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14° festival international du film d'Auteur de Rabat (FICA, Maroc)
Les splendeurs de la cinéphilie
critique
rédigé par M'barek Housni
publié le 30/06/2008
M'barek Housni
M'barek Housni
Dernier maquis (Adhen), 2007, Rabah Ameur-Zaïmèche
Dernier maquis (Adhen), 2007, Rabah Ameur-Zaïmèche
Dans la vie, 2007, Philippe Faucon
Dans la vie, 2007, Philippe Faucon
Adieu Mères (Imane Belhaj), 2007, Mohamed Ismaïl
Adieu Mères (Imane Belhaj), 2007, Mohamed Ismaïl
Azur et Asmar, 2004, Michel Ocelot
Azur et Asmar, 2004, Michel Ocelot
Darejan Omirbaev, cinéaste
Darejan Omirbaev, cinéaste
En attendant Pasolini (Fi Ntidhar Pasolini), 2007, Daoud Aoulad-Syad
En attendant Pasolini (Fi Ntidhar Pasolini), 2007, Daoud Aoulad-Syad
Islamour, 2007, Saâd Chraïbi
Islamour, 2007, Saâd Chraïbi
Les jardins de Samira (Samira Fi Dayâa), 2007, Latif Lahlou
Les jardins de Samira (Samira Fi Dayâa), 2007, Latif Lahlou
Kirikou et les bêtes sauvages, 2004, Michel Ocelot, Bénédicte Galup
Kirikou et les bêtes sauvages, 2004, Michel Ocelot, Bénédicte Galup
Où vas-tu Moshé ? (Finemachiyamoché), 2007, Hassan Benjelloun
Où vas-tu Moshé ? (Finemachiyamoché), 2007, Hassan Benjelloun
La Petite vendeuse de soleil, 1999, Djibril DIOP Mambéty
La Petite vendeuse de soleil, 1999, Djibril DIOP Mambéty
Rabi, 1992, Gaston Kaboré
Rabi, 1992, Gaston Kaboré
Saudade do futuro, 2000, César Paes, Marie-Clémence Paes
Saudade do futuro, 2000, César Paes, Marie-Clémence Paes
Whatever Lola Wants, 2007, Nabil Ayouch
Whatever Lola Wants, 2007, Nabil Ayouch
Beur Blanc Rouge, 2005, Mahmoud Zemmouri
Beur Blanc Rouge, 2005, Mahmoud Zemmouri
La graine et le mulet, 2007, Abdellatif Kéchiche
La graine et le mulet, 2007, Abdellatif Kéchiche

Rabat, la capitale du Maroc, lieu de l'administration majeure, a depuis bien des années pignon sur rue en ce qui concerne la célébration de cinéphilie. Cette passion où le cinéma est une pratique artistique et culturelle de prise de conscience du monde à travers la création vraie et réfléchie. Oui, avec ce qu'elle comporte de fédérateur quand il est question de parler vrai en matière de cinéma vrai.

Cela est dû à une programmation filmique choisie et triée où les films allient la facture artistique requise et l'émotion du récit construit et innovant. Un film d'auteur d'aujourd'hui est cette alliance judicieuse entre la narration soutenue et captivante et la présence d'une certaine d'idée de cinéma nouvelle propre à son auteur. Ici, le réalisateur n'est pas un simple passeur du plaisir des autres à travers l'image, mais un homme qui annonce et qui partage son plaisir créateur.

Rabat, via son festival, fait partager ce plaisir à son public. Cette année aussi, le choix des organisateurs et surtout du directeur du festival le critique Hammadi Guiroum, l'homme de l'idée, est dicté par ce même souci. La programmation riche et variée le montre bien. Douze films sont présents en compétition, tous de bonne facture artistique et affichant pour la plupart une tendance auteuriste évidente, et qui sont le produit de la crue de ces trois dernières années, avec une bonne partie sortie cette année 2008. Ces films sont venus d'Allemagne, Iran, Egypte, Belgique, Croatie, France, Pologne, Mexique, Syrie, une coproduction iraqo-américaine, deux coproductions franco-algériennes. On y voit ainsi des sensibilités artistiques et des cultures différentes. On en donne quelques exemples.

Le délabrement des murs des sociétés

Ces films, puisque d'auteurs, en disent autant sur l'art du cinéma que sur les cultures et les sociétés d'où ils proviennent. Ainsi et pour exemple, le polonais Le destin animé nous reflète une ville de Pologne d'aujourd'hui aux maisons anciennes délabrées, mais où les rues sont propres et les paysages naturels splendides et les gens beaux et attachants malgré la rudesse de la vie. Des familles en difficulté matérielle et sociale mais qui n'entachent en aucun cas l'humanité et les bons sentiments d'affection qui y règnent, et ne déchoit pas le moral de l'entraide et la célébration de la vie. Beaucoup de pudeur et de beauté affichée, mais assistent le combat de la vie et ne l'entrave pas.

Le septième ciel de l'Égyptien Saad Hendawy, donne une image franche et crue sur la société cairote actuelle. Le même délabrement de l'espace est senti ici, mais là, il se reflète sur les hommes et les femmes, sur leurs corps et âmes. On suit le délabrement d'un certaine "moral du corps" par le poids frustrant de l'hypocrisie, et qui résulte du poids des us sociaux qui cloisonne la femme dans une série d'interdits de disposer de son corps librement, ce qui rend la vie difficile à l'homme en fin de compte. Le héros, un danseur de Tannoura, divorcé est obligé de se vendre sans en être conscient aux admiratrices, nageant dans l'illusion qu'il est homme et mâle, et que les cadeaux qu'elles lui offrent sont mérités. L'héroïne, une prostituée de luxe, passe son temps à vendre son corps mais avec le sentiment qu'elle est dans le pêché, ce qui la pousse à fréquenter les lieux des danses des derviches pour se laver l'âme. Deux exemples, avec tant d'autres, qui donnent à voir le grand malaise mortel que génère le rapport de l'homme et la femme arabes vis-à-vis de leurs corps.

Dans Le Cahier de la dernière née de la célèbre famille iranienne Makhmalbaf, Hana Makhmalbaf, il est question du délabrement de la croyance quand elle est régie et régimentée par l'incompréhensible et l'arbitraire. L'audace et l'opportunité visuelle dominent dans ce bijou. Le lieu est cette portion d'Afghanistan où les talibans ont détruit les célèbres Bouddhas de Bamiyan. Là, vivent des familles paysannes dans des grottes. C'est sec, dur et fort délabré, un air de moyen age, mais où se répercutent les affres de la guerre entre talibans et alliés. Des enfants jouent à la guerre, d'autres vont à des écoles désuètes en plan air. Une petite fille désire aller à l'école avec son voisin. Il n'a pas d'argent et pour l'avoir, elle prend à l'insu de sa mère des œufs et essaie de les vendre pour acheter un cahier et un crayon. Pour retrouver une école des filles, elle est obligée de sillonner la montagne dangereuse. C'est à travers ses pérégrinations et ses yeux innocents que la jeune et talentueuse cinéaste nous montre la déchéance d'une société musulmane. Une déchéance due plus à des choix religieux strictes et intégristes qu'à autre chose.

Une cinéphile de bon aloi

On le constate assez bien. Ce festival est une opportunité pour qui veut apprendre et s'émouvoir à la fois. Et aussi pour se rattraper. C'est le cas des films marocains. Aucun film marocain en compétition, mais toute la dernière production filmique nationale est visionnée chaque jour au théâtre Mohammed V, ainsi il est possible de la voir et revoir.
Dans la partie rétrospective, le FICA de Rabat a marqué un très grand coup en faisant venir le cinéaste kazakh Darjan Omirbaev, un habitué de Cannes et de tous les festivals de renommée. Sa présence a donné à cette édition un cachet de plaisir séduisant. Voilà quatre films issus d'un pays musulman qu'il faut connaître (à quand des relations diplomatiques ??). Un pays qui régit son présent avec beaucoup de sérieux mais en étant en plein dans la modernité, après une période soviétique qui n'avait pas que du mauvais selon le cinéaste lors du débat sur ses films. Ceux-ci, quoique non commerciales, donnent une idée précise sur le pays. Kairat et Kardiogramma de 1991 et 1996, films à connotation nouvelle vague, montre les restes d'une vie collectiviste qui s'obstine à demeurer. Chouga de 2008, dans la même veine cinéphilique, montre le changement radical subi par le pays. Immeubles hauts et modernes, voitures et boum économique évident, différences sociales, les signes clairs et nets mais bons et moins bons de la culture occidentale dominante. On s'en sent proche et on sent que le Maroc n'est pas le seul pays musulman à vivre la bataille entre être et vouloir, entre la culture du passé et celle de l'avenir.

Le cinéma joue ici le rôle de passerelle de connaissance entre pays éloignés. Le plein qu'affiche la salle art et essai 7° art en plein centre de la ville, non loin du parlement de la nation, durant les trois séances quotidiennes, est un exemple de la magie du cinéma.

M'barek HOUSNI

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