À Madinat Jumeirat, quartier cinéphile de Dubai, on entend les chants d'oiseaux et les marteaux-piqueurs que les travailleurs indiens manipulent dans la fraîcheur du matin. Des gratte-ciels par centaines montent vers les nuages. En first-class dans le vol de Qatar Airways, un voyage sans pareil entre Alger et Dubai via Doha, ce fut un temps de longue méditation. Sur le cinéma algérien dont l'indiscutable élan des années 70 semble maintenant restauré. Honnis soient les intégristes qui ont poussé la culture algérienne à son long délabrement.
Au Festival de Dubaï, l'ambiance était tout à fait algérienne. On est d'abord surpris par cette ville sortie des sables, tous ces cargos en rade en attente d'être déchargés, toutes ces murailles de fer et d'acier qui s'élancent fièrement vers le ciel.
Puis on voit dans les salles de Madinat Jumeirah et du Mall of Emirates, la ruée du public émirati vers les films et on comprend que Dubaï c'est aussi une cité de cinéma. Le festival charrie d'abord une quantité de films indiens. Dubai c'est un mini-Bollywood. Pour faire jusqu'à 800 films par an, l'Inde peut envoyer à Dubai quelques-uns. À l'heure de pointe, vers six heures, quand les chantiers se vident, les salles sont remplies d'Indiens. On voit à la chaîne le cinéma de genre, chantant, dansant, souvent époustouflant... Un cinéma qui risquait au festival de Dubai d'envoyer aux oubliettes toutes les fictions venues d'ailleurs. Or, en dernier ressort, le soir de la grande fête de clôture et de l'annonce du palmarès officiel : c'est Mascarades, le film de Lyes Salem, qui a coiffé tous les autres au poteau. Mascarades, grand prix ! Lyes Salem a vaincu tout seul Bollywood. La tribu (la nôtre) des critiques internationaux, globe-trotters infatigables, a aussi remis son prix à ce jeune conquistador algérien au pays du 7è art et dont l'ascension fulgurante atteindra un jour peut-être le sommet des Oscars. Qui sait ?
Le cinéma algérien a donc soufflé en rafales au 5è Festival du film de Dubai. Dans la luxueuse galerie marchande The Hall Of Emirates où crèchent au moins huit salles de cinéma, le public a vu aussi Benboulaid (Rachedi), La Chine est encore loin (Bensmail), Adhen (Zaimèche), ce dernier s'en est tiré avec deux prix. Imperturbables, malgré la crise économique mondiale, les Émiratis construisent des tours qui font baver de convoitise le monde entier. Mais ils font aussi des studios de cinéma. On a bu un thé dans l'immense structure d'un studio en finition, déjà high-tech. Au fil des prochains mois, les jeunes cinéastes émiratis vont y tenter leur chance.
Tout est possible à Dubai, même une prochaine vague de production de longs métrages. Jusque là, seuls des films courts ont été réalisés.
Étrange paradoxe : le cinéma émirati (qui n'existe pas encore) donne beaucoup d'argent aux autres pays (arabes surtout) pour développer leurs cinémas.
Une structure, Dubai Connexion, créé par le festival, choisit parmi les projets les scénarios les plus méritants. Le système ne tourne cependant pas à vide, en pure perte : puisque les films faits avec l'aide de Dubai retournent au festival, dans le programme et au marché du film. La boucle est bouclée.
Azzedine Mabrouki