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Des Étoiles (Under the Starry Sky), de Dyana Gaye
Une imprévisibilité enchantante
critique
rédigé par Hassouna Mansouri
publié le 01/10/2013
Hassouna Mansouri (Africiné)
Hassouna Mansouri (Africiné)
Dyana Gaye, réalisatrice
Dyana Gaye, réalisatrice
Des Etoiles
Des Etoiles
Des Étoiles
Des Étoiles
Des Étoiles
Des Étoiles
Des Étoiles
Des Étoiles
Des Étoiles
Des Étoiles

Avec un titre pareil, Dyana Gaye annonce la couleur de son nouveau film. Avec ce premier long métrage, la Franco-Sénégalaise a apporté un souffle mystique à la 28ème édition du Festival International du Film Francophone de Namur (27 septembre - 04 octobre). Dans cette histoire à plusieurs niveaux de lecture - historique, sociologique mais aussi spirituel voire même esthétique, la réalisatrice semble donner de nouveaux sens aux notions du temps et de l'espace. Les trajectoires des personnages ont l'air de diverger mais en fait, ils évoluent tous suivant une logique qui n'est pas nécessairement perceptible mais qui se laisse sentir ou presque deviner.

Trailer - DES ETOILES, 2013, Dyana Gaye, Senegal / France, 88mins from Africiné www.africine.org on Vimeo.



Dans Des Étoiles (Under the Starry Sky), l'expression "le monde est un petit village" prend tout son sens. Les personnages voyagent beaucoup et dans des sens très différents. Sophie, la Dakaroise, débarque à Turin sur les traces d'Abdoulaye, son époux. Celui-ci est parti travailler sur un autre chantier en Italie. D'autres diront que c'est en France. En fait il a traversé l'Atlantique. Thierno fait une traversée dans le sens complètement contraire. Il arrive à Dakar avec la dépouille de son père pour l'enterrer dans sa terre d'origine. Et tout autour de ces trois personnages d'autres sont en mouvement, selon des orbites inconstants.

Il y a donc des liens qui se défont, d'autres qui se refont. Chacun est élancé vers un point qui lui échappe continument. La caméra de Gaye saisit chacun, à un point quelconque de sa trajectoire, quelque part entre son point d'appui et un autre qui n'est pas encore défini. Du coup, le spectateur est pris dans un tourbillon de corps évoluant dans tous les sens comme ces corps célestes jetés dans le vide qui semblent suivre une logique impressionnante sans être pour autant intelligible.
Le film est traversé par l'énergie née comme naturellement du mouvement des uns et des autres, faisant que le temps ainsi que l'espace deviennent de pures forces poussant ou tirant les personnages vers leur destin. L'endroit le plus exigu comme l'appartement turinois où une dizaine de sénégalaises se marchant presque les unes sur les autres dans leurs allées et retours dansants renvoie comme par correspondance poétique à l'espace le plus ouvert, le vide du Cosmos où d'autres corps sont en mouvement permanent. Il en est de même avec le petit bar new-yorkais où Abdoulaye est accueilli sympathiquement, mais aussi un peu contre sa volonté, par une communauté d'Afro-Américains.

Des Étoiles (Under the Starry Sky) est un film qui, en toute modestie, propose une définition de la vie. Par des touches toutes discrètes, Dyana Gaye fait retourner toutes les lignes vers Dakar. La ville est tout le temps évoquée par Sophie, Abdoulaye et leur entourage comme une perspective de retour. Mais ils sont pris par l'attraction d'autres personnages - corps qui les invitent à suspendre temporairement ce désir de partir ou de re-partir. Pour Thierno, Dakar devait être une halte limitée dans le temps avant de repartir vers New York, peut-être en compagnie de sa cousine qui ne rêve que de ça. Mais l'idée qu'il puisse jouer au piano dans un hôtel dakarois et la découverte de ses demi-frères risque de constituer des facteurs susceptibles d'introduire une bifurcation dans sa trajectoire et suggérer un séjour plus long que prévu.
Alors, Dakar se présente non pas comme le lieu commun de l'origine d'où l'on vient ou vers lequel on retourne. Elle est comme le trou noir ; un point de passage où le temps et l'espace convergent vers une troisième dimension qui a des effets mystérieux sur les destinées des êtres. Abdoulaye, assis sur une corniche new-yorkaise lance son regard dans la direction Est. Là, de l'autre côté, en visite de l'Ile de Gorée, des hommes et des femmes regardent ; dans le sens opposé en passant par une vieille porte par où, à d'autres époques des individus sortaient pour embarquer vers des destinées infernales. Les deux regards se croisent et créent une ouverture dans le temps faisant tout d'un coup rejaillir du creux de l'Histoire les sensations insaisissables de voyages d'autres types. On est toujours sur les traces d'autres qui nous ont précédés et qui ont jeté des regards, fait des pas et éprouvé des sentiments pareils aux nôtres.

Dans cette vision du monde que propose Dyana Gaye, il y a donc des petites histoires et il y a la Grande Histoire. Il y a le parcours de chacun, mais il y a aussi le mouvement de l'existence qui est la somme de tous ces parcours. Il y a des rencontres difficiles, il y a des séparations douloureuses et il y a des évocations d'autres vies, d'autres temps et lieux. Le tout est tenu par un fin fil mystérieux comme celui de la vie qui part dans tous les sens, aussi bien comme significations que comme destinations, installant le spectateur face à une imprévisibilité enchantante.

Hassouna Mansouri

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