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Un qui dérange
Il va pleuvoir sur Conakry, de Cheick Fantamady Camara (Guinée)
critique
rédigé par Cheikh Seydi Bodian
publié le 25/01/2008

On peut considérer à juste raison que l'Afrique d'aujourd'hui, avec ses problèmes et ses contradictions, c'est de cela dont parle Il va pleuvoir sur Conakry. Un film qui a été projeté lors de la 9é édition du festival du film de quartier, tenu à Dakar du 12 au 17 décembre 2007.

Il va pleuvoir sur Conakry. Ce film est le premier long-métrage du cinéaste et réalisateur guinéen Cheick Fantamady Camara. Au dernier Fespaco, le film a reçu le prix du public. Ce qui caractérise en fait ce film, c'est de vouloir dire une foule de choses, qui, hélas, mettent en exergue la vulnérabilité du continent africain, son lot de contradictions, et, d'autre part, de ces hommes. La Guinée, qui est le lieu de tournage du film, n'est qu'un prétexte pour étaler les peines et, bien sûr parfois, le côté romantique de la vie. Même si la romance vient dès fois heurter le tabou. C'est l'exemple de l'histoire d'amour entre Bibi jeune dessinateur de presse et Kesso, les deux principaux acteurs du film, dont la relation amoureuse gêne le père du jeune homme, un imam d'une grande mosquée de Guinée. Pourtant Aladji n'a quasiment pas d'autorité, ni vis-à-vis de son fils qu'il aime le plus, Bibi, ni sur ses femmes. Une crise d'autorité autant lui que son entourage vont subir les conséquences…
Il faut aussi souligner que l'auteur d'Il va pleuvoir sur Conakry a confirmé cette intention de toucher à tout, dans un débat tenu à Dakar sur son film avec les critiques de films au Sénégal. En effet, dit-il, "Mes intentions sont diverses, il y a des choses qui ne sont pas développées, mais compréhensibles". En outre, dans ce désir de toucher à tout, il est également emporté par cette folle "envie de liberté de soi", de son être et de son corps... Par le choix et le jeu des acteurs, il le réussit. Choix, parce que ses deux principaux acteurs, autour desquels tourne l'action, Bibi et sa petite amie Kesso, sont jeunes donc d'emblée disposés à faire tout ce qu'ils veulent. Comme de faire l'amour quand ils le désirent, et ils iront plus loin en concevant un enfant. Ce qui est déjà, du point de vue traditionnel, honteux, et pour les parents très ancrés dans les mœurs ancestrales relève de la souillure de la lignée. Même du point de vue religieux, c'est proscrit. Seulement le jeune couple ne croit guère à ces valeurs.
Abordé sur le traitement hostile qu'il a réservé à la religion dans son film, Cheick Fantamady a laissé entendre que : "Tous les dieux se sont donné rendez-vous en Afrique". Pour autant, il se demande "si l'Afrique est sortie de sa misère". Sa réponse qui coule de source n'a d'égale que la désespérance qui habite aujourd'hui plusieurs jeunes africains, qui bravent l'Atlantique, à leur risque et péril, à la recherche de vie meilleure. Pour ainsi parler de l'émigration clandestine. Même si le cinéaste-réalisateur parle de paradoxe du fait que "des enfants d'Afrique continuent de braver les océans pour se rendre là où il n'y a pas de religion", il n'est pas sans savoir que c'est plutôt pour sauver leur avenir qu'ils vont en Occident.
Il est dit que quand les jeunes, qui constituent les trépieds d'une société sont dans les difficultés, c'est tout un peuple qui en souffre, et l'Afrique en souffre et aussi Cheick Fantamady, nous l'étale dans son métrage. Pour réparer, d'une manière ou d'une autre, il faut diagnostiquer. Fantamady a emprunté ce schéma pour aborder plusieurs autres registres comme la politique avec son corollaire de corruption qui ne fait qu'esquiver les réponses adéquates aux souffrances de la populace. C'est tout le sens de ce film.
À coup sûr, les porteurs de projets de changement et de progrès y verront une source d'inspiration, pourquoi pas une source de documentation voire une piste de recherche. Épluchons tant que nous voulons nos livres, mais allons au cinéma tant que nous pouvons, car c'est aussi voyager assis dans une salle sombre comme lire c'est voyager.

Cheikh Seydi BODIAN

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