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Les Portes fermées
de Atef Hetata
critique
rédigé par Olivier Barlet
publié le 01/11/2000

Coproduit par Misr, la maison de production de Youssef Chahine, et Arte, voici un regard lucide et subtil sur le grand danger actuel de la société arabe et de toute société : la séduction exercée sur les jeunes par l'intégrisme. Nous sommes au Caire en 1990 et 91, en pleine guerre du Golfe. Un jeune de 15 ans, Mohamed, vit seul avec sa mère, Fatma. Son père a déserté pour se remarier avec une femme plus jeune, son frère aîné est allé combattre dans le Golfe. En présentant l'évolution du jeune Mohamed dans son intégration progressive de la violence intégriste, "Les Portes fermées" répond complètement à nos attentes : il nous aide à comprendre comment la bête immonde arrive à séduire tant de jeunes dans les pays arabes, au point de leur faire commettre les pires crimes. La force du film est de ne pas réduire le processus à une leçon bien apprise : ce n'est pas seulement le discours intégriste, moraliste et haineux, qui forge la révolte, mais toute une série de facteurs – ce qui n'est pas neutre car cela revient à dire que ce n'est pas en censurant la parole des barbus qu'on résout le mal. Mohamed vit dans un environnement affectif marqué par l'absence de père. Son éveil sexuel d'adolescent est réfréné par une société où tout rapport ouvert à la femme est banni et jugé (un geste de tendresse de sa mère dans la rue sera tout de suite interprété comme une perversité). A l'école, l'autorité est si répressive et violente qu'elle ne laisse aucun dialogue émerger, aucune frustration s'exprimer, aucune justice triompher. La crise économique est telle que les employés doivent subir humiliations et compromissions pour ne pas perdre leur travail.
Le drame qui se noue échappe ainsi à tout manichéisme. Les intégristes ne sont pas qu'à la mosquée mais aussi à l'école, et ne disent pas que des contre-vérités. Confronté aux tensions affectives, sexuelles, politiques et économiques qu'il ressent, les portes qui auraient permis au jeune de les résoudre se ferment toutes et l'empêchent de percevoir les aspirations de sa mère à davantage de vie. Malgré son dévouement, elle ne perçoit ni le danger ni les attentes réelles de son fils. Le discours intégriste devient alors tel qu'il se propose : un refuge. Passionnant de bout en bout, "Les Portes fermées" est un film à voir absolument, pour comprendre.

Olivier Barlet

1998, 107 min., avec Sawsan Badr, Mahmoud Hemeida, Ahmed Azmi. Prod. Misr et Médiane Prod. (01 42 93 86 00).

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