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Un désir de cinéma court
21ème FESPACO, Ouagadougou 28 février-07 mars 2009
critique
rédigé par Saïdou Alceny Barry
publié le 18/03/2009
Saidou A. Barry
Saidou A. Barry
Fanta Régina Nacro
Fanta Régina Nacro

Le Fespaco 2009 a fait la part belle au court métrage. Innovation très intéressante. Parce que d'une part c'est rendre visible un genre considéré à tort comme mineur et d'autre part cela répond à un désir du public pour un cinéma plus léger, plus court.

Qu'est-ce qu'un court métrage ? C'est un véritable OFNI (objet filmique non identifié) tant les définitions varient selon les pays et même les festivals. Ainsi en France, on considère comme court métrage tout film dont le métrage n'excède pas 1600 mètres en format 35, soit un film qui dure moins d'une heure. Aux USA, un short dure au plus quarante cinq minutes, tandis que, de plus en plus, les Festivals de courts métrages conviennent que le court métrage ne devrait dépasser pas la demi-heure. On appellera donc moyen métrage le film qui va au-delà de la demi-heure. J'avoue ignorer le critère qui a été retenu par le Fespaco. Toutefois, les organisateurs ne pouvant réinventer la roue, ils devraient se retrouver dans ces limites.

Il faut saluer cette initiative et reconnaître que promouvoir le court métrage est opportun en ce temps de récession économique où les cinéastes d'Afrique peinent à trouver des financements pour tourner, surtout que la manne extérieure se fait aussi rare qu'une pluie au Sahara. Si le court métrage, c'est moins de pellicule, une équipe plus réduite, moins de temps de tournage et de montage que le long métrage, mutatis mutandis, on peut affirmer que le court métrage est plus économique que le long métrage. Le court est donc une aubaine pour les pays dont le cinéma tend la sébile au Nord. Avec le court, il est des chances que l'on ne voie plus les insoutenables jérémiades télévisées des réalisateurs sur les finances qui manquent pour achever un film ou pour le kinescoper à temps pour le Fespaco…

Cependant gardons-nous d'inférer que la modicité des moyens génère un art au rabais. Car le court métrage n'est pas artistiquement inférieur au long. Il est au long métrage, ce que la nouvelle est au roman dans la littérature, une histoire dans un mouchoir de poche, un exercice de virtuose qui consiste à concentrer toutes les qualités d'un long métrage dans un court instant. Comme le bonzaï japonais, cet art de la miniaturisation qui peut faire d'un baobab, une plante de salon. Et ce baobab nain a toutes les qualités d'un baobab normal sans en avoir les désagréments : merde et bruit de colonie d'oiseaux, serpents dans les cavités, envahissement… Le court métrage est le bonsaï du cinéma. C'est un bon petit moment de cinéma.

J'en viens naturellement à penser que le court métrage est plus intéressant que le long métrage sur beaucoup de plans. Et il est un fait que nul ne songerait à contester à moins d'être un thuriféraire aveugle de notre cinéma, c'est la lenteur sui generis du cinéma africain. Est-ce un héritage du colonialisme français ? qui en plus de la sieste et des ergotages sur le sexe des anges nous aurait légué cette paresse narrative que le cinéma français a érigée en critère esthétique. Il est tout de même incompréhensible que des fils d'un continent des griots et des conteurs soient si rasants dans la narration ! On voit souvent des films se traîner comme des tortues, la caméra aussi passive qu'un œil de bœuf, faire l'inventaire des détails superflus comme si le réalisateur faisait la phénoménologie des gestes inutiles, de sorte qu'il faut au spectateur ou une patience de fakir ou un penchant masochiste pour ne pas prendre ses jambes à son cou. C'est certainement pour contourner cet ennui que le génie africain a inventé le zapping au cinéma qui consiste à piquer une ronflette ou à tailler une bavette avec le voisin pendant que l'histoire patine à l'écran. Et d'y revenir quand l'histoire retrouve un fil conducteur.

Avec le court métrage, grâce à sa brièveté, on évite l'enlisement du spectateur. Celui-ci n'a pas le temps de ronger son frein. Comme tout est resserré dans le court, l'intrigue progresse comme un jeu d'échecs dans lequel le cinéphile est toujours en retard d'un coup. De ce fait, même si le film est mièvre, avant que le spectateur ne se rende compte de l'échec du réalisateur, il est mat car le film est fini.

Un autre avantage du court métrage, c'est que l'on peut, en une soirée visionner plusieurs œuvres, les unes à la suite des autres sans risquer la saturation. Même quand ils ne sont pas des réussites, ces petits films sont des petits-fours que l'on prend plaisir à déguster. Mais un seul long métrage insipide reste un gros four, toujours difficile à ingurgiter. En enfiler deux à la suite est plus déprimant qu'une soirée de confidence avec un bègue (je sais de quoi je parle, j'en suis un).

Par ailleurs, le court métrage représente une véritable école de formation pour les jeunes réalisateurs. On l'a déjà dit, il demande beaucoup moins de moyens qu'un long métrage, ensuite tourner un court métrage, c'est expérimenter la narration, se frotter à la direction d'acteurs, gérer les rapports avec une équipe, convaincre un producteur. Le court est aussi le lieu d'expérimentations les plus audacieuses, car il est moins otage des producteurs que le long métrage. Tout cela fait du court métrage un passage obligé pour tout cinéaste.

Et surtout la promotion du court participera à l' "ennoblir". Ainsi les réalisateurs qui se révèlent très créatifs dans le court n'éprouveront pas le besoin d'aller se fracasser sur les écueils du long métrage. À mon avis, les courts métrages de Fanta Regina Nacro sont des bijoux. Surtout Un certain matin. Par contre, dans son long métrage La nuit de la vérité, je n'ai pas retrouvé son talent de joaillière.

Enfin, un argument massif qui plaide pour le court est celui-ci. Même si un court métrage est un ratage complet, c'est juste un mauvais quart d'heure à passer. Avec un mauvais long métrage, c'est deux heures volées dans la vie du spectateur ! C'est trop cher payé pour le cinéphile burkinabé dont l'espérance de vie se ratatine comme peau de chagrin. Alors promouvoir le court participerait de la préservation de… nos vies.

Barry Saïdou Alceny

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