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Le Départ
de Nimrod
critique
rédigé par Émile Moselly Batamack
publié le 06/08/2007

Tout écrivain rêve. Bon nombre d'entre eux aimeraient écrire l'œuvre d'une vie, en un volume. Or, la littérature, comme mœurs des gendelettres, ne se prête guère à cet improbable calcul.
Écrire au sujet de " l'horizon " est un pari difficile. Non seulement ce projet alimente le rêve, mais il se révèle être aussi une gageure. Nos savants, à défaut d'en faire un objet de connaissance, distillent allégrement à son propos l'inaltérable métaphysique de l'événement en proclamant une phénoménologie de la " chose " telle qu'elle nous apparaît… En somme, rien de tangible.
Gageure, car, la ritournelle de " l'apparaître " - des phénoménologues (honnêtes) en conviendront - est un discours ordinairement performatif. Il ne nous apprend rien sur le sujet.
L'horizon est la clef de voûte de l'opuscule de Nimrod, Le Départ. Le poète, romancier et essayiste y explorent les origines de sa vocation - depuis un territoire singulier appelé horizon. " J'habitai le pays mouvant du bleu, dont la particularité est de susciter du frais au sein du chaud, (…) ". " Or, habiter l'horizon, c'est transgresser la borne ".
Grâce au faste du rêve, il fait émerger des tranches de vie : " L'horizon n'est pas une frontière, je l'ai toujours su. Nos maisons ne peuvent avoir que lui pour vis-à-vis. Il n'était pas aussi effrayant que je l'avais cru. Pour l'instant il symbolisait le site où j'allais bientôt me réfugier loin de Sara-de-Gaulle ".
Comme des variations musicales, l'écrivain commue l'horizon en discours : c'est sa ressource de langage, et l'exercice s'apparente à une anamnèse. " L'horizon n'est pas limpide, où, plutôt, sa forme de clarté est tout intérieure ". Il met au jour son enfance africaine, laquelle marquée, lorsqu'il s'avançait sur le chemin, par la " présence de l'adulte dans le dos ". Plus tard, cette présence sera déterminante et elle atténuera sa peur dans la marche vers l'horizon. Et l'on entend la supplique paternelle lors de ses premiers pas : " Mbo zin (marche devant) ". Souvent, elle est synonyme de l'injonction : Sois pionnier. Chez les mômes au bord de l'épuisement, cette supplique se veut sommation, et Nimrod semble nous donner la réplique dans une forme en ellipse : " Le nocturne de l'horizon est tendre et brouillé ".
Son approche de l'horizon instruit sa sollicitation du " grand dehors " : " L'horizon est un appel, et nous sommes ses captifs ". Au demeurant, il illumine " Le Départ " : à savoir, sa quête de la vie bonne. Car, Nimrod examine dans " LE DÉPART ", le processus de l'écriture, ce piétinement du nommable.
Ce récit se lira comme un oracle du destin. Il nécessitera différentes approches. C'est évidemment une tâche indispensable : lire entre les lignes et en creux. Car la fulgurance des événements dissimule l'appétence de l'écrivain : écrire - non pas " écrire en pays dominé " (Patrick Chamoiseau), mais depuis le vis-à-vis qu'est l'horizon - loin des soubresauts de l'Afrique.
Du père, lui vinrent la découverte et l'amour des livres : " Mon père est un homme du livre. Dans le milieu, il est le seul de son espèce à vivre entouré de bouquins. Même au loin, je sais qu'il les feuillette. Cette passion devrait m'irriter ; elle me fascine.
Cette mention est l'hommage et l'adieu de l'écrivain à son géniteur - en plus, une occasion de revisiter son enfance de lettré - a fortiori en Afrique ! Elle nous rappelle l'enfance de J.-P Sartre dans Les Mots : " J'ai commencé ma vie comme je la finirai sans doute : au milieu des livres ".
Chez Sartre, à défaut d'un père, la reconnaissance se rapporte sur son grand-père. Sans celui-ci, sa destinée aurait été différente.

Emile Moselly Batamack

Le Départ, de Nimro, Actes Sud

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