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Aya de Yopougon
La BD ivoirienne qui épice les écrans
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 15/07/2013
Michel Amarger (Africiné)
Michel Amarger (Africiné)
Marguerite Abouet, co-réalisatrice
Marguerite Abouet, co-réalisatrice
Clément Oubrerie, co-réalisateur
Clément Oubrerie, co-réalisateur
Scène de Aya de Yopougon
Scène de Aya de Yopougon
Scène du film
Scène du film
Scène de Aya de Yopougon
Scène de Aya de Yopougon
Scène du film
Scène du film
Scène de Aya de Yopougon
Scène de Aya de Yopougon
Scène du film
Scène du film
Scène de Aya de Yopougon
Scène de Aya de Yopougon
Affiche américaine
Affiche américaine

LM Fiction de Marguerite Abouet et Clément Oubrerie, France /
Côte d'Ivoire, 2013
Sortie France : 17 juillet 2013

C'est l'une des premières adaptations pour le cinéma d'une bande dessinée à succès, assaisonnée aux réalités ivoiriennes. Depuis 2009 que l'idée a été annoncée, les fans s'impatientent de voir bouger Aya, ses copines, sa famille et tout le quartier dans un long-métrage d'animation remuant. Le film reprend assez fidèlement les deux premiers tomes de la série des aventures de Aya de Yopougon, écrites par Marguerite Abouet et dessinées par Clément Oubrerie. Leur collaboration, depuis 2005, a produit six albums remarqués, traduits en 15 langues, vendus à des milliers d'exemplaires. Un phénomène qui réjouit les auteurs, associés pour travailler et lancer l'adaptation cinéma en France.
Le film raconte donc la vie de Aya dans le quartier populaire de Yopougon, la plus grande des 13 communes du district d'Abidjan, rebaptisé Yop City, "comme dans un film américain", s'amusent les auteurs. Le climat bon enfant de la fin des années 70, est pimenté par l'atmosphère cosmopolite et pittoresque du secteur. Aya, 19 ans, rêve d'étudier pour devenir médecin. Mais entre l'école et sa famille, il y a Adjoua et Bintou, ses meilleures amies, plus délurées. Aya les classe toutes deux dans la série C comme "Coiffure, Couture, Chasse au mari", tant il est vrai qu'elles courent les maquis, en échappant à la vigilance des parents. La situation se complique quand Adjoua se retrouve enceinte. Les filles discutent alors de la marche à suivre, avortement à la sauvette ou aveu familial, tandis que Moussa, le père désigné, est désemparé. Car son père à lui, Bonaventure Sissoko, est l'un des plus riches commerçants de bière mais aussi l'un des hommes les plus autoritaires de la ville.



L'ambiance surchauffée de Yop City est propice aux échanges vifs, aux joutes verbales que Marguerite Abouet cultive lestement dans ses histoires. "Le thème de la recherche de paternité ferait en Occident le bonheur des psychiatres", observe t-elle. "En Afrique, on apprend à résoudre les problèmes autrement, on ne s'apitoie pas sur son sort." En effet, les personnages ne se font pas de cadeaux, dans une ville où les contrastes se côtoient avec vivacité, loin des clichés pessimistes sur l'Afrique. Les femmes de Yop City aiment porter des "robes de Paris", les hommes arborent des jeans mode et se retrouvent chez le coiffeur au look de Michael Jackson. Même si "chacun en prend pour son grade", comme le reconnaît Marguerite Abouet, en épinglant des hommes lâches qui alignent effrontément les maîtresses, tel le père de Aya, des femmes prêtes à toutes les compromissions pour obtenir une issue à leur avantage, l'humour emporte le trait et inspire un film optimiste.
Les caractères de Aya de Yopougon sont croqués avec des traits simples, un graphisme épuré, rodé par le dessinateur Clément Oubrerie dans les albums d'origine. Le film d'animation est ponctué de spots de publicité d'époque que les personnages voient à la télé. La souplesse des mouvements repose sur des captations vidéo d'acteurs. Les variations de couleurs chaudes sont au diapason des situations et des échanges entre copines qui rythment le quotidien de Aya. Les gags jaillissent, des chansons populaires syncopées s'égrènent, les dialogues fusent, portés par les voix de comédiens d'origines diverses, comme les habitants de Yopougon.
Aïssa Maiga, aux racines sénégalaises, reconnue par ses rôles diversifiés pour des réalisateurs français et africains, prend les intonations de Aya. La pétulante Tatiana Rojo, Franco-ivoirienne, est Adjoua tandis que Tella Kpomahou, Béninoise grandie en Côte d'Ivoire, héroïne de Il va pleuvoir à Conakry de Cheick Fantamady Camara, 2006, double Bintou. L'apport du Burkinabè Jacky Ido et du Camerounais Emil Abossolo-Mbo pour des voix masculines, est efficace.

Le quartier investi par Aya de Yopougon, vibre de scènes mordantes et de la solidarité en vigueur. "Je ne reconnaissais pas l'Afrique de mon enfance quand j'écoutais les médias", explique Marguerite Abouet, "alors j'ai décidé de donner une version plus proche de ce que vivaient les Africains au quotidien, qui ne parle pas de guerre, de famine, même si certes cela existe." En imaginant les émotions de Aya et ses copines, elle puise dans les souvenirs de son enfance à Yopougon où elle a passé les douze premières années de sa vie. Depuis son arrivée à Paris, il y a 28 ans, elle a connu l'abandon de son oncle malade, revenu au pays, la difficulté de survivre avec son frère, sans papiers, trouvant dans l'écriture un moyen de dépasser les images convenues de l'Afrique. "Je me rends compte que, parfois, on attend de moi des choses très formatées", confie t'elle, échaudée par des projets de scénarios pour la télévision. "Moi, j'aime raconter des histoires, c'est tout."
La collaboration avec le dessinateur Clément Oubrerie élargit alors l'inspiration sur les péripéties des habitants de Yopougon. "C'est ce qu'on essaie de faire avec Aya", précise le graphiste, "qu'au bout de trois pages, les gens oublient que c'est une histoire avec des Noirs, qu'ils lisent juste une histoire." L'adaptation pour le cinéma est alors réalisée avec les moyens de Autochenille Production, une société qu'il anime avec Antoine Delesvaux et Joann Sfar. Après avoir produit Le Chat du Rabbin de Sfar, 2011, l'équipement de leur local, Banjo Studio, a permis de créer les images animées de Aya de Yopougon, à Paris. Mais la distribution du film est prévue pour toucher un large public grâce au réseau français de UGC, en dépassant les frontières pour régaler les spectateurs ivoiriens et ceux de l'Afrique de l'Ouest qui connaissent Aya de près. Un défi qui repose sur l'abattage de l'héroïne ivoirienne et ses copines, capables de piquer tous les esprits.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)

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