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Moumen Smihi sur le chemin poétique
critique
rédigé par Azzedine Mabrouki
publié le 04/02/2008

Dans le cinéma marocain aujourd'hui riche en dirhams et ambitieux pour son avenir (mais pourvu que les cinéastes ne continuent pas à aligner clichés et platitudes...), se détache un artiste à part, un créateur très doué, le cinéaste tangérois Moumen Smihi.
Les films de Moumen Smihi ne sont pratiquement pas montrés dans les salles de son pays. Et quand cela arrive, l'affiche est vite remplacée par un film commercial. Le très bas niveau culturel des exploitants est connu. Inaccoutumé aux salles de son pays, il faut aller dans les festivals pour voir les films de Moumen Smihi ou passer le voir rue Sidi Boukhari à Tanger où l'accueil est subtil et les cassettes vidéo toujours prêtes.

En 1990, invité par Boudjemaâ Karèche à la Cinémathèque d'Alger, Moumen Smihi avait montré une partie de son travail. On se souvient fort bien de ces œuvres sombres et belles à la fois que sont El Chergui, ou le silence de la nuit, un film réalisé en 1975 sur le Tanger des années 50 et de 44 ou les récits de la nuit, qui date de 1981, une œuvre qu'on a comparé (à un niveau bien plus modeste) à Autant en emporte le vent... marocain !
Deux films qui se rejoignent par leur rigueur et leur qualité, leurs thèmes n'étant pas très éloignés : drame de l'occupation coloniale du Maroc, servitude des conditions des femmes marocaines à cette époque-là : polygamie, sorcellerie, maraboutisme...

Lorsqu'en 1988, le cinéma marocain était encore dans une stagnation totale, Moumen Smihi réussissait pourtant un coup d'éclat avec son long métrage Caftan d'amour constellé de passion. Œuvre manifestement d'avant-garde et jusqu'à maintenant très peu montrée dans les salles. Un film qui tranche avec son zest poétique, son souffle surréaliste : Khalil, un jeune homme tangérois, rêve de se marier et voit même sa future femme en rêve. Mais la réalité dépasse son rêve : Rachida qui devient sa femme est une superbe créature, une diva qui passe son temps à se regarder dans son miroir. Situation épineuse pour Khalil.
À l'heure des comptes, il se demande s'il est bien digne de son rêve...

Moumen Smihi aurait tant voulu avoir Isabelle Adjani pour le rôle de Rachida. Elle n'était pas libre ou bien trop chère...
Après ça, Moumen Smihi a émigré quelques temps au Caire où il a réalisé coup sur coup un documentaire sur le cinéma égyptien (Adel Imam, Salah Abou Seif, Toufik Salah, Khairi Bishara, Mohammed Khan y apparaissent tour à tour) et un long métrage fiction La Dame du Caire avec Yousra et Izzat Al Aleili. Deux films qui ne sont jamais sortis. Le Centre du cinéma marocain les a enterrés...

Retour à Tanger pour faire deux documentaires (pour des chaines de Tv étrangères) : Matisse à Tanger et Chroniques marocaines (en référence à Othello d'Orson Welles, tourné au Maroc). Puis le tout dernier film de Moumen Smihi Al Ayel, le Gosse de Tanger que le jury du festival de Marrakech n'a même pas mentionné au palmarès... en primant avec tant de zèle des petits films européens ou américains. C'est un film autobiographique, l'histoire d'un enfant de Tanger pendant la période internationale de la ville, dans les années 50. Un film sur le temps qui passe, sur les êtres et les choses qui ne sont plus.
Alors que le 7°art au Maroc connaît un nouveau souffle, espérons que Moumen Smihi ne sera pas oublié par... la Commission d'aide à la production.

Azzedine Mabrouki

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