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Confessions narcotiques
Confidences, de Cyrille Masso (Cameroun)
critique
rédigé par Rita Diba
publié le 14/07/2007
Confidences, 2006
Confidences, 2006

La drogue détruit les jeunes camerounais sous silence
Cyrille Masso. Un nom qui, pour sûr, s'inscrira dans les tablettes cinématographiques de la patrie de Douala Manga Bell. Cyrille Masso, c'est un jeune réalisateur qui, pour son premier long métrage, a choisi de ne pas faire un navet. Confidences. Confidences d'un jeune homme, Motto, héros du film, qui réussit à se sortir des dédales de Madame Euphorisante, la drogue.
L'œuvre est un flash-back narratif qui se déroule tout au long de la confession de Motto au prêtre. C'est un étalage des moments peu reluisants de sa vie, étalage qui se traduit par les bancs de l'église, sa copine Rita près de lui, le prêtre en face. C'est à cet endroit que le jeune homme choisit de se raconter. L'histoire de Motto, de nombreux jeunes se la partagent, ils la vivent, elle a cessé d'être un secret, d'où le rejet dans le film du confessionnal, espace habituel et clos réservé aux pénitents qui veulent se dévoiler, confidentiellement bien sûr.
La construction du film répond à la thématique générale de la cinémathèque camerounaise, la donnée sociale. Même si Cyrille Masso s'inscrit dans cette logique, il a le mérite d'avoir jeté son dévolu sur un sujet inédit dans le traitement des réalisateurs du terroir, la drogue en milieu jeune. Un phénomène que le commun des individus préfère négliger, considéré comme une réalité d'ailleurs. Un peu à l'exemple de Toussaint Eyango qui, dans son film Bana Ba Nyoue, place la famille au 1er degré de conditionnement du comportement social de l'individu, Masso choisit ce noyau comme élément déclencheur de son action. Mais si le premier en a fait son sujet principal, sur lequel se greffent des évènements secondaires qui renforcent son importance, Masso place la famille comme accessoire qui justifie le principal de son histoire à lui, celle d'un jeune homme qui sombre dans les bras d'Euphorie. C'est parce que sa famille est au bord du gouffre que Motto, interprété par Patrice Minko'o, plus connu sous le nom de Koppo, jeune star du slam dans le Kamer Rap, va devenir dealer.
Confidences a été tourné pendant six semaines dans la période de juillet à août 2004, mais il aura fallu dix-huit mois au réalisateur et à son équipe pour achever complètement le film, les financements ayant été le plus gros problème. N'empêche que le film n'en aura pas vraiment souffert sur le plan technique où il n'a pas grand-chose à se reprocher.
Mais le schéma artistique aura connu quelques couacs. Déjà, le réalisateur tombe dans le piège du cinéma narratif. Le film se déroule plus dans la voix en off du héros que dans les images qui défilent à l'écran. Ce qui rend l'action légère et plutôt superficielle. Ce qui ôte toute force de percussion à l'œuvre. Ce qui remet par la même occasion en cause l'importance de certains personnages dans le film, à commencer par Tatiana Matip qui est censée avoir un rôle principal aux côtés de Patrice Minko'o, alias Motto le héros et Thierry Ntamack, alias Anani l'antihéros. Mais ses rares apparitions et son manque d'influence dans le film lui donnent tout au plus un rôle d'adjuvante.
Malgré le sérieux du sujet, les nombreux emprunts au milieu de la drogue aux Etats-Unis ne poussent pas le spectateur à se sentir concerné par ce vice social. Et les mêmes clichés qui reviennent. Le caïd a presque toujours un entrepôt pour couvrir des activités illégales. Les dialogues sont du déjà entendu : "enlevez moi ça", dit le magnat de la drogue pour parler d'un homme malade et étendu par terre. Les petites fêtes des dealers avec leurs petites copines, entre drogués, le butin que l'on cache dans l'eau, dans une caisse qui fera s'écrier une spectatrice, "c'est quoi ça, c'est le trésor", faisant référence à la caisse dans laquelle Anani cache sa drogue. Mais le clou de tous ces flottements, c'est le personnage d'Anani. Il est la caricature du dealer noir de Harlem, mauvais garçon qui terrorise ses camarades en classe, avec de mauvais résultats scolaires, absentéiste, fanfaron. Sa démarche est empruntée, son haussement de sourcil est forcé.
La fin du film est un peu tirée par les cheveux. Sans embrouille aucune pour les innocents. Mais au bout du compte, au vu des innombrables navets qui ont ponctué le cinéma du pays ces derniers temps, Confidences est un "chef d'œuvre" du jeune cinéma camerounais. Pas encore au niveau des Muna Moto et ses congénères de l'âge d'or bien sûr, mais c'est un bon début.

Rita Diba

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