AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
25 009 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Entretien avec Moussa Sène Absa, cinéaste, par Charles Malick Sarr
"Il est temps que le cinéma africain soit financièrement autonome"
critique
rédigé par Charles Malick Sarr
publié le 17/05/2010
Moussa Sène Absa
Moussa Sène Absa
Moussa Sène Absa présentant son film Teranga Blues au festival de Grenade, Cines del Sur, en 2007
Moussa Sène Absa présentant son film Teranga Blues au festival de Grenade, Cines del Sur, en 2007
Ca twiste à Popenguine
Ca twiste à Popenguine
Ca twiste à Popenguine
Ca twiste à Popenguine
Tableau Ferraille
Tableau Ferraille
Tableau Ferraille
Tableau Ferraille
Tableau Ferraille
Tableau Ferraille
Ainsi meurent les anges
Ainsi meurent les anges
Madame Brouette
Madame Brouette
Madame Brouette
Madame Brouette
Madame Brouette
Madame Brouette
Madame Brouette
Madame Brouette
Madame Brouette
Madame Brouette
Madame Brouette
Madame Brouette
Madame Brouette
Madame Brouette
Le cinéaste et l'actrice Rokhaya Niang sur le tournage de Madame Brouette
Le cinéaste et l'actrice Rokhaya Niang sur le tournage de Madame Brouette
Le cinéaste et l'actrice Juliette Bâ sur le tournage de Madame Brouette
Le cinéaste et l'actrice Juliette Bâ sur le tournage de Madame Brouette
Madame Brouette
Madame Brouette
Madame Brouette
Madame Brouette
Le cinéaste Moussa SENE Absa
Le cinéaste Moussa SENE Absa
Teranga Blues
Teranga Blues
Lord Alajiman dans Teranga Blues
Lord Alajiman dans Teranga Blues
Lord Alajiman (Dick') dans Teranga Blues
Lord Alajiman (Dick') dans Teranga Blues
Teranga Blues
Teranga Blues
Ndongo D. et Fada Freddy (Daara Ji) dans Teranga Blues
Ndongo D. et Fada Freddy (Daara Ji) dans Teranga Blues
Juliette Bâ et Lord Alajiman dans Teranga Blues
Juliette Bâ et Lord Alajiman dans Teranga Blues
Lord Alajiman dans Teranga Blues
Lord Alajiman dans Teranga Blues

Abidjan, la capitale ivoirienne a abrité du 20 au 25 avril dernier, la sixième édition du Festival international du court métrage d'Abidjan (Fica). Dans une interview qu'il nous accordée à la fin du festival, Moussa Sène, qui était le président du jury revient ici sur les raisons de son exil à la Barbade, une île qui fait partie des Petites Antilles. Il est aussi revenu sur la situation du cinéma sénégalais, l'aide apportée par les bailleurs européens non sans tirer le bilan de la sixième édition du Fica.

Pourquoi votre exil à la Barbade ?

Le choix de ce pays m'a été presque imposé. Au Sénégal, j'arrivais plus à monter des films, j'arrivais pas à m'exprimer. Et la chose la plus dure pour un artiste, c'est de ne pas pouvoir s'exprimer. Compte tenu de ça, je me suis demandé si je dois rester là pour me tourner les pouces avec ma famille, mes charges etc. Ils m'ont poussé à la sortie de manière très élégante. Heureusement pour moi. Je considère le cinéma comme un métier noble, un métier où il faut parfois faire des sacrifices. Il y en a qui l'ont fait et qui en sont morts. Ils se sont bagarrés pour sortir leurs films au Sénégal.

Si je vous comprends bien, l'atmosphère au Sénégal ne permet plus à des artistes comme vous de s'exprimer ?

Au moment où je vous parle, faire aujourd'hui des films est presque impossible au Sénégal pour ceux qui veulent être indépendants ; pour ceux qui ne veulent pas être sujets du Prince. Je refuse qu'on m'appelle "collabo" car le rôle d'un artiste, c'est de pouvoir dire non quand ça ne va pas. Pas comme un acte de rébellion. Mais juste dire non quand ça ne va pas. Dire non quand on voit des gens en train de détruire son pays.
On est en train de nous humilier. On est en train de favoriser la médiocrité, de favoriser des gens qui n'ont aucun talent, qui n'ont rien à dire. Ce sont ceux-là qui sont proches du pouvoir et qui profitent de ses largesses. Je sais qu'on a donné de l'argent pour le cinéma qu'ils ont bouffé. Et je vous assure que rien ne leur arrivera. Ils ont mangé l'argent du contribuable sénégalais. Heureusement que personne n'a rien à me reprocher à ce niveau. D'ailleurs, c'est pourquoi j'ai préféré partir ailleurs, où je suis bien considéré, où j'ai l'estime de mes collègues.
J'enseigne à l'Université de West Indies de la Barbade, à l'Ecole internationale du cinéma et de la télévision de San Antonio à Cuba, je fais des interventions de temps à autre à Columbia College de Chicago, en Jamaïque. Donc, je me sens utile. C'est tout ce qui m'intéresse.

Ce qui n'était pas le cas au Sénégal ?

Au Sénégal, je me sentais inutile. Je voyais des gens qui étaient presque insignifiants ; à qui on a confié le cinéma et qui ne pouvaient l'amener loin. Le problème du Sénégal est qu'on écoute plus les gens qui font beaucoup de bruit. Et je ne fais pas partie de ceux-là. J'aime mon métier et je le fais avec l'amour qui sied. Je suis parti à la Barbade parce que j'ai envie de découvrir le monde. Le monde ne s'arrête pas au Sénégal. Heureusement que j'ai une certaine crédibilité dans mon métier et les gens me respectent. Je reviendrais au Sénégal quand ces gens partiront.

Qui sont ces gens ?

Mais ce sont les gens de l'alternance. Ce sont des gens arrogants, incultes. Je ne peux pas vivre dans cette ambiance là. L'argent n'est pas important pour moi. J'ai besoin de m'exprimer, d'aider les jeunes à se former comme je le faisais avec "Gorgorlou" [téléfilm à succès, diffusé sur la télévision nationale sénégalaise] où j'avais beaucoup de jeunes qui travaillaient avec moi. Ces jeunes là font actuellement des films. C'est ce qui m'intéresse, c'est ce que je rends et non ce que je gagne.

Si on vous demande de faire une proposition pour donner un nouveau souffle au cinéma sénégalais, qu'allez-vous proposer ?

Le Président m'a reçu deux fois et m'a demandé de faire des propositions. Je lui avais fait un plan clair, précis avec des partenaires possibles. Ils ont pris les propositions pour les donner à quelqu'un pour les appliquer. Résultats : l'application s'est mal faite parce que Dieu est juste. Vous ne pouvez pas réciter ce que vous n'avez pas appris.

Qu'avez-vous proposé concrètement au Président ?

Je pense que j'ai été le premier à théoriser sur le fonds de soutien et aussi sur le centre technique ainsi qu'un volet formation. C'était sur ces trois aspects-là. Aujourd'hui, le problème du cinéma au Sénégal est qu'il y a trop de partisans. Il faut être partisan pour être considéré. Moi, je ne suis pas partisan. Je ne suis dans aucun parti politique. Mon parti politique s'appelle le Sénégal. Je supporte celui qui aime mon pays et je combat celui qui ne l'aime pas. C'est aussi simple que ça.

En vous écoutant, on sent toujours votre côté rebelle ?

J'ai toujours été comme ça. Ce n'est pas seulement avec l'alternance. Même au temps du Président Diouf. Ce n'est pas le pouvoir qui m'intéresse, mais c'est le contre pouvoir. Et tous mes films ont été des films de contre pouvoir. Je veux juste exprimer mes pensées et les partager avec tous les Sénégalais.

Quel bilan faites-vous de la sixième édition du Festival international du court métrage d'Abidjan dont vous étiez le président du jury ?

C'est un bilan très positif. La preuve, il n'y a pas eu des couacs. Ce qui est rare à l'occasion des festivals. C'était bien organisé. Toute l'organisation a été assurée par des Africains. C'est à saluer. Il arrive, à l'occasion d'un festival, qu'on fasse appel à un non Africain parce que soit disant que les Africains ne savent pas s'organiser. Non ! Je ne suis pas d'accord car les Africains savent organiser. Il suffit juste de prendre les bonnes personnes. Ça, c'est la première remarque.
La deuxième est qu'à l'occasion de ce festival, j'ai senti cette envie des jeunes à vouloir raconter. Ils ont beaucoup d'histoires à raconter. Je dis souvent que chaque génération doit inventer sa propre esthétique pour amener le cinéma à un niveau supérieur.
La troisième remarque est que j'ai vu de très beaux films. Mais quelque part, j'étais un peu frustré par le fait que ces mêmes jeunes sont pressés et bâclent parfois leur travail. Par exemple, j'ai remarqué qu'ils ne travaillent pas beaucoup avec les acteurs. Ces derniers sont laissés à eux-mêmes. Au niveau du montage, on sent que ce n'est pas encore ça. D'où un vrai besoin de formation pour cette génération là. Mais quand je dis formation, je veux dire les amener à être conscients de l'importance de l'image.
Mais en tant que président du jury, je me suis amusé à voir des très beaux films.

Que pensez-vous du court métrage ?

J'avoue que c'est une très bonne école de cinéma. Je suis passé par ce chemin avec "Le prix du mensonge" qui a été primé au festival de Carthage et au Maroc en 1987. C'est ça qui a fait que je sois connu et que je continue de tourner. Le court métrage est une belle carte de visite car, si c'est bien fait, les portes du long métrage vous sont ouvertes.

Vous évoquez souvent la question du financement du cinéma africain en partie par l'Union européenne, la Francophonie entre autres. Y'a-t-il un danger à accepter ces financements ?

Quelque part, je dirai oui car quiconque vous donne a un droit de regard sur ce que vous faites. En tout cas, j'ai toujours refusé d'être formaté par quiconque. J'ai toujours fait mes films par la manière la plus libre possible.
Je pense que c'est la responsabilité des gouvernants. Chaque pays doit avoir une politique culturelle. C'est aux États de mettre en place des fonds de soutien à leurs cinémas. Je pense qu'il est temps que le cinéma africain soit financièrement autonome. Ce que les politiques ne comprennent pas est qu'un bon film, qui va à Berlin, Venise, Cannes etc, c'est plus puissant que cinquante ambassadeurs.

Et pourquoi ?

Parce que c'est un film qui va être vu à travers le monde. Et n'oubliez pas que chaque film est le reflet d'une tradition d'une société bien déterminée. Par exemple, avec mon film "Tableau Ferraille", beaucoup de ceux qui l'ont vu ont manifesté leur désir de découvrir le Sénégal. Tu vois ce que je veux dire ? Ça, un ambassadeur ne peut pas faire ça. C'est une erreur de croire que la culture n'est pas rentable. Le cinéma est une industrie. Si on s'y met avec une vraie volonté, il peut générer des nombreux emplois. Le cinéma, c'est l'histoire de nos sociétés.

Faut-il selon vous dire non aux soutiens de l'extérieur ?

Non ! Non ! Tu peux utiliser ce soutien mais ça dépend de comment tu l'utilises. Je ne refuse pas l'argent de l'Europe sauf que personne ne peut me dicter ce que je dois faire. Personne. Je sais ce que j'ai envie de faire.

Propos recueillis par Charles Malick SARR

Films liés
Structures liées
événements liés