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Aida Bouya, une réalisatrice sur les traces de ses aïeuls hassanis
"Le cinéma est un mode d'expression qu'il faut exploiter dans le bon sens"
entretien
rédigé par Amina Barakat
publié le 14/12/2022
Aida BOUYA, réalisatrice marocaine
Aida BOUYA, réalisatrice marocaine
Amina Barakat (Rabat), Rédactrice à Africiné Magazine
Amina Barakat (Rabat), Rédactrice à Africiné Magazine
LEATHER BOARD, 2017, documentaire
LEATHER BOARD, 2017, documentaire
THE END OF THE BEGINNING, 2021, documentaire
THE END OF THE BEGINNING, 2021, documentaire

Aida Bouya est une jeune réalisatrice, issue des régions du sud Marocain, une Sahraouie de pure souche. Ses attentes sont tellement profondes qu'elle décide de briser les chaînes qui la retienne aux rites d'une société conservatrice, afin d'explorer d'autres univers. Pour cela, il lui a fallu choisir un domaine qui l'emmène ailleurs. Cet univers n'est autre que le 7ème art. Son premier pas vers l'espace des paillettes fut sa participation à la 1ère édition du festival du patrimoine arabe qui s'est déroulé en 2020, au Caire, en Egypte.

Sa réelle motivation est le fait de décrocher le prix de la 1ère œuvre, en tant qu'un documentaire captivant, riche en informations et bien ficelé armé des ingrédients, qui forment un travail complet, spécifique à la région d'où elle vient, qu'est le Sahara du sud marocain. Son travail a été distingué, il sort d'un lot qui embrasse 63 films en lice, venus de plusieurs pays arabes pour participer à un festival spécial documentaire aux caractères du patrimoine arabe, qui protège l'identité et la réserve dans le registre de l'histoire.

Aida compte parmi les rares femmes sahraouies, qui ont osé se mettre derrière la camera, pour guetter les moments opportuns et capter des images spécifiques au Sahara, avec tous ce qui la distingue ; cette jeune femme se comporte avec son 3ème œil avec délicatesse ;au moment ou la présence de la femme dans l'espace médiatique était encore très timide à cause de la mentalité, d'une société patriarcale, qui vit avec un esprit bourré d'idées qui croient encore à la différence homme/femme, basé sur une ségrégation sexiste.
Le coussin de massage est son premier documentaire qui a pu séduire plus d'un festival, ce qui a sensibilisé Aida et l'a poussé à continuer de faire carrière dans ce domaine.
Pour en savoir plus sur cette réalisatrice au fameux pan de tissu coloré, symbole de l'habit du désert, Africiné lui a posé ces quelques questions.

Pourquoi vous avez choisi de vous mettre derrière la camera, alors que ce métier est plutôt masculin, surtout dans une société telle que le Sahara ?

Mon choix est le résultat d'une expérience que j'ai eue en travaillant dans les medias et ma participation aux différentes sessions de formation au centre international des journalistes à Washington. Après, j'ai reçu un prix concernant les enfants de la rue et les mères célibataires, dans un programme enquêtes d'investigation qui s'occupe de ce fléau qui ne fait que s'aggraver dans plusieurs sociétés fragilisées par la pauvreté. Ma relation avec la camera est donc devenue une passion. Juste après avoir aimé donner une âme aux idées qui germent et défilent dans mon esprit, j'ai commencé à m'intéresser à l'industrie du cinéma. C'est là que j'ai décidé d'intégrer ce merveilleux espace magique et d'en faire mon métier.

Il est clair que le statut de la femme sahraouie est particulier, car elle est armée par une personnalité très forte qui lui permet de gérer sa vie selon ses attentes. Est-ce que vous avez des lignes rouges, qu'il ne faut pas dépasser en traitant ces sujets ?

D'abord, la femme sahraouie est pareille à toutes les femmes marocaines, sauf qu'elle a un charisme qui lui appartient et la distingue. Elle est très respectée et a toujours son chapitre à défendre. Elle jouit d'une notoriété ; elle a une place privilégié dans la société où elle vit et évolue en tant que mère, épouse et membre active. Elle est donc présente dans tous les domaines et pourquoi pas celui du cinéma, bien qu'il soit fraichement adopté par les Sahraouis de la région. Cette présence d'ailleurs m'impressionne et me pousse à aller au devant des faits réels pour mettre l'accent sur son attache avec les données sacrées de la société sahraouie encore conservatrice, et veiller au respect de la vie et la préserve des conséquences des sujets tabous.



La vie regorge de sujets considérés comme des matières qui attirent les médias sociaux, tel que la circoncision des petites filles, le gavage [le fait de faire ingurgiter beaucoup d'aliments à la femme, NDLR], le divorce qui rend la femme de plus en plus désirable. Est-ce que ces sujets ne vous dérangent pas, en tant que réalisatrice et femme ?

Au contraire, je pense que l'audace de traiter ces thèmes, constitue un point fort et crédible qui donne beaucoup d'importance et d'intérêt au sujet. Et puis, je préfère être libre de traiter tout ce qui caractérise une société, qu'elle soit positive ou négative. De ce fait, je crois que le cinéma est un mode d'expression qu'il faut exploiter dans le bon sens.

Quel est le genre cinématographique qui t'attire le plus : la fiction ou le documentaire ?

Actuellement ce qui m'intéresse le plus est de travailler sur le documentaire. C'est parce que j'aime m'inspirer de la réalité et de l'environnement dans lequel j'évolue. En plus, c'est un espace très riche en matières et qui m'aide à enrichir mes capacités de création. Sachant que l'univers du documentaire est très vaste et ouvert, sans limite du temps ni de l'espace. Ce qui nous permet de travailler loin des contraintes qui imposent le respect d'un scénario rigide et un casting bien défini.



Que représente pour vous le prix de la 1ère œuvre qu'a reçu votre documentaire Le coussin de massage ?

C'est un honneur pour moi de recevoir ce prix. Surtout qu'il y avait une concurrence très forte. Cela me donne plus d' énergie pour continuer à créer.

Est-ce que vous croyez que les festivals internationaux participent à la promotion du cinéma féminin ?

Aujourd'hui, on remarque que le cinéma au féminin est très présent dans les festivals et très apprécié par les acteurs actifs dans l'industrie du film. Les réalisatrices bénéficient de rencontres avec les professionnels et peuvent échanger leurs expériences. C'est aussi une chance de faire voir leurs créations, exposer leurs idées et atténuer la différence qui existe entre elles et leurs collègues du domaine.

En tant que réalisatrice est-ce que vous croyez à un cinéma au féminin ?

L'important, c'est que la femme soit bien derrière la camera, qu'elle travaille d'une manière à défendre sa cause et dire son mot. Donc le cinéma au féminin est bien là. Je ne peux être que positive sur ce point là. Et pour être claire : je dirai qu'un film ne peut pas sortir sans la présence de la femme, devant ou derrière la camera.

Propos recueillis par
Amina BARAKAT

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