La mort vient de faucher brutalement et tragiquement l'une de nos jeunes et brillantes artistes, l'un des talents artistiques les plus prometteurs du Mali voire de l'Afrique : Djénéba Koné !
Un talent pur et inné qui a tenu le rôle principal de "Bintou Wèrè" dans l'Opéra du Sahel. Elle est décédée mercredi 21 décembre 2011 dans un accident de la circulation sur la route de Ségou. Ses obsèques ont eu lieu le lendemain, jeudi à N'Tomikorobougou en Commune III du District de Bamako. Destin tragique pour une fille passionnée et ambitieuse à qui le sort commençait enfin à sourire.
"Les bonnes sauces ne durent pas dans la marmite", disent les Bambaras. Et la vie de Djénéba Koné illustre assez ce dicton. Artiste comédienne, cette Ségovienne avait un don surnaturel pour s'imposer dans les années à venir comme l'une des meilleures ambassadrices de la culture malienne voire africaine dans le monde. Hélas, elle s'est éteinte à jamais ce mercredi 21 décembre 2011 victime d'un accident sur la route de sa terre natale, Ségou. Une étoile s'est éteinte plein de vie.
Djénéba s'est éclipsée de la scène de la vie pleine d'envie, d'ambition et de projets. Le sort s'est tragiquement acharné sur elle au moment où la vie osait enfin lui sourire pour se racheter de tout ce qu'elle lui a imposé comme épreuves. Djénéba Koné, je l'ai rencontrée il y a une dizaine d'années lors d'un atelier organisé à Ségou par l'UNICEF et Helen Keller International (HKI) sur l'Education. La Troupe Waleya de Macki Touré avait été alors sollicitée pour présenter un sketch sur la scolarisation des filles. Comme tous les participants, sa voix m'a marqué à jamais. Je n'ai donc pas résisté à faire un Zoom sur elle.
Au fil du temps, nous nous sommes régulièrement rencontrés, notamment à "Oxyjeunes" (une initiative de l'UNICEF, URTEL et l'ORTM) à Sévaré (Mopti) et lors des répétitions de l'Opéra du Sahel. Et à chaque fois qu'on se voyait, elle exigeait à ce que je me prononce sur ses prestations, sa façon de progresser, sur les choix professionnels qu'elle venait de faire… En un mot, de la critiquer pour lui permettre "de [se] corriger et d'avancer".
Avide de savoir
A chaque rencontre, elle s'approchait discrètement et poliment pour me taquiner (nous étions cousins à plaisanterie) et me confier ses projets, comme l'album qu'elle s'apprêtait à lancer : Yafama (Pardon) ! Elle disait que je lui porte chance parce que j'ai été le premier journaliste à lui consacrer un article et que depuis, les portes n'ont cessé de s'ouvrir à elle. Elle était naturellement modeste parce que tout ce qu'elle a réussi dans sa courte vie, elle le doit surtout à son talent, à sa soif d'apprendre et sa rage de réussir. C'est ce que je retiens d'elle : la volonté de réussir, de se frayer un chemin dans la vie contre vents et marées.
D'approche timide, elle cultivait à souhait la pudeur et la discrétion. Mais, une fois qu'elle vous faisait confiance, les murs s'écroulaient d'eux-mêmes. Je ne pouvais donc qu'être effondré en apprenant son décès aux environs de 17h ce mercredi 21 décembre 2011 ! J'ai mis du temps à l'accepter ! Pas parce que je la croyais immortelle. Mais, parce que je croyais naïvement qu'elle était trop jeune et elle avait trop de projets pour mourir maintenant, au moment où elle nourrissait un immense espoir de réaliser ses ambitions et de choyer ses proches !
Depuis la mort de Chéché Dramé, je n'avais pas été autant bouleversé par une disparition. Que faire ? C'est la vie qui est une scène de théâtre où nous jouons tous notre rôle avant de répondre au rendez-vous du destin. Et c'est sur la route de Ségou que la grande faucheuse avait donné rendez-vous à la star en herbe !
Prédestinée aux arts
Tout la destinait à la scène avec un père (Daga Koné) joueur de balafon et une mère (Mariam Dembélé) chanteuse qui l'emmenait avec elle lors des baptêmes et autres réjouissances populaires pour officier. Mais la vie ne fut presque jamais rose pour cette jeune fille qui a perdu très tôt ses parents et a dû très tôt apprendre à prendre des décisions et surtout à voler de ses propres ailes. A 11 ans, elle fut découverte par Macky Touré qui lui a ouvert sa troupe théâtrale, Waleya, de Ségou. Une opportunité pour elle de s'initier et pratiquer le théâtre, la danse et bien sûr la musique. Djénéba participa a ainsi la chance de participer à des compétitions culturelles locales, régionales et au niveau national.
Selon ses propres confidences, c'est à partir de 6 ans qu'elle eut le privilège d'accompagner sa mère dans les cérémonies sociales (mariage, baptêmes…). Mais, cette formation maternelle a été de courte durée, parce qu'à l'âge de 10 ans, elle devait se résoudre à prendre sa destinée en main à cause de la perte de ses deux parents. En 2005, elle est en compétition solo (chanson) et sort lauréate au niveau national en occupant la seconde place. Dès lors, les choses s'enchaînent pour Djénéba, avec le casting qu'organise l'équipe de l'Opéra du Sahel dirigée par Wasis Diop, en 2006. Elle est retenue sur une quarantaine de participants. C'est donc naturellement que l'Opéra du Sahel fut pour elle un tremplin pour accéder à la notoriété internationale.
Ses qualités de vocaliste, de comédienne et de danseuse lui ont assuré le rôle majeur dans cette œuvre. Ce n'était pas acquis d'avance car c'est après avoir essayé plusieurs cantatrices maliennes et sénégalaises que les maîtres chorégraphes, musiciens et dramaturges ont décidé de lui confier le rôle malgré son extrême jeunesse. Soprano de cette première création purement africaine, Djénéba Koné, après la première représentation sur la berge du fleuve Niger à Bamako, a tourné successivement à Amsterdam (Pays-Bas) en 2007, puis au Théâtre du Châtelet à Paris, l'année suivante. L'œuvre avait ensuite poursuivi sa tournée en Afrique (Dakar, Ouagadougou, Conakry, Nouakchott, Banjul…). C'est ainsi que la jeune femme est entrée dans la Cour des grands artistes sur la tapis rouge.
Le destin en quête de rachat ?
Depuis sa révélation à travers l'Opéra du Sahel, Djénéba Koné ne s'est plus reposée. La Sénégalaise Germaine Acogny, Directrice de L'école des Sables à Toubab Dialaw, va l'inviter au Sénégal pour 45 jours de stage dans son école de danse. Elle fera ensuite le chœur dans l'orchestre d'Abdoulaye Diabaté, avant d'intégrer la troupe "Faso danse théâtre" du Burkina Faso.
Moussa Bolly
Journaliste/Critique