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Au nom du frère, de Youssef Aït Mansour
Pour un islam éloigné du bruit et de la fureur.
critique
rédigé par Sid-Lamine Salouka
publié le 24/01/2016
Sid-Lamine Salouka (magazine Africiné)
Sid-Lamine Salouka (magazine Africiné)
Scène du film
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Le Moindre Geste
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Africiné Magazine, the World Leader (African & Diaspora Films)
Africiné Magazine, the World Leader (African & Diaspora Films)

La maison de production Les Films du Djabadjah projette une fois par mois à l'Institut français de Bobo-Dioulasso un film issu des résidences d'écriture Africadoc qui ont lieu chaque année dans la seconde ville du Burkina Faso. Youssef Aït Mansour, le réalisateur du film du mois, titré Au nom du père met en scène l'adepte d'un islam tolérant. Une version du présent article a été publiée dans le bimensuel Infos Sciences Culture le 15 janvier 2016. Dans la matinée du jour même où des fondamentalistes religieux ont mis en œuvre leur haine ordinaire, en assassinant vingt-six personnes à l'hôtel Splendid, en plein cœur de Ouagadougou.

Titulaire d'une licence professionnelle en cinéma et d'un master en réalisation obtenus dans son pays, le Marocain Youssef Aït Mansour fait partie de la cuvée 2011 des résidences Africadoc, à Bobo-Dioulasso. Son documentaire de 52mn intitulé Au nom du frère, répond à une volonté d'imprimer plus de créativité à un genre qui, pour certains réalisateurs africains, se confond avec le reportage. En effet, avec cette œuvre, Youssef Aït Mansour commet un documentaire si scénarisé qu'on pourrait l'assimiler à une fiction. Dans ce film aux tons doux, deux histoires se chevauchent et se complètent pour, au final, donner un message fort sur un islam tolérant.



D'une part, il y a la quête du réalisateur qui part à la recherche de Mostapha, son aîné porté disparu un an plus tôt. Informé de sa présence à 90 km de la maison familiale, dans une école coranique montagnarde, Youssef se rend auprès de son frère et entreprend de lui lire une lettre de confession qu'il avait écrite, mais gardée secrète, ignorant où l'adresser. La conversation qu'ils entretiennent est l'occasion de faire le portrait en creux d'un mystique qui a rompu avec les turpitudes de la vie moderne.
Car, loin d'être un asocial en rupture avec les siens, Mostapha est dans une recherche spirituelle qui est précisément l'autre histoire du film. Il vit dans une communauté religieuse où tout est calme, frugalité et ascèse. Aït Mansour se départit ainsi de l'image d'un islam trop souvent synonyme de bruit et de fureur. En tournant exclusivement en plan fixe, il installe la médersa (l'école coranique) de Nahlia dans une lenteur qui jure avec notre époque trépidante, même si la rigueur monacale ne rime pas avec un esprit moyenâgeux. Comme un ermite, Mostapha s'impose de marcher pieds nus, de tirer l'eau d'un puits ou de vivre dans une espèce de fortin sans électricité, mais aussi d'ouvrir les jeunes élèves à l‘étude du coran. Pourtant, il ne dédaigne pas le plaisir simple d'un match de football et rend un tribut à l'art à travers la peinture qu'il pratique régulièrement. Il revient même à la musique quand il accepte de gratter la guitare de Youssef. Autant de symboles de vie que d'autres fondamentalistes rejettent euxlmuja qui font de l'islam un agrégat d'interdictions…

Bref, au-delà d'un regroupement familial, Au nom du frère sonne comme un appel à la compréhension mutuelle et au respect de l'autre dans un monde où mondialisation et repli identitaire sont souvent les deux faces d'une même médaille. Le choix esthétique d'Aït Mansour, digne du Prophète de Khalil Gibran, rend parfaitement compte de ce désir de retrouver l'humanisme islamique.

Sid-Lamine Salouka

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