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Capitaine Phillips, de Paul Greengrass
L'Occident invincible
critique
rédigé par Olivier Barlet
publié le 23/11/2013

En sortie France le 20 novembre, le dernier film de Paul Greengrass (Bloody Sunday, Vol 93) joue la sempiternelle carte d'une supériorité occidentale sur le dos des Africains.

Voici un film qui rejoue en action et spectacle un fait-divers réel : attaque d'un énorme tanker par un minuscule commando de pirates somaliens armés, jeux de dupe et prise d'otage, course-poursuite à travers les mers, armada américaine pour sauvetage in extremis. Ancrage dans l'actualité, super efficacité d'un suspense haletant qui mobilise jusqu'à trois navires de la US Navy, happy end : le contrat est rempli. Jusque-là tout va bien. On est content que le capitaine valeureux s'en tire et que les méchants pirates soient réduits à néant. Et puis on réfléchit, vu qu'en immersion durant un film qui prend le spectateur en otage, il n'était pas question de penser.
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On nous suggère que ce sont des pêcheurs paupérisés par les abus de la pêche internationale qui n'auraient plus d'autre choix, ce que le capitaine, par stratégie, remettra lui-même en cause. Contrairement au capitaine qui a droit à une longue scène d'introduction certes mièvre mais humaine avec sa femme, ils sont dépeints au départ dans leur village comme acculés, pris en étau entre la mafia et la misère. Cette tentative d'explication étant tournée de façon spectaculaire pour instaurer la tension, on retient finalement que ce sont les méchants, certes coincés mais qui ont fait le mauvais choix, ce que leur répétera le capitaine dont la prescience est elle sans limite. Cela leur colle tellement à la peau que cela semble naturel pour eux. On ne pourra dès lors que souhaiter leur mort pour délivrer le capitaine, héros prêt à se sacrifier bien qu'il aime tant sa famille.
Et on se dit alors que ce film grand public n'est pas sans conséquences dans ce qu'il ancre une fois de plus dans la tête, ces vieux clichés qui séparent le monde civilisé de l'Afrique des ténèbres.
Les quatre pirates existent certes en tant que personnages, leur nom apparaît à égalité dans le générique. On sortirait donc de la logique coloniale de la foule telle que Ridley Scott nous présentait les Somaliens dans La Chute du Faucon noir. (cf. [critique n°3571]). Mais leur psychologie reste limite, proche de l'hystérie animale quand elle n'est pas naïveté chez le jeune ou chez le chef. Ils n'existent que par leur action. Ils vivent dans la violence et la répercutent. Ils sont dangereux. Les étincelles d'humanité du jeune et du chef, qui sont là pour confirmer l'adage hollywoodien que toute personne humaine a une petite lumière potentielle en lui, ne seront que des faiblesses dans le grand jeu de ruse entre le capitaine et les attaquants, qui fait apparaître le film comme un jeu d'échec où gagnera le plus intelligent. C'est finalement leur sensibilité culturelle aux mensonges de l'armada techno des secoureurs prêts à tout qui les perdra. Ne faut-il pas se persuader que bien que dangereux, ces Somaliens sont intrinsèquement vulnérables car ils ont affaire à plus malins et équipés qu'eux ?
Le Capitaine Greengrass 007 orchestre ainsi à coups de butoirs, comme s'il fallait encore y croire alors que tout prouve aujourd'hui le contraire, une nouvelle démonstration de la sempiternelle supériorité civilisationnelle qui permet à l'Occident de maîtriser le monde. Amen.

Olivier Barlet

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