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MICA, Briser le plafond de verre au Maroc
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 21/12/2021
Michel Amarger est rédacteur à Africiné Magazine
Michel Amarger est rédacteur à Africiné Magazine
Ismaël Ferroukhi, réalisateur franco-marocain
Ismaël Ferroukhi, réalisateur franco-marocain
Scène du film
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Scène du film L'Exposé, 1992
Scène du film L'Exposé, 1992

LM Fiction de Ismaël Ferroukhi, Maroc / France, 2020
Sortie France : 22 décembre 2021
Dist : JHR Films

Alors que les cinéastes marocains dénoncent souvent les travers du pays, les compromissions, les blessures des personnages qui les plombent, Ismaël Ferroukhi cherche, au contraire, à valoriser l'émancipation salvatrice d'un jeune garçon. Entre le désir de "brûler" pour gagner l'Europe en clandestin, et les mains qui se tendent pour l'inciter à s'affirmer sur place, le destin du héros de Mica, 2020, peut avoir valeur d'exemple. Alors Ismaël Ferroukhi noue une production entre le Maroc et la France pour faire rêver, et espérer.



Mica est un enfant de rues qui vend des sacs en plastique au marché, d'où son nom (qui désigne ces sacs). Chassé par la concurrence, il ne trouve pas refuge dans son foyer où son père, malade, ne peut plus subvenir aux besoins. Alors on confie Mica à Hadj Kaddour qui l'emmène travailler avec lui au club de tennis qu'il entretient. Mica apprend la soumission en élevant des oiseaux, et en subissant la différence de classe des gamins aisés qui apprennent le tennis. Leur entraineuse, Sophia, ancienne championne des courts, écartée par un accident, décèle chez Mica des capacités.
Elle l'entraîne à la sauvette, le fait progresser au grand dam des fils de riches. Mais avant un tournoi où elle l'impose, il frappe un concurrent moqueur. Eliminé, chassé du club, Mica est isolé depuis la mort de son père. Il fugue et zone dans le port pour s'embarquer vers Marseille. Dépouillé, hésitant, il retourne voir Hadj Kaddour puis il renoue avec Sophia qui tente de le reprendre en main. Mais Mica veut s'imposer par lui même et défie son destin.

Ismaël Ferroukhi braque sa caméra sur un enfant des rues à Casablanca comme pour en retourner les clichés menaçants en vigueur. Son héros, au look typé, traîne un pull trop grand et les mêmes chaussures pendant tout le film. Mais le garçon a le regard vif, en phase avec les éléments de son entourage, et il sait rebondir. "Mica porte en lui cette particularité qui lui permet de voir le monde différemment et d'avancer malgré les difficultés", glisse le réalisateur.
L'accomplissement du garçon passe par le tennis auquel la fougueuse Sophia l'initie. "Le tennis est un sport qui demande énormément de ressources physiques et mentales. Il faut aller chercher la force et la volonté au plus profond de soi. Pour moi, cela à a voir avec la croyance", estime le réalisateur. Il célèbre avec habileté la progression de Mica, culminant dans un dernier duel où éclate l'intensité visuelle d'un sport encore peu présent dans les films du Maroc, déclarant : "J'ai essayé de le filmer comme un western, des plans larges, des faces à faces mais aussi des plans serrés, près des visages, afin de faire sentir la tension dans les regards des joueurs."

La révélation de Mica à lui-même passe aussi par une recomposition de sa cellule familiale. Il trouve un père de substitution avec Hadj Kaddour, croyant qui s'ouvre aux confidences, et Sophia qui lui tend la main. "Ces deux personnages sont essentiels là encore avec l'idée de la transmission", commente Ferroukhi. "Il y a celle du gardien, Hadj Kaddour joué par Azelarab Kaghat, qui, à sa manière donne du recul sur la société dans laquelle vit Mica. Et la coach sportive incarnée par Sabrina Ouazani, qui veut casser les codes inculqués par Hadj et l'ouvre à de nouvelles possibilités grâce au tennis."
Servi par l'engagement des acteurs, le cinéaste valorise la progression de Mica au fil du temps, en usant d'ellipses. "On constate que Mica comprend et parle de mieux en mieux le français. Il comprend mêmes les codes. Il a accepté aussi son enfermement.", pointe le réalisateur, accentuant le rapport du garçon aux oiseaux, aux nuages, à l'entourage. Mica s'écarte d'une fiction réaliste grâce à la musique, scandée par les percussions du hang qui introduisent une dimension onirique, conçue par le groupe Hang Massive, et des musiciens anglais.

Mica peut aussi être touchant grâce à l'interprétation de Zakaria Inan qui incarne le héros. Recruté à Casablanca où il a appris le tennis par son père qui travaille dans un club, le garçon est originaire de Kenitra, la ville de naissance de Ismaël Ferroukhi. Un auteur qui poursuit son regard sur l'enfance, les parcours, après s'être fait connaître par un film court, L'Exposé, 1992, et deux longs, Le Grand Voyage, 2004, et Les Hommes libres, 2011.



"Chacun de mes films traite essentiellement des écarts culturels, de la transmission, et à travers cela de la complexité des relations humaines", confie le cinéaste en transcendant le réel. "Mica est un conte avec tout ce que cela comprend de ce genre, c'est à dire l'alliance de la cruauté sans esquive avec la possibilité marquée de s'en sortir", relève Ismaël Ferroukhi. "Je souhaitais faire un film humain, positif, ensoleillé et poétique tout en étant ancré dans la réalité." Une aspiration à se dépasser, à réussir, défendue avec candeur et émotion.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)
pour Africiné Magazine

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