Dongala savait que Kourouma écrivait comme lui sur les enfants soldats, mais, comme il le signale dans l'entretien, craignant d'être influencé, il s'est refusé de lire "Allah n'est pas obligé" avant de terminer son propre livre. Effectivement, si les deux livres s'apparentent à des "docuromans" sur les guerres ethniques qui minent l'Afrique, la comparaison s'arrête là. Récit picaresque, celui de Kourouma est une méditation sur l'incapacité du langage à dire le mal et l'absurdité existencielle, tandis que celui de Dongala use du parallélisme comme stratégie littéraire pour mettre en scène le bien et le mal.
En effet, "Johnny chien méchant" évoque en parallèle deux destins opposés, celui de Johnny, le milicien qui sème partout la désolation et la mort, et Laokolé, une jeune écolière qui s'évertue à sauver les vies humaines. Les deux protagonistes se rencontreront en fin de roman, lequel s'achève par la mort du chien méchant, "assassiné" symboliquement à l'aide d'une Bible.
Même si le roman de Dongala est ancré dans les guerres africaines, on voit s'opposer les Dogo-Mayi aux Mayi-Dogo ! Le message est clair et les références que l'auteur ne cesse de faire à d'autres foyers de violence dans le monde comme Kandahar, Sarajevo, la Tchetchénie, le Proche-Orient etc. montre à quel point son ambition est universelle.
Boniface Mongo-Mboussa
Johnny chien méchant, d'Emmanuel Dongala, Ed. Le Serpent à plumes, 2002