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LE SPECTRE DE BOKO HARAM, les plaies du terrorisme à hauteur d'enfant
Un long métrage documentaire de Cyrielle RAINGOU, Cameroun, 2023
critique
rédigé par Sidney Cadot-Sambosi
publié le 08/04/2024
Cyrielle RAINGOU, réalisatrice, scénariste, directrice photo et productrice camerounaise
Cyrielle RAINGOU, réalisatrice, scénariste, directrice photo et productrice camerounaise
Scène du film LE SPECTRE DE BOKO HARAM
Scène du film LE SPECTRE DE BOKO HARAM
Scène du film LE SPECTRE DE BOKO HARAM
Scène du film LE SPECTRE DE BOKO HARAM
Scène du film LE SPECTRE DE BOKO HARAM
Scène du film LE SPECTRE DE BOKO HARAM
Scène du film LE SPECTRE DE BOKO HARAM
Scène du film LE SPECTRE DE BOKO HARAM
Scène du film LE SPECTRE DE BOKO HARAM
Scène du film LE SPECTRE DE BOKO HARAM
Scène du film LE SPECTRE DE BOKO HARAM
Scène du film LE SPECTRE DE BOKO HARAM
La cinéaste camerounaise Cyrielle Raingou, avec sa Montgolfière d'argent 2023, trophée du Festival des 3 Continents (Nantes)
La cinéaste camerounaise Cyrielle Raingou, avec sa Montgolfière d'argent 2023, trophée du Festival des 3 Continents (Nantes)
Cyrielle Raingou, réalisatrice
Cyrielle Raingou, réalisatrice
Scène du film LE SPECTRE DE BOKO HARAM
Scène du film LE SPECTRE DE BOKO HARAM
Sidney CADOT-SAMBOSI, Rédactrice (Paris) à AFRICINÉ MAGAZINE
Sidney CADOT-SAMBOSI, Rédactrice (Paris) à AFRICINÉ MAGAZINE

Récompensé par le Tigre d'Or du festival de Rotterdam en février 2023, Le spectre de Boko Haram de la réalisatrice camerounaise Cyrielle Raingou nous plonge dans les plaies béantes laissées dans la vie des habitants de Kolofata, par les exactions commises par Boko Haram - groupe terroriste qui sévit, hélas, depuis bientôt dix ans. Brillant et d'une grande justesse.

Dans le petit village de Kolofata, à l'extrême nord du Cameroun, à la frontière du Nigeria, la réalisatrice dépeint le traumatisme causé par Boko Haram que subissent les habitants et particulièrement les enfants : les frères Mohammed et Ibrahim, Falta Souleymane, et tous leurs camarades Aladji, Ladki, Isamela, Maloum, etc. Elle réussit à capturer le quotidien de ces villageois sans les artifices du dispositif documentaire, et surtout à faire parler les enfants de leurs vies, de leurs rêves, de ce qu'ils ont enduré, de leurs questionnements à propos des êtres chers défunts, de leurs mémoires.



Sans pathos ni voyeurisme, ce documentaire magistrale se place à hauteur d'enfant, les replaçant au centre du temps, de l'espace et de l'attention. Là où tout pourrait sembler perdu, dans un espace menacé, où le danger rôde constamment, les enfants représentent une lumière éternelle. Ils rêvent d'un avenir meilleur en se projetant dans leurs études, pleurent un moment mais essayent de garder le sourire au quotidien. D'autres, comme les frères Mohammed Alilou et Ibrahim Alilou sont en errance et dans le rejet du monde des adultes, gardant secrètement l'espoir de retrouver leur foyer.

La force, la grandeur de ces enfants et les blessures qu'ils portent sont le fil rouge de cette fresque, et donnent tout son relief au film. Cette dualité est aussi inscrite dans l'espace : un paysage magnifique où une grande variété d'animaux vivent et s'épanouissent, bordé d'une belle chaîne de montagnes d'où provient le danger terroriste.
Ce danger qui reste en arrière plan seulement, même si tout le quotidien rappelle la présence de ces fantômes du mal : les dessins des enfants représentant des armes ou des engins de guerre, les discussions avortées à propos des morts, les récits traumatiques d'enlèvement et d'assassinats, la présence des militaires, etc.

À Kolofata, il ne se passe pas un mois sans qu'il y ait une tentative d'attaque de la part de Boko Haram. Pourtant, il semble que les enfants aient conservé ce que les adultes ont oublié : une innocence et une liberté qui contrastent avec les contraintes d'une vie forcée dans une prison à ciel ouvert.

C'est bien à cet endroit-là que Cyrielle Raingou capture l'immense résistance et la lumière d'une enfance brisée et très résiliante, avec des plans non intrusifs ou froids. Le montage intelligent ne commente pas son propos, ni ne revêt un caractère pédagogique.

Il aura fallu six années de travail à sa réalisatrice pour nous livrer un documentaire qui fait corps avec son sujet, en pudeur et en honnêteté, nous offrant des moments d'une rare sincérité. Elle interroge ainsi l'avenir de ces pays confrontés au terrorisme : quelle société bâtiront ces enfants qui ont grandi dans la peur et le deuil ? Quelle paix imagineront-ils ?

Sidney Cadot-Sambosi
Vanuit het Zuiden (From the South)

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