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Quelle identité pour les cinémas africains ?
Panel : Cinéma d'auteur, cinéma populaire
critique
rédigé par Yacouba Sangaré
publié le 19/03/2007

Entre le souci de véhiculer un message et la nécessité de se rentabiliser, les cinémas africains se cherchent une identité. Et les cinéastes du continent restent profondément perplexes face à la problématique.

Le 7ème art africain est-il à la croisée des chemins ? Doit-il se contenter de porter des thématiques fortes sans s'embarrasser des contraintes de rentabilité ? Ou doit-il songer désormais à faire des recettes, histoire de s'autofinancer ? Autant de questions qui titillent les cinéastes africains. Le 20ème Fespaco (Festival panafricain du cinéma et de la télévision d'Ouagadougou) relance la réflexion, via un panel autour de cette préoccupation.
Trois cinéastes jettent ainsi un regard croisé sur cette problématique. Réalisateur burkinabé, Boubakar Diallo, auteur du film Code Phoenix, estime que le cinéma africain est jeune. Pour lui, le cinéma d'auteur ne doit pas guider le cinéaste. "La première préoccupation d'un cinéaste doit être l'écriture du scénario", remarque-t-il. Avant de poursuivre : "un bon scénario est un bon départ pour toute réussite et l'adhésion du public". Boubakar Diallo estime plutôt qu'il faut chercher à créer nos propres marchés, comme aux États-unis. "Le contenu des films doit être adapté au grand public" clame-t-il. C'est pourquoi, il préconise un cinéma dit de proximité. "Le cinéma c'est l'émotion. Il faut arriver à toucher tous ceux qui voient le film. Peu importe le reste".

De son côté, Emmanuel Sanou, cinéaste et enseignant à l'ISIS (Institut supérieur du son et de l'image), pense que le cinéma d'auteur et le cinéma populaire se définissent par opposition. Il rappelle notamment que le cinéma d'auteur qualifie les films qui portent un regard subjectif assimilé au "cinéma d'artistes et de dessins (…). Dans le cinéma d'auteur, les cinéastes sont comparables aux écrivains, car ils y mettent des touches personnelles" argumente-t-il. Pour lui, le cinéma d'auteur s'apparente à une résistance face aux grandes sociétés de production qui imposent leur hégémonie. Et Emmanuel Sanou d'ajouter : "L'avènement du cinéma d'auteur marque une rupture avec les maisons de productions. Tout comme il transgresse les conventions et règles qui existaient, avec l'arrivée de nouveaux acteurs, d'une nouvelle vision, de styles nouveaux et différents à la manière de l'écrivain qui imprime ses idées sur un papier, c'est-à-dire dire ce qu'il pense, ce qu'il ressent". Selon Emmanuel Sanou, le cinéma d'auteur confère au réalisateur une sorte d'indépendance parce que "son œuvre n'est pas une œuvre de commande". Le cinéma d'auteur, d'après lui, se distingue du cinéma populaire par son caractère élitiste et intellectuel. Par contre, le cinéma populaire est un cinéma grand public dont la préoccupation essentielle est de plaire et surtout d'être rentable : "Il ne respecte pas le point de vue du réalisateur".
Le Mauritanien Abderrahmane Sissako, auteur de Bamako, refuse cette dichotomie entre cinéma d'auteur et cinéma populaire. "Je ne veux pas entrer dans cette opposition. J'adhère à une certaine simplicité des choses qui consiste à les définir de manière générale". Pour lui, le problème du cinéma africain consiste dans le rapport que le cinéaste entretient avec le 7ème art : Pourquoi le fait-il ? Quel rôle d'artiste doit-il jouer dans la société ? "Être artiste pour moi, argue Sissako, c'est s'approprier son œuvre, proposer des choses pour susciter des réflexions. Chaque société a besoin d'objets de mémoire pour débattre". L'Afrique, à ses yeux, ne diffère aucunement des autres continents. C'est pourquoi, il estime qu'il faut donner une impulsion à la création et non l'enfermer dans des notions établies ou prédéfinies. "Lorsqu'un cinéaste fait un film, il s'interroge sur ce qu'il fait et comment son film va être vu. Ce qui le pousse à faire un film, c'est s'inviter à la liberté de l'autre". Toutefois, le réalisateur de Heremakono (Étalon de Yennenga au Fespaco 2003) dit ne pas être opposé aux gens qui ont pour objectif que le film marche. Car, "un cinéma d'auteur peut être populaire. Des films d'auteur peuvent aussi bien être rentables. Dans tous les cas, le public cherche à être captivé par quelque chose".
On le voit, la question "cinéma d'auteur, cinéma populaire" divise les cinéastes du continent. D'ailleurs, le cinéma africain oscille entre les deux tendances. En témoigne la sélection de ce 20ème Fespaco avec des films comme Il va pleuvoir sur Conakry, du Guinéen Cheik Fantamady Camara qui dénonce, sur fond d'humour, le syncrétisme religieux ou encore Africa Paradis du Béninois Sylvestre Amoussou qui évoque l'immigration avec dérision.

Yacouba Sangaré (Côte d'Ivoire)

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