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Jackie Brown
de Quentin Tarantino
critique
rédigé par Olivier Barlet
publié le 01/05/1998
Pam Grier
Pam Grier
Pam Grier
Pam Grier

Le nouveau Tarantino étonne par sa maturité : il délaisse les clins d'œil racoleurs et les montées d'adrénaline calculées de Pulp Fiction pour installer dans le temps une réflexion en douceur sur le vieillissement. Pour ce faire, il choisit des acteurs représentant chacun tout un pan de l'histoire du cinéma américain. A tel point qu'on finit par se demander si ce ne sont pas les acteurs eux-mêmes le sujet du film. Dans Jackie Brown, chacun dit son âge sans tricher. Mais alors que la star De Niro est un personnage finissant condamné à une mort certaine, Pam Grier et Robert Forster resplendissent du poids des années. Il suffit de regarder le visage de ce dernier pour voir qu'il n'a pas eu sa chance, dans le film comme au cinéma où il n'eut jamais les rôles qu'il méritait. Quant à la stature de Pam Grier, elle s'affirme en cours de film fondamentalement différente de ce qu'elle a été : cette star des films de la blaxploitation des années 70, films d'action produits par des Blancs pour un public noir qui, en mêlant à outrance sexe et violence, mettaient en scène le désir de vengeance d'une jeunesse noire américaine révoltée par la dureté de ses conditions de vie dans les centres urbains.
Les films de la blaxploitation, également appréciés du public blanc, restauraient non sans ambiguïté la sexualité des corps noirs que Sydney Poitier et Harry Belafonte n'avaient jamais eu le droit d'exprimer dans la décennie précédente. Mais pour l'enfermer dans un débordement sur lequel projeter pour mieux les dominer sa peur d'un primitivisme brutal et la menace d'une hypersexualité. Tarantino laisse à Pam Grier le temps de parler de son passé, non en mots mais dans cette lente transformation d'un hôtesse de l'air coincée (le générique qui l'installe sur un tapis roulant ne lui laisse pas choisir sa destinée) en une femme jouant de courage et de détermination pour se tailler un avenir meilleur. Elle trouve, en acceptant de voir ses rondeurs en face, le même charme que les Delfonics, groupe black mythique, qu'elle fait écouter à Forster qui lui avoue les implants de ses cheveux.
C'est ce retournement qui fascine dans Jackie Brown, ce temps enfin laissé aux acteurs (et notamment à une actrice noire) d'être eux-mêmes et non l'image qu'on leur impose d'être, cette violence qui refuse toute chorégraphie, ces coups de feu qui ne viennent que comme un relâchement final, qui tout en claquant très fort portent leur charge de nostalgie et de mort. Samuel Jackson, qui pourrait paraître plus stéréotypé, n'échappe pas à la règle : il tue comme dans un rituel où la caméra elle-même prend de la hauteur et son baratin permanent n'illusionne plus personne.
Jackie Brown est un grand film.

Olivier Barlet

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