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Entretien avec Ibrahima Wane, scénariste du film Yéla, les mélodies de la mémoire
"Les valeurs du Yéla perdurent dans de nouveaux espaces"
critique
rédigé par Bineta Diagne
publié le 11/11/2008
Yéla, les mélodies de la mémoire (c) au-senegal.com
Yéla, les mélodies de la mémoire (c) au-senegal.com
Yéla, les mélodies de la mémoire, de Fatimata LY FALL
Yéla, les mélodies de la mémoire, de Fatimata LY FALL
Yéla, les mélodies de la mémoire, de Fatimata LY FALL
Yéla, les mélodies de la mémoire, de Fatimata LY FALL
Baba Maal et Mansour Seck (foulards).
Baba Maal et Mansour Seck (foulards).

Yéla, les mélodies de la mémoire, est un documentaire de 52 minutes dans lequel Fatimata Ly Fall (réalisatrice) et Ibrahima Wane (scénariste) explorent un pan du répertoire peul. Les griots constituent les vecteurs de cette culture. Le documentaire évoque aussi l'évolution du Yéla dans la société contemporaine.

Africiné : Qu'est- ce qui a motivé le choix d'un film documentaire portant sur le Yéla ?

Ibrahima Wane : Ce patrimoine est d'abord un des sujets de mes recherches universitaires. Depuis quelques années, j'ai entamé un travail de collecte, d'interrogations et d'archéologie de ce patrimoine. Je me suis rendu compte, en écoutant ce qu'on considère comme étant des contributions modernes - telles que celles de Baaba Maal- que toutes ces productions ne sont en réalité que des adaptations, des réinterprétations de classiques qui existaient il y a trois siècles. Ce qui m'a amené à réinterroger ces classiques dans leur succès. Il s'agit de revenir à la base pour voir ce que disaient ces œuvres, comment elles ont été conçues, qu'est-ce qui leur permet de traverser les époques.

Africiné : Sur le fond, cela suppose un travail de recherche assez riche. Comment avez-vous sélectionné les parties du répertoire peul à évoquer dans ce documentaire ?

Ibrahima Wane : Faire un film sur le Yéla supposait, pour moi, de solliciter des voix et des images qui étaient déjà dans mon esprit. Mais pour faire un film représentatif qui s'adresse à tout le monde, il a fallu se déplacer dans plusieurs lieux. Nous sommes allés au fond du Fouta, (nord du Sénégal), mais aussi du côté opposé, à l'est (Tambacounda). Nous avons traversé la région de Dakar pour aller jusqu'en Mauritanie. Nous avons tenté de prendre le meilleur de cet ensemble tout en conservant une cohérence. Cela n'a pas été facile. Heureusement nous étions deux : après quelques mois de discussion, nous sommes parvenus à proposer un échantillon.

Africiné : Le documentaire montre des images d'époques inédites, dans lesquelles figurent des griots en pleine campagne, suivant leur chef de guerre. Comment avez-vous pu accéder à ces images d'archives ?

Ibrahima Wane : Nous sommes allés vers les sources disponibles. Il s'agit essentiellement à l'Institut fondamental d'Afrique noire (Ifan) de l'Université Cheikh Anta Diop. Nous avons aussi cherché des photos d'archives au Centre de recherches et de développement social (CRDS) de Saint-Louis, car il dispose du patrimoine du Fouta. Enfin, nous les avons complétés avec des photos conservées par des amis.

Africiné : Dans le documentaire, il est entre autres question de l'évolution du Yéla aux temps modernes...

(Il interrompt) Ibrahima Wane : Oui, c'est important, parce que le Yéla a été secrété par un contexte précis, celui de la royauté. Mais aussi par le contexte des guerres des siècles passés. Il s'agit donc d'une période se déroulant dans un champ de guerre. Cependant ces royaumes et ces batailles n'existent plus. Les valeurs chantées pour accompagner les guerres sont le courage, la témérité, la générosité etc. Ces valeurs-là perdurent et sont transposées sur les autres champs aujourd'hui. Il s'agit du champ politique tout comme le sport, le football. Même si les institutions ont disparu, les valeurs trouvent toujours un terrain. Le Yéla se déplace selon les nouveaux espaces et les nouveaux cadres qui peuvent lui permettre de continuer à signifier.

Africiné : Votre film montre aussi que le Yéla est devenu un art d'expression culturel : comment percevez-vous cette évolution de nos jours ?

Ibrahima Wane : Dans la musique, les griots sont encore un groupe très présent dans l'espace pulaar. Par ailleurs, le Yéla est valorisé par des artistes qui ne se réclament pas nécessairement de la caste des griots. Ces artistes ont le droit d'interroger le patrimoine culturel pulaar. Baaba Maal l'explique. Il vous interpelle en disant que "votre ancêtre a fait la guerre, il a vaincu telle personne...". Il vous le dit pour que vous, le footballeur, vous puissiez gagner contre l'équipe adverse. Il vous incite à utiliser le même courage, les mêmes valeurs pour surmonter les défis qui sont ceux de votre époque.

propos recueillis par
Bineta Diagne

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