Aucun film africain n'a été primé lors de la dernière édition du festival international de Durban en Afrique du Sud. Un prix spécial est accordé au film ougandais Imani de la jeune réalisatrice Caroline Kamya. Même Un homme qui crie, sous le génie créateur de Mahamat Saleh-Haroun n'a pas pu se faire entendre et Raoul Peck n'a pu convaincre le jury avec Moloch Tropical. Il a fallu une catégorie de prix aux meilleurs films sud africains pour que certains réalisateurs du pays s'en sortent avec quelques prix secondaires.
Ce palmarès de la 31eme édition du festival de film de Durban replace le débat sur la qualité et le langage universel que portent les films africains ou sur une culture de technique de lecture de film qui, de façon criante, manque en Afrique.
Un Homme qui crie de Mahamat Saleh-Haroun primé à Cannes en Mai dernier n'a visiblement pas été compris du public visiteur de Durban. Projeté dans les derniers jours du festival, Un Homme qui crie a suscité beaucoup de débats où des gens s'interrogent sur ce qui a pu motiver le jury de Cannes. On peut retenir une seule chose des débats du public. " Le film est mou et le manque de dialogue au niveau de tous les acteurs empêchent le public de rester éveillé ". Il est vrai que dans la salle beaucoup n'ont pas pu résister au sommeil sommaire qui survint par moments. Sans aucun doute, le film, tragique, est d'une sensibilité psychologique très forte.
Une relation entre père et fils où le moi égoïste parental ne pouvait résister à une jalousie.
Dans Un Homme Qui Crie, Adam n'arrive pas à gérer le fait que son fils le remplace pour un travail qu'il veut faire toute sa vie, la natation. Incapable de participer financièrement à l'effort de guerre, Adam donnera son fils pour le renforcement de l'armée des patriotes. Le réalisateur interpelle la conscience collective dans des situations familiales. Ce tragique reste un film de qualité et d'esthétique technique dont l'histoire qui se veut universelle restera aussi l'une des plus mémorables, même si le jury de Durban pense le contraire.
Sur un autre écran, Moloch Tropical, de l'Haïtien Raoul Peck, est une satire politique racontant l'histoire d'Haïti et de son ancien président, le père Aristide. Ce dernier, Jean-Bertrand Aristide, sous pression, avait laissé le pouvoir pour chercher asile en Afrique du Sud. Malgré sa présence à Durban, le réalisateur de Lumumba n'a pas su convaincre le jury, même si le public y a trouvé sa part a travers des scènes de comédie du président dénudé.
Moloch Tropical, est une peinture du pouvoir et de son abus. Filmé à deux endroits, le premier décor ressemble à une pièce de théâtre classique. Toutes les scènes dans la vaste résidence présidentielle montraient combien les présidents conçoivent leur monde où ils se croient tout permis, au nom d'une certaine démocratie qui les aurait élus. Mais en réalité, leur pouvoir est soutenu et assisté et peut être dévoilé à tout moment quand cette main obscure se baisse. Quand ceux qui connaissent bien les règles du cinéma se mettent a l'œuvre, il y a forcèment des choses qui accrochent et plaisent.
Raoul Peck fait preuve de beaucoup de métaphores dont le président montré nu à plusieurs reprises dans le film. On peut remarquer de gros plans et travellings qui dessinent la psychologie et l'état d'âme de certains acteurs du film et qui montrent aussi l'évolution du pouvoir dans ses puissances et abus. Mais, ce film est rendu plus accrocheur par des histoires d'amour entremêlées.
Tout comme Un Homme qui crie, Moloch Tropical, était aussi un grand film annoncé à Durban mais le jury pense que le meilleur film de cette édition de festival de Durban vient d'Iran. Ainsi, Mohammad Rasoulof, réalisateur iranien impose son film White Meadows (Prairies Blanches) comme le meilleur du festival. Le jury explique leur choix en disant que " c'est un film intemporel doué d'une narration poétique. "
Le film joue avec un paysage visiblement fascinant, car à la fois âpre et magnifique. C'est une allégorie politique énigmatique et poignante qui prend les spectateurs dans un voyage sur les questions fondamentales de la vie et des croyances.
Espéra Donouvossi
Palmarès Durban 2010
Meilleur Long-Métrage
The White Meadows (Iran) par Mohammad Rasoulof
Meilleur Réalisateur
Debra Granik pour Winter's Bone (USA)
Meilleur Long-Métrage sud-africain
Life, Above All (Le secret de Chanda) par Oliver Schmitz
Meilleur Documentaire
Waste Land (UK/Brazil) par Lucy Walker, Joao Jardim et Karen Harley
Meilleur documentaire Sud africain
The Cradock Four par David Forbes
Meilleur Scenario
Efthymis Filippou et Giorgos Lanthimos pour Dogtooth (Grece)
Meilleur Cinématographie
Odyssey Flores pour Lola (Philippines)
Meilleure premiere réalisation
Peepli Live (Inde) par Anusha Rizvi
Meilleure Interprétation Féminine
Khomotso Manyaka dans Life, Above All
Meilleure Interprétation masculine
Sebastian Hiort af Ornäs dans Sebbe (Suede)
Meilleur Court-métrage
The Same Old Story (Espagne) par Jose Luis Montesinos
Meilleur Court-métrage Sud Africain
In A Time Without Love par Mark Strydom
Prix du Public
Waste Land (UK/Brazil) par Lucy Walker, Joao Jardim et Karen Harley
Prix Droit de l'Homme, Amnesty International
Waste Land (UK/Brazil) par Lucy Walker, Joao Jardim et Karen Harley
Mention Spéciale
Imani (Uganda) par Caroline Kamya
Mention Spéciale Documentaire
Mugabe and the White African (GB) par Lucy Bailey et Andrew Thompson.
Mention Spéciale Court métrage
The Abyss Boys (South Africa) par Jan-Hendrik Beetge