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Interview de Ismaël FERROUKHI
critique
rédigé par Arlette Hien
publié le 07/11/2005

Bulletin AFRICINÉ N°3 - Fespaco 2005

Vendredi 04 mars 2005

Africiné (AC) : Pourquoi avoir choisi de traiter des relations entre un père et son fils ?



Ismaël Ferroukhi (IF) : C'est parce qu'au départ j'ai trouvé le sujet intéressant. Un père et un fils qui vivent sous le même toit et qui ne parlent pas la même langue, cela signifie qu'il y a un problème. Et moi, je raconte des choses auxquelles je suis sensible.



AC : Et cela à travers un voyage, pourquoi ?



I F : En fait, je voulais aborder le fait qu'un père et son fils ont du mal à communiquer. Et l'idée était de les enfermer tous les deux pour qu'ils puissent se parler. Je l'ai donc fait en les enfermant dans une voiture sur 5000 km.



AC : Pendant leur voyage, ils rencontrent une femme muette, que symbolise t-elle ?



I F : Elle est comme une ombre. Je voulais apporter une dimension spirituelle dont j'avais besoin pour le film. Je me suis intéressé plus au spirituel qu'au religieux parce que je voulais tourner un film universel.



AC : Que voulez-vous montrer à travers le personnage du turc qui vient se mettre entre le père et le fils ?



I F : C'est un autre personnage qui, par rapport à la vieille dame, est plus réel, et plus bavard. Il a un peu perturbé la relation entre Reda et son père ; en même temps il va rapprocher les deux personnages. Pour moi, c'était un passage qui m'intéressait. Vu qu'il a vécu en France, qu'il parle très bien le français et par nostalgie, il est rentré dans son pays d'origine, pays dans lequel il ne se retrouve pas. Il s'accroche aux deux (2) personnages parce qu'il trouve en eux des compatriotes. C'est un passage qui apporte des choses essentielles. Après l'histoire de la chaussette, on comprend que le père devient plus humain ; il est désacralisé par Reda. Ce dernier va trouver qu'il fait des erreurs et va à son tour le protéger. Alors qu'au début, c'était l'inverse.



AC : Derrière la thématique, beaucoup ont trouvé le problème des maghrébins vivants en France et le problème des relations des immigrés de la première génération avec ceux d'autres générations. Cette lecture est-elle fausse ?



I F : Elle est fausse dans le sens où j'ai voulu faire un film universel, un film dans lequel tout le monde se retrouve. Pour traiter d'un sujet, il faut bien faire un choix et forcément partir d'une personne particulière. J'ai choisi de parler d'un musulman vivant en France avec son fils. Cela peut arriver dans n'importe quel pays, en corse, en Italie, au Canada… Ce que j'ai voulu raconter va au -delà des religions, et des cultures.



AC : On remarque aussi que le rôle d'un des acteurs principaux est incarné par un chrétien même s'il est de mère algérienne.



I F : Je ne l'ai pas fait volontairement. Je voulais juste prendre le meilleur acteur et pour moi Nicolas Cazale l'était. Il a beaucoup de talent. Avec Mohamed Majd, nous avons formé un trio qui a permis au film d'exister avec peu de moyens.



AC : Comment avez-vous rencontré ces deux acteurs ?



I F : J'ai fait un casting et j'ai choisi les deux acteurs qui me convenait le mieux, c'est-à-dire Mohamed Majd et Nicolas Cazalé. Etant en France ? J'ai voulu prendre un acteur marocain pour garder le décalage qu'il y a entre Reda et son père dans le film. Mohamed est un acteur d'expérience et Nicolas était plus intéressant pour moi.



AC : Quelles difficultés avez-vous rencontrés pendant le tournage des différents paysages et dans la réalisation du Grand Voyage ?



I F : Pour le décor et les tournages, je me suis battu contre plusieurs pièges qu'il y avaient dans le film. Etant enfermés, 1h ou 1h30 de temps dans une voiture, les personnages sont des caricatures ; je ne voulais pas filmer de belles images mais raconter l'histoire d'êtres humains. Pour ce faire, il faillait que le décor soit en accord avec les personnages.



AC : Comment avez-vous réussi à trouver les images de la Mecque puisque vous aviez des difficultés financières ?



I F : C'est quand même rare dans les films. En fait, c'est la première fois que ces images sont dans un film africain. Nous avons eu l'autorisation de l'ambassade d'Arabie Saoudite, mais lorsque nous sommes arrivés sur place, on nous a dit que l'autorisation devait être donnée par l'Imam. J'ai dû discuter avec les responsables qui m'ont ensuite permis de faire le tournage. Avec les pèlerins, je n'ai pas eu de problèmes, ils étaient dans leur pèlerinage et nous nous étions pratiquement invisibles. C'était une belle expérience avec eux, on sentait beaucoup de spiritualité.



AC : Pourquoi avoir tué le vieux à la fin du film ?



I F : C'est parce que le voyage de Reda prenait une dimension différente. Cette fin est comme une surprise.



AC : Que pensez vous du Fespaco ?



I F : Ce festival permet aux gens de découvrir le cinéma africain. Il y a de très belles choses à voir ici et des films qu'on retrouve dans les festivals internationaux. A Venise, il y avait Molaadé en plus du Grand Voyage et pleins d'autres.


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AC : Quelles sont vos attentes en mettant votre film en compétitions pour l'Étalon de Yennega...



I F : Je n'ai pas encore vu tous les films en compétition, donc je ne peux pas m'exprimer là-dessus. Si je ne remporte pas le prix, je ne vais pas en mourir. Si je remporte des prix j'en serai heureux. Tout les réalisateurs présents espèrent remporter un prix important ou même en rêvent.



AC : Que pensez-vous du thème de cette édition à savoir : "Formation et enjeux de la professionnalisation" ?



I F : Il est intéressant. Je pense aussi qu'il manque des compétences à certains postes, et il y a des postes qui n'existent pas tels que : chef opérateur. C'est un problème qu'on remarque dans les pays africains. Certains postes demandent un minimum de formation : par exemple des ingénieurs de son. Il faudrait surtout développer les postes relatifs au son et à l'image.

Propos recueillis par Paule Arlette HIEN et Sylvain VEBAMBA

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