel de l'océan.

L'inspiration du film puise sa source dans l'histoire même du village. "La situation de Lahou décrite dans le film est tristement réelle : les côtes de cette fine bande de sable, prise entre l'océan et un fleuve, s'érodent peu à peu", commente Simon Coulibaly Gillard. Malgré cette menace, le film rayonne en s'attachant au destin de Aya, une jeune habitante, Marie-Josée Degny Kokora, repérée par le réalisateur qui l'a impliquée dans le film avec son frère, sa mère… " Je choisis mes protagonistes d'abord pour ce qu'ils sont. Le film s'écrit au contact de leur caractère, de leur expérience, de leurs relations sociales et des histoires qu'ils partagent avec moi", explique Coulibaly Gillard.
"Ce type de démarche hybride, qui emprunte tant au documentaire qu'à la fiction, confère au récit une forme d'authenticité. Les personnages deviennent les acteurs de leur propre vie. Le décor, l'environnement, les gestes du quotidien, s'intègrent à une structure narrative simple et solide, capable d'accueillir le réel et ses imprévus", ajoute le réalisateur qui a tourné ses images sur une période de un an et demi, scandée par trois séjours sur place. "Ma pratique du cinéma est une pratique physique avant d'être une pratique intellectuelle, et celle-ci commence par le fait de se déplacer", assure le cinéaste, venu de Belgique pour partager le quotidien des Avikams.

"La question du déplacement est au cœur de toutes les préoccupations des habitants. Les parents envoient les enfants en ville pour leur offrir une éducation. Ces enjeux sont au centre de mon film où une mère doit pousser sa fille à partir pour pouvoir lui assurer un avenir." La question permet à Coulibaly Gillard de brosser des portraits de femmes attachantes, fières et espiègles. "Je voulais parler d'une histoire de filiation entre une mère et sa fille, deux femmes combatives dans un environnement tragique et hostile", confie le réalisateur.
Il privilégie les plans larges, les scènes contemplatives, le rythme lent mais vif du quotidien, troublé par les visions nocturnes de Aya. Une approche définie par la méthode personnelle du cinéaste : "Je me charge de l'image mais aussi du son, des costumes, du choix des coiffures et des décors. Je n'ai pas d'autre méthode pour faire un film que de le porter moi-même, de le fabriquer. Cette notion d'artisanat m'importe car c'est aussi grâce à cela que je peux créer une relation entre les gens que je rencontre et que je fais passer devant la caméra pour la première fois."

Cette manière de travailler est aussi le garant de l'indépendance de Coulibaly Gillard qui bâtit son film avec une coproduction légère entre la Belgique et la France. Il s'agit alors de valoriser une communauté qui tente de perpétuer son esprit en parlant sa propre langue, selon le réalisateur : "C'était la promesse entre cette jeune fille et moi, entre ce village et moi : faire un film en langue avikam. Faire voyager leur identité, leurs visages, leur langue. C'est la chose la plus fabuleuse que puisse faire le cinéma." Aya est donc une invitation au voyage, célébrant la puissance des racines et de la tenacité des femmes face à l'océan ravageur.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / Médias France)
pour Africiné Magazine

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