Aucune mention au palmarès des grandes oeuvres politiques (sauf le film de Haroun, prix du jury) sur l'Irak, l'Algérie, la Russie, l'Amérique.
Le jury présidé par le peu engagé Tim Burton a fait preuve d'amnésie sur ce point. Mais il a choisi un beau film thaïlandais, Oncle Boonmee, l'Homme qui se souvient des ses vies antérieures, un sujet écolo-bouddhiste, très soucieux de la nature très belle de la jungle de Thaïlande avec ses forêts, ses cascades d'eau, ses grottes et ses espèces très rares.
On dirait qu'un Bouddha s'est sauvé de Bangkok en flammes pour atterrir sur la Croisette. L'auteur même de ce film Apichatpong Weerasthakul ressemble étrangement à ces moines vêtus de robes safran qu'on croise dans les rues de Bangkok.
Il montre dans son film un homme mourant qui traverse la jungle avec sa famille jusqu'à la grotte, lieu de naissance de sa première vie...
C'est donc un récit tout à fait synchrone avec la philosophie bouddhiste, selon laquelle la vie et la mort, c'est une succession de cycles dans laquelle les êtres vivants renaissent sous diverses formes : singes, poissons, buffles, insectes, etc...
L'homme appelle sa famille autour de lui pour l'assister dans son passage d'une vie à une autre, sachant qu'il va renaître sous une autre forme. Et à cet instant précis du film apparaît le fantôme de sa femme morte dix ans auparavant et de son neveu transformé en singe.
La mise en scène certes très lente, rythmée par la progression de la maladie et l'attente de la mort, est tout de même originale, secrète et mystérieuse comme la forêt autour avec ses bruits étranges, ses sons, ses voix et ses bourdonnements. Comme toute l'effervescence de la jungle.
Oncle Boonmee explique qu'il a été militaire, un soldat perdu et qu'il a tué beaucoup de communistes au Laos et au Vietnam. Il regrette cela, puisque le bouddhisme enseigne que la réincarnation dépend des bons actes dans les vies antérieures.
Cette surprenante Palme d'Or a beaucoup partagé le Festival de Cannes, avec des pour et des contre. Mais le palmarès de Cannes est toujours inattendu, c'est simplement le fruit de la subjectivité des membres du jury. On ne pouvait pas croire finalement que Tim Burton s'intéresse à Hors La Loi... Xavier Beauvois en revanche a bien mérité son Grand Prix pour son film profond et sérieux sur les moines. De même que Juliette Binoche son prix ; si seulement le jury avait associé aussi Chafiaa Boudraâ pour ce prix d'interprétation.
Le prochain Festival de Cannes se déroulera du 11 au 22 Mai 2011.
Azzedine Mabrouki