Au bonheur des femmes, une jeune réalisatrice vient de lancer un beau documentaire qui rend hommage aux daronnes ["mères", en argot, ndlr], ces femmes qui vivent dans les quartiers populaires de la banlieue parisienne. Le film est coréalisé par Bouchera Azzouz et Marion Stalens. Dans ce travail de terrain, la réalisatrice franco-marocaine a voulu mettre l'accent sur la face cachée de sa maman, ses amies et les voisines bref,toutes celles qui l'entourent. Elles vivent sous silence dans leur quotidien mais, au fond d'elles, elles ont l'espoir de réaliser un rêve, celui de se lâcher et dire leur chapitre à vive voix, pour raconter leurs histoires étouffées par le poids des tabous.
Bouchera a su mettre ses héroïnes à l'aise devant la camera, elle leur a donné la parole pour s'exprimer en toute liberté sans aucune contrainte. Il n'y a pratiquement pas de direction ;les daronnes ont donc profité de ces moments pour revenir sur les traces du passé, de beaux et mauvais souvenirs, des histoires d'amour interdit, des avortements. Elle se montre étonnée de découvrir ce que ces braves femmes ont enduré, avant de s'intégrer dans une société qui n'est pas la leur, sentir cette complicité qui les réunit sans aucune différence, ni de nationalité ni de religion. Ces femmes, en fin de compte, se sont construit une communauté de coeur et partagent leur quotidien avec bravoure.
Mûres et coquettes, elles disent vrai
Cette spontanéité est une belle preuve, qui prouve que ces mamans chrétiennes, juives ou musulmanes sont toutes pareilles, et rien ne peut les diviser. Reste à dire que leur point commun c'est la lutte pour la vie, le savoir vivre avec les moyens de bord, en affichant avec toute fierté "nous arrivons". Le message est bien ficelé par notre réalisatrice féministe, armée de principes de militante des droits de l'homme.
Principale personnage du documentaire, la maman de Bouchera est heureuse de raconter sa vie du temps où elle était couturière, elle parle de sa machine à coudre avec amour, un amour qu'elle réussit à traduire sur la toile, après s'être convertie à la peinture.
Les belles daronnes ne sont donc pas de simples femmes immigrées et ignorantes, arrivées en France dans les années 70, mais des citoyennes à part entière qui ont mis au monde cette génération qui a pris la relève et s'expriment par le son et l'image réelle.
Nos mères, nos daronnes a donc pour mission de dire non aux clichés que véhiculent les médias qui et passent souvent à côté de ces braves femmes issues des milieux très modestes. En réalité ils ne s'intéressent jamais à elles en profondeur, ni à ce qu'elles étaient ni à ce qu'elles sont devenues. L'idée de Bouchera Azzouz et Marion Stalens est géniale : elle permet de s'arrêter sur une catégorie de mamans qui évoquent des moments de leur vie sans masque. Les témoins évoquent des souvenirs, font des révélations, sans ressentir aucune honte. Au contraire, elles se sont rendues compte qu'elles étaient victimes du silence alors qu'elles ont le droit de vivre leur vie telles qu'elles la dessinent. La réalisatrice semble prendre beaucoup de plaisir à écouter ce que racontent ses héroïnes.
par Amina Barakat