En 1972, le plus prolifique des cinéastes camerounais tourne un court métrage de 22 minutes, qui lui a valu la distinction "Label de la qualité", en France, pour son originalité.
Pour clôturer notre série sur les 10 films à succès du Cameroun, nous avons retenu un film inconnu du public et même des cinéphiles nationaux, le court métrage d'Alphonse Béni intitulé : Un enfant Noir. L'un des films de ce réalisateur ayant entraîné le plus de monde dans une salle de cinéma au Cameroun, La Déchirure, et qui aurait pu retenir notre attention, est à oublier rapidement, tant il est truffé d'insuffisances.
Un enfant Noir relate l'histoire d'un nouveau-né d'un couple de Français, parfaitement blancs, tout au moins en apparence. "C'est une histoire vieille de 36 ans, mais, je l'ai en tête, comme si j'avais tourné ce film il y a un an", se félicite Alphonse Béni. En 1969, alors qu'il venait de terminer ses études de cinéma au Conservatoire indépendant du cinéma de Paris, et après avoir tourné Fureur aux points, son premier film, il décide de faire Un enfant Noir, en 1971. "Pour captiver le public, pas besoin de faire long. Une histoire précise de 22 minutes, qui tourne autour de la venue dans un couple de Blancs d'un bébé de couleur noire", rappelle-t-il.
Et de raconter : "Il s'agit de Christelle et Christian, un couple de Français habitant la banlieue parisienne, dans les années 70. Alain Domkem (interprété par Alphonse Béni lui-même) est leur ami, un jeune Africain qui s'immisce dans les affaires du couple à sa guise. Après une année de mariage, Christelle tombe enceinte et accouche d'un bébé de sexe masculin, dans une clinique de Paris. Tout va bien pour les parents. Mais, la joie sera de courte durée, car l'enfant qui était blanc à la naissance change de couleur au fur et à mesure que le temps passe. Après plusieurs semaines, le bébé est complètement noir. C'est la consternation dans la famille. Christian accuse son épouse d'infidélité et soupçonne Alain Domkem d'avoir eu des relations intimes avec sa femme. Celle-ci se défend bec et ongles. S'en suivent alors bagarres, insultes et humiliations. L'époux porte l'affaire au tribunal. Sans preuve de l'adultère, il est débouté. Ne sachant plus où donner de la tête, les deux parties font appel à un généalogiste. Qui établit que l'arrière-grand-mère de Christian était une Noire d'origine martiniquaise, et qu'il était normal que le nouveau-né soit de couleur noire. Christian fond en excuses, mais l'amitié et l'amour sont désormais fragilisés".
Alphonse Béni explique qu'il a réalisé ce film pour "savoir pourquoi les bébés naissent tous Blancs, mais changent de couleur après". Il révèle que quelques années après son film, un couple d'Allemands a donné naissance à un Noir. Projeté, à l'époque, dans toutes les salles de cinéma du Cameroun, Un enfant Noir "m'a permis d'avoir des sponsors pour mes films suivants", reconnaît-il, fièrement.
Jean-Marie Mollo Olinga et Irène Gaouda
Article paru dans le quotidien LE JOUR (Yaoundé)
Fiche technique
Titre : Un enfant Noir
Réalisateur : Alphonse Béni
Durée : 22 minutes
Année : 1971
Catégorie : Court métrage
Format : 35 mm
