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Même pas mal, de Nadia El Fani et Alina Isabel Pérez
Faire pousser le bruit et la fureur
critique
rédigé par Sunjata Koly
publié le 29/11/2012
Même pas mal
Même pas mal
Soumaïla Sunjata Koly (Africiné)
Soumaïla Sunjata Koly (Africiné)
Nadia El Fani, réalisatrice
Nadia El Fani, réalisatrice
Alina Isabel Pérez, réalisatrice
Alina Isabel Pérez, réalisatrice
Nadia El Fani
Nadia El Fani
Même pas mal
Même pas mal
Même pas mal
Même pas mal
Même pas mal
Même pas mal


La Tunisienne Nadia El Fani et la Cubaine Alina Isabel Pérez ont co-réalisé Même pas mal. C'est un long-métrage documentaire qui relate la violente confrontation de Nadia el Fani avec les islamistes ainsi que son combat contre la maladie durant la réalisation du film Laïcité Inch'Allah (2011). Nadia El Fani a dû faire face aux agressions des cellules en tous genres, cellules qui insidieusement attaquaient son corps, cellules sournoises qui sèment la terreur dans le corps social tunisien.
Tourné dans l'intimité d'un combat contre un ennemi qui ne fait pas provision de coups bas, Même pas mal nous entraîne dans les méandres d'un combat physique et politique dont le spectateur ne sort pas indemne.






Filmé caméra au poing, comme une arme de légitime défense, le tandem ne laisse point de répit à l'expansionnisme salafiste qui veut s'octroyer toutes les dividendes de la révolution de Jasmin. Dans la rue, sur les murs qu'ils recouvrent de slogans sans équivoque comme insoumission ou transgression, sur les plateaux de télévision pour croiser le fer avec les théoriciens fumeux d'un islamisme modéré truffé ambiguïtés. Sur la toile, nouvel espace d'expression d'un prosélytisme de mauvais goût où des cyberfanatiques déversent des torrents de boue sur son précédent film, Laïcité Inch'allah (Grand prix de la laïcité 2011).

Nadia El Fani donne de sa personne et en cela, elle force le respect. En un peu plus d'une heure (le film dure 66 minutes), elle nous démontre qu'avec les liberticides on ne tergiverse pas on s'insurge. La dialectique passe par une épreuve de force avec ceux qui usent de la démocratie pour accéder au pouvoir et mieux imposer leur absolu, l'avènement d'une théocratie régie par la chaaria au mépris des acquis de la nation tunisienne. En filigrane, une régression du statut des femmes que les salafistes considèrent comme un bien mal acquis. Les réalisatrices - qui offrent à ces forces obscurantistes une âpre opposition au plan des idées - reçoivent l'appui de personnalités de renom telles qu'Élisabeth Badinter ou Agnès Varda ainsi que les membres de la Société Française des Réalisateurs.

Même pas mal réhabilite la tradition militante du documentaire, sa fonction socratique de libération de la parole. Cinéma direct ou documentaire réalité, le dernier film de Nadia El Fani et Alina Isabel Perez suit une trame chronologique ponctuée de fragments de vies. Les médicaments qui s'amoncellent dans la poubelle comme les douilles après la bataille. Les gros plans sur les comprimés effervescents dont les bulles s'élèvent pour régénérer la matière grise de Nadia El Fani éprouvée par son traitement médical. La Tunisie change de look, par la force des choses, elle aussi. Le crâne rasé et assumé, provoque.
La tension est constante. Le spectateur est mis à rude épreuve par la frontalité des images d'affrontement pour la défense de la liberté d'expression. La salle CinémAfric'Art vandalisé à Tunis par des meutes de barbus et la complainte hors champ d'une vaine résistance lors de la tentative de diffusion de Laïcité Inch'allah nous rappellent que la bande son occupe une place essentielle dans les deux derniers films de la réalisatrice tunisienne. Les plus grandes révolutions ne se sont-elles pas faites par le bruit, la fureur et les chants de la rue, quand les cols blancs veulent concevoir leurs petits arrangements derrière les lambris des salons cossus? Même pas mal continue le combat amorcé par les printemps arabes. Ses auteures citant Victor Hugo, nous rappellent que "ceux qui vivent, sont ceux qui luttent".

Soumaïla Sunjata Koly

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