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Shorta
Traques en cité au Danemark
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 22/06/2021
Michel Amarger est rédacteur à Africiné Magazine
Michel Amarger est rédacteur à Africiné Magazine
Frederik Louis HVIID, réalisateur danois
Frederik Louis HVIID, réalisateur danois
Anders ØLHOM, réalisateur danois
Anders ØLHOM, réalisateur danois
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Affiche américaine du film (USA)
Affiche américaine du film (USA)

LM Fiction de Anders Ølhom et Frederik Louis Hviid, Danemark, 2020
Sortie France : 23 juin 2021
Dist. : Alba Films

La société danoise a beau se préserver des étrangers, ils déboulent dans les films de genre pour faire exploser les nerfs et la cité. On le mesure avec Shorta, un polar nerveux et haletant, servi par Anders Olholm et Frederik Louis Hviid. Les deux réalisateurs frappent le Danemark avec une histoire tendue, située dans une cité métissée (fictive) de Copenhague où les policiers ne sont pas les bienvenus.



Le détonateur de l'action est l'arrestation musclée de Talib, un jeune Noir de 19 ans, malmené par les policiers. Lorsqu'il décède des suites de ses blessures, la révolte monte d'un cran dans sa cité. C'est là qu'un des policiers, proche de ceux qui ont assisté à la bavure, est conduit à patrouiller avec un collègue fort en gueule qui n'aime pas les étrangers. Jens et Mike ne s'apprécient pas mais ils doivent se serrer les coudes lorsqu'ils sont coincés dans la cité où ils ont imprudemment suivi une voiture suspecte.
Provoqués par les copains d'un jeune qui a été humilié par une fouille trop poussée, ils traquent un fugitif avant de se faire courser par les banlieusards qui occupent leur terrain. Solidement armés mais de plus en plus isolés, les deux policiers s'opposent sur le sort de leur prisonnier. Ils s'affrontent, se divisent. Jens fuit avec le captif qui peut le faire sortir de la cité, Mike cherche refuge de son côté. Leur duo se reforme pour un ultime duel. Une confrontation dramatique.

Shorta, qui désigne la police en arabe (ou plus souvent "Shurṭa", NDLR), est une plongée frénétique dans l'engrenage de la violence. Il y a celle des policiers entre eux, qui n'envisagent pas leur métier de la même manière. Car Jens paraît modéré et Mike provocateur avec les "étrangers", Roms, Arabes… qu'il ne supporte pas. Et puis il y a la violence de la cité où les bandes imposent leur tempo, avec des chefs pugnaces, au grand dam de petits commerçants détroussés.
"Notre but n'est ni de défendre ni de critiquer, mais simplement d'essayer de comprendre le "pourquoi" des actions et des visions du monde de ces personnes. Les jeunes hommes en colère, privés de leurs droits dans les projets de logement, qui se sentent diabolisés et incompris, ainsi que les policiers surmenés et sous-payés pour qui il en va de même", expliquent les réalisateurs.

Ils s'approchent au plus près des deux flics en fouillant leurs psychologies tout au long de leur traque, mettant en avant leur évolution et celle des deux jeunes qui les aident à affronter l'environnement hostile des autres. Patrouilles, caches, fuites, échauffourées sans concessions, Shorta avance par secousses. "Nous nous sommes efforcés de faire un film avec un sens de l'urgence qui place le public en plein milieu du chaos", indiquent les deux Danois, maniant une mise en scène efficace.
Anders Olhom et Frederik Louis Hviid s'avancent plus sur le terrain de l'intime que sur celui de la sociologie. Et les acteurs sont valorisés. Simon Sears qui campe Jens, est aussi à l'affiche de The exception, 2020, et de séries à succès. Jacob Hauberg Lohmann qui joue Mike, s'est fait connaître dans Darkland, 2017, et des séries télé populaires. Tarek Zayat fait ses débuts dans le rôle de Amos tandis que les seconds rôles regroupent des comédiens aux noms à consonance étrangère tels Dulfi Al-Jabouri, Issa Khattab, Abdelmalik Dhaflaoui ou Arian Kashef.

Le casting de Shorta est au diapason de la cité danoise où les communautés s'affirment, s'organisent, s'accrochent. Le directeur de la photo, Jacob Moller, élargit et resserre le cadre tandis que le suspens se tend. Les réalisateurs citent comme références des cinéastes américains dont Sydney Lumet, William Friedkin, Walter Hill. "Mais aussi [...] des cinéastes comme Spike Lee et Mathieu Kassovitz, dont les œuvres mijotent avec colère, indignation et défi pour enfin livrer un commentaire social fort avec un style visuel renforcé", estiment-ils. On pourrait y ajouter Les Misérables de Ladj Ly, 2019.
Scénariste de la trilogie Antboy, démarrée en 2013, Anders Ølhom a réalisé le court-métrage King, 2015, avec Frederik Louis Hviid. Ce dernier s'est fait remarquer au Festival de Cannes 2017, avec Halfman, puis des épisodes de série. Leur association régénère le polar danois avec éclat, en abordant la colère, la tension raciale qui règnent dans les cités : "Notre but est de faire vibrer et de divertir, mais aussi de susciter des conversations sur un sujet difficile, sans solution."

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)
pour Africiné Magazine

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