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Rocks
Le poids de la diaspora à Londres
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 06/09/2020
Michel Amarger est rédacteur à Africiné Magazine
Michel Amarger est rédacteur à Africiné Magazine
Sarah Gavron, réalisatrice britannique
Sarah Gavron, réalisatrice britannique
Scène du film
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Coulisses du film, avec la réalisatrice Sarah Gavron (casque sur la tête) parlant à D'Angelou Osei Kissiedu (Emmanuel, le petit frère), devant
Bukki Bakrai (Rocks, rôle principal)
Coulisses du film, avec la réalisatrice Sarah Gavron (casque sur la tête) parlant à D'Angelou Osei Kissiedu (Emmanuel, le petit frère), devant Bukki Bakrai (Rocks, rôle principal)

LM Fiction de Sarah Gavron, Royaume-Uni, 2019
Sortie France : 9 septembre 2020

Le cinéma social, engagé, mobilise bien au Royaume-Uni comme le confirment les succès publics de Ken Loach, Mike Leigh ou Terence Davies. Mais sur ce terrain occupé majoritairement par des hommes, la réalisatrice Sarah Gavron vient jouer avec pertinence. Cette femme fine, née en 1970, s'est sensibilisée au cinéma social en suivant ses études de cinéma dont une classe assurée par Stephen Frears.
Remarquée pour son premier long-métrage, Rendez-vous à Brik Lane, 2007, la réalisatrice blanche filme l'un des quartiers britanniques les plus multiethniques, avant de s'imposer aves Les Suffragettes, 2015, défendant des femmes en lutte, interprétées par Carey Mulligan, Helena Bonham Carter et Meryl Streep. Elle brasse ces sujets dans Rocks, 2019, qui s'attache aux péripéties d'une adolescente noire et forte.



Rocks a 15 ans, et des origines nigérianes. Elle vit avec sa mère et son petit frère Emmanuel, dans le quartier de Hackney, à Londres. Rocks assume ses rondeurs avec aplomb et se défoule avec ses copines de lycée. Le père est hors jeu alors la mère assure le quotidien vaillamment jusqu'à l'épuisement, puis la rupture. Rocks doit faire face, en gérant le foyer et l'ordinaire du remuant Emmanuel. Elle décompresse avec sa bande, composée de Sumaya, son amie proche, originaire de Somalie, Khadijah, d'une famille du Bengladesh, Sabina, la Gitane polonaise, Agnes, Britannique au teint clair, et Yawa, de parents congolais et ghanéens.
Elles se baladent, rigolent, se défient même pendant les cours. Mais les services sociaux, alertés par une voisine qui a remarqué l'absence de la mère, veulent récupérer Emmanuel pour le placer et la vie de Rocks se complique. Elle fuit avec lui, évite l'école, se fait héberger chez sa copine soudanaise. Mais le poids de la société s'affirme. Rocks ne peut échapper longtemps aux services sociaux qui coursent son petit frère. Après s'être isolée, elle trouve de nouvelles ressources auprès de ses copines qui lui proposent des lignes de fuite et des perspectives.

"Il n'y avait pas beaucoup de films pour les jeunes femmes, sur des jeunes femmes", constate Sarah Gavron. C'est pourquoi elle engage Rocks avec une productrice complice, Faye Ward, basé sur la mise en place d'ateliers avec des jeunes et des travailleurs sociaux. Elles sélectionnent des filles de 4ème et 3ème, organisant un casting en parallèle. Et ses scénaristes, Theresa Ikoko et Claire Wilson, se réapproprient les idées des filles pour alimenter la véracité de Rocks.
"Le groupe d'amies par sa diversité et la richesse de ses personnalités, représente très bien le quartier de Hackney, quartier de Londres où a été tourné le film", assure la réalisatrice en caractérisant les communautés de chacune des filles et en les mêlant comme elles le sont dans la société britannique métissée. "Il était clair que l'amitié a une place centrale dans leur vie", observe Sarah Gavron en suivant des adolescentes contrastées. "Elles sont souvent confrontées à un monde "adulte" compliqué qu'elles arrivent à gérer la plupart du temps mais se retrouvent parfois dépassées."

Les jeunes actrices, entrainées par Bukki Bakrai qui est Rocks, aux côtés de Kosar Ali, sa copine Sumaya, et le petit frère, joué par D'Angelou Osei Kissiedu, apportent leur fraicheur aux scènes enlevées et rythmées de Rocks. Le tournage chronologique leur a permis de pousser les sensations face à la caméra (avec parfois des scènes tournées à deux voire trois caméras), de l'opératrice française, Hélène Louvart, appréciée par la cinéaste pour ses collaborations avec Alice Rohrwacher ou Agnès Varda. Ainsi ce film de femmes aux images mouvantes, au montage heurté, prend sens dans sa deuxième partie où Rocks se retrouve en charge de son espiègle petit frère et se débrouille sans cesser de jouer avec lui.
L'émotion qui circule entre les personnages, le poids de la norme sociale combattue par des femmes, et l'expression de la jeunesse multiethnique revivifient le cinéma social qui se perpétue au Royaume-Uni. Sarah Gavron éclaire une héroïne poids lourd, déterminée, parfois effrontée, oscillant entre les responsabilités d'adulte et les éclats de l'enfance. Une figure attachante, éclatante pour balancer Rocks sur tous les écrans avec jubilation.

Vu par Michel AMARGER (Afrimages / RFI / Médias France), pour Africiné Magazine

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