AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
25 019 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Entretien avec Éric Todan, Directeur du Cncia-Bénin
"L'industrie cinématographique a une grande importance dans l'économie d'un pays"
critique
rédigé par Hector Tovidokou
publié le 20/07/2017
Éric Todan, Directeur du Cncia-Bénin
Éric Todan, Directeur du Cncia-Bénin
Hector Tovidokou (Africiné Magazine)
Hector Tovidokou (Africiné Magazine)
Poster Fespaco
Poster Fespaco

Nommé au début de l'avènement de la Rupture (nouveau régime), l'actuel- Directeur du Centre National du Cinéma et de l'Image Animée du Bénin (Cncia-Bénin), Eric Todan, s'est aussitôt attelé à la tâche. Au cours d'une interview qu'il nous a accordée, quelques jours avant la participation de la délégation béninoise au Fespaco 2017, il a dévoilé son ambition pour révolutionner le cinéma béninois en notifiant jusque-là que le 7ème art n'est qu'à un stade de divertissement. Il est convaincu de redonner l'habitude aux populations béninoises de renouer avec les salles obscures. Selon lui, le cinéma est une industrie qui pourrait apporter à l'économie nationale.

Qui est Eric Todan ?
D'abord, j'ai été administrateur de Labotorio Arts contemporain. Ancien membre de l'Ensemble artistique et culturel des étudiants (Eace), scénariste, écrivain de conte dont le plus célèbre "Les Aventures de Yôgbo", Directeur Général du Label Agbai [Agbai Production] qui a produit les films Dinan (2014) et Le voyage des oubliés [tous deux du réalisateur Sènami J.-P. Kpetehogbe, ndlr]. Le dernier est le seul long métrage (béninois) qui a été nominé dans la catégorie "Panorama" du Fespaco 2017.



Faites-nous une brève genèse de votre Direction ?
L'industrie cinématographique du Bénin a vu le jour vers les années 1920 avec l'exploitation de quelques salles à Ouidah, Cotonou, Porto-Novo et Anécho. Elle a connu un certain essor avec la nationalisation des salles en février 1974 par le régime révolutionnaire. L'Office Béninois de Cinéma (OBECI), héritier de la Société Dahoméenne de Cinéma (SODACI), structure publique de gestion des salles, est tombée en faillite et a été fermée en 1988. Elle est remplacée dans l'essentiel de ses attributions par la Direction de la Cinématographie (D-Ciné) chargée de la mise en œuvre de la politique de l'État en matière de cinéma. Avec l'avènement de la Rupture [élection du nouveau Président Patrice Talon, Ndlr] en 2016, la Direction de la Cinématographie (D-Ciné) a laissé place au Centre National du Cinéma et de l'Image Animée du Bénin (Cncia-Bénin). La production cinématographique béninoise a été marquée en ces débuts par les cinéastes tels que : Pascal Abikanlou, Richard de Medeiros, Fréjus Anagonou, Thomas Akodjinou, François Okioh, etc…

Faites-nous l'état des lieux de la Direction Cinématographique à votre arrivée
Il y a le film Le Retour du roi produit par la Direction qui a été réinscrit au Fespaco 2017, sans résultat favorable. Il y a eu également d'autres activités.

Quelles impressions avez-vous du paysage cinématographique béninois ?
Sachez que le cinéma béninois est à un stade de divertissement. Ce n'est pas que cela, on pourrait aller au-delà. Le cinéma est une industrie et nous devons faire un effort pour y en arriver.

Quels sont les défis à relever ?
Nous allons donner l'habitude aux Béninois de renouer avec les salles de cinéma. Et ça pourrait ne plus être comme avant. Montrer que l'industrie cinématographique a une grande importance dans l'économie d'un pays. Nous en avons les potentialités, les décors naturels qui dorment paisiblement. Nous pensons pouvoir investir dans la formation des acteurs du cinéma, c'est-à-dire les réalisateurs, les scénaristes, les monteurs, les preneurs de son, etc. pour que désormais nos productions respectent les normes internationales pouvant favoriser leur diffusion ailleurs qu'au Bénin. Ensuite, nous allons former dans la production et dans la distribution. Il faudrait que nous ayons des films compétitifs. Ce n'est pas que les films burkinabés, nigérians, marocains et autres, développent de meilleures idées, mais c'est qu'ils respectent les normes internationales d'une réalisation.

Comment comptez-vous faire pour y arriver ?
Nous allons d'abord passer par le biais de la télévision. Mais avant cela, il aurait fallu que nos salles soient réhabilitées, qu'il y ait des endroits de projection. Nous passerons ensuite des bandes annonce de projection à grand écran au niveau de ces salles, sur les radios et télévisions. Progressivement, ils vont reprendre l'habitude d'aller dans les salles de cinéma. En réalité, l'utilité des salles de cinéma aide à lutter contre la piraterie. Les films nouvellement sortis seront d'abord en format cinéma ce qui donnera priorité aux salles de cinéma.
Grâce aux échanges de partenariats avec les autres pays, les films qui seront diffusés dans nos salles de cinéma pourront également être diffusés partout et dans le monde entier. Imaginez-vous un producteur et un réalisateur qui ont leur film diffusé dans toutes les salles de cinéma du Bénin, Burkina-Faso, Côte-d'Ivoire, France, ils auraient rentabilisé ce qu'ils ont dépensé voire engrangé des bénéfices croissants. La deuxième étape consiste à aller en partenariat avec les télévisions. C'est après toutes ces étapes que le film pourrait passer à la version Dvd puisque ce format est très facile à pirater.

Auriez-vous une feuille de route à travers laquelle vous pouvez être suivi et être évalué à la fin de votre séjour à la tête de cette Direction ?
Cela va de soi. C'est le budget qui décidera de l'effectivité du plan de travail annuel (Pta). Je ne parle pas du montant global, mais chaque activité a un montant donné. Ce n'est qu'à travers cela que vous pouvez évaluer si tel ou telle activité est réalisée à 10, 40, 50 ou 80%, si le montant est accordé. Il y a un suivi rigoureux des activités inscrites dans son PTA dans le gouvernement de Talon coordonné par une structure qui peut vous sonner à n'importe quel moment pour savoir le niveau d'exécution d'une ou telle activité inscrite à tel ou telle date et la performance est notée sur 26. Donc, il est difficile de croiser les bras. Je pense qu'actuellement c'est un peu plus contraignant et nous avons devant nous une feuille de route, le plan d'action avec les axes ce qui nous permet de savoir si nous sommes performants ou pas.

Que pensez-vous des critiques de cinéma ?
Je crois que ce sont des spécialistes d'un domaine donné qui savent ce que le cinéma doit être et par leur travail nous incitent à aller de l'avant.

Quels sont vos projets ?
Vous voyez des films américains qui vous font rêver et vous auriez envie de visiter les Etats-Unis. Nous pouvons le faire au Bénin, en montrant nos richesses naturelles, nos plages, nos collines, patrimoines pour faire venir beaucoup de touristes. Tout ceci à travers des réalisations de films documentaire et de fiction, mais ayant pour objectif de vendre le Bénin, de montrer notre culture avec ses bons côtés parce que il n'y a pas que de mauvaises choses en Afrique. Les films que nous consommons ont tendance à nous démontrer que les bonnes choses sont ailleurs, alors qu'il y a tout ici également. C'est pourquoi, notre Direction a décidé de financer les écritures de scénario, orientées vers la valorisation de la culture de notre patrimoine, la valorisation de notre tourisme pour mieux vendre le Bénin. Pour cela, nous nous préparons dans les années à venir, à produire des films d'époque et historique. Nous pensons et nous sommes convaincus que nous pourrions bien faire à travers des réalisations sur les amazones du Danhomè, le roi Kaba, le roi Béhanzin etc. Ce sont des sujets qui pourraient montrer le côté fantastique, mythique et mystique du Bénin. Nous avons toutes les histoires, par exemple celle des 14 royautés d'Abomey. Chacune de ses dynasties a fait des exploits fabuleux qu'aucun film n'a jamais mis en exergue. On pourrait financer de bons scénaristes, leur organiser des résidences d'écritures à cette fin. Nous n'avons pas besoin d'aller en France pour ces résidences.
Nous pensons nous mettre en partenariat avec toutes maisons de production et réalisateurs qui ont déjà tourné des films du genre pour des coréalisations éventuelles. Voilà en substance, notre rêve pour le décollage du cinéma béninois.

Propos recueillis par Hector TOVIDOKOU

Films liés
Artistes liés
Structures liées
événements liés