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Une copie honnête… sans plus
L'ombre de Liberty, de Imunga Ivanga (Gabon)
critique
rédigé par Abdelfattah Fakhfakh
publié le 16/11/2006

S'il est un thème fort pour le cinéma arabe et africain – pour nous en tenir aux seuls pays de la Planète JCC - et auquel un nombre de cinéastes se sont intéressés (tant dans le passé que de nos jours, avec plus ou moins de bonheur), c'est bien celui de la liberté d'expression, thème central de L'Ombre de Liberty.
"La liberté d'expression et d'opinion ne concerne pas seulement les journalistes mais tout le monde. Qu'elle soit intellectuelle, spirituelle, économique, artistique, la liberté d'expression et d'opinion est indissociable du développement" précise le réalisateur dans l'interview publiée par le journal La Presse de Tunisie du 15 novembre 2006.
Ivanga se fait le traducteur et l'interprète d'un désir fort et obsessionnel d'écrire, de parler, de créer, de s'exprimer en toute liberté et ce, tant chez les élites intellectuelles et artistiques que chez les jeunes de nos pays.
Résumons rapidement le propos : nous sommes dans un pays imaginaire, une voix mystérieuse émanant d'une radio milite en faveur de la liberté et promet de libérer la parole, la création… en se référant à un "manguier aux feuilles d'or" et en promettant "la pleine liberté pour les poètes" dans un futur proche….
Cette voix n'est pas identifiée. La police du pays est à la recherche de l'homme ou de la femme qui serait derrière cette voix, une voix "subversive" qui à en juger "enflamme" les habitants du pays.
Dans le camp de ceux qui sont en faveur de la liberté d'expression, donc des partisans de "Liberty" nous retrouvons, Jacques, un journaliste relativement âgé, plutôt alcoolique, désoeuvré ou presque, vivant aux crochets de sa sœur qui ne chôme pas quant à elle, qui travaille (elle pratique l'un des plus vieux métiers du monde)…permettant à la sœur et au frère de survivre …
Dans le camp d'en face, celui de la police, nous retrouvons un jeune officier, honnête père de famille au premier abord, qui se retrouve vite "coincé" par la vie et qui veut saisir l'opportunité offerte par les plus hautes autorités du pays de récompenser celui qui réussirait à "débusquer" et à "démasquer" le "porte-voix" mystérieux du camp de la liberté, le fameux "Liberty". C'est que notre officier doit faire face à des dépenses imprévues et coûteuses, son fils ayant attrapé une tumeur et s'est retrouvé de ce fait entre la vie et la mort…
On pourrait parler d'une narration "circulaire" à propos du film, nous sommes tantôt avec Jacques et sa sœur et tantôt avec l'officier de police et sa famille…
D'un moment à l'autre, la caméra quitte ces deux milieux, se promène à travers la ville, nous donne à voir les deux camps : le camp des admirateurs de "Liberty" dans des lieux publics (bars, cafés) et parfois tout simplement dans la rue, et celui de la police, dans ses descentes et ses actions "musclées" pour mettre la main sur ce "perturbateur" et ce "pêcheur en eaux troubles" (décidément la phraséologie en la matière est universelle).
Une caméra sobre, versant dans le documentaire ou presque, avec des visages quasi anonymes et des personnages rang, sans épaisseur aucune, mais qui nous permettent de comprendre que si la répression terrorise les citoyens du pays elle ne réussit pas à les empêcher de continuer à exprimer leur attachement aux idéaux de liberté…
Dans le camp de la police, le traitement demeure là aussi discret, sans signe particulier : ce sont des policiers qui comme dans n'importe quel pays non-démocratique ont la matraque facile, ils sont prêts à tirer sur tout ce qui bouge, peu importe qu'il soit réellement "coupable" ou non…Devant l'échec qu'ils subissent dans leur recherche de "Liberty" ils voient rouge et du coup cherchent à se défouler sur quiconque les croise…
Entre temps les tirades romantiques et révolutionnaires "radiophoniques" continuent à faire des ravages et la police continue, quant à elle, à être impuissante. L'officier de police s'énerve – c'est un euphémisme, on s'en doute, la tension monte…Mais la police ne peut s'avouer vaincue. Autrement elle perdrait toute légitimité. Elle doit mettre la main sur le coupable et peu importe qu'elle ait à faire à "Liberty" pour de bon ou à quelqu'un d'autre qui n'ait rien à voir…
Là, elle cafouille, bafouille et fait n'importe quoi…Elle réprime pour exister. Elle tabasse tout le monde sur le passage Entre temps, la santé de l'enfant du policier se détériore de plus en plus…Le montage adopté dans le film nous permet de suivre, tantôt un camp, tantôt l'autre, jusqu'au "dénouement tragique" : le supposé "Liberty" est capturé et, parallèlement, l'enfant du policier décède…
Dans l'ensemble, nous pouvons dire que Ivanga nous remet une copie "honnête". C'est du cinéma qui se laisse agréablement voir…mais sans plus.
C'est un cinéma qui, par moments, est sobre et non grandiloquent. Toutefois, coincé, Ivanga se trouve acculé à emprunter la voie du mélodrame pour s'en sortir et clôturer son film….
Et si chacun est libre de créer, de s'exprimer, qu'il nous soit permis d'exprimer notre opinion (n'est-ce pas M. Ivanga ?) et de dire que la fin du film nous laisse plutôt sur notre faim, qu'elle nous semble verser dans un certain manichéisme et dans une certaine facilité (nous ne vous dirons pas comment, pour ne rien dévoiler) : les "méchants" sont punis et les "coupables" courent toujours…

Abdelfatteh FAKHFAKH

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