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Pole Emploi, ne quittez pas, de Nora Philippe
Au cœur de l'étau
critique
rédigé par Olivier Barlet
publié le 18/11/2014

En sortie dans les salles françaises le 19 novembre 2014, Pole Emploi, ne quittez pas offre une vision sans concessions de cette institution chargée de suivre 3,5 millions de chômeurs au sens de leur trouver une emploi mais aussi de leur assurer une survie financière. Cette tension provoque parfois des drames. Plongée dans une agence où les choses "fonctionnent", le film rend cependant aussi compte du côté kafkaïen du travail des agents.

Pole Emploi, ne quittez pas appartient à ce genre de documentaires en immersion où la caméra, acceptée et qu'on fait semblant d'oublier, capte le quotidien d'une équipe qui a autre chose à faire que de s'en soucier mais qui bien sûr modèle ses comportements sur sa présence. Cette équipe, ce sont quelques-uns des 40 employés surchargés d'une agence Pôle emploi de Seine-Saint-Denis supposée suivre 4000 demandeurs d'emplois. Accueil des demandeurs d'emplois, entretiens, essais de contacts avec les employeurs ou pour des formations, et surtout conditions de travail, relations hiérarchiques, débordement généralisé, paperasse et lourdeurs administratives…
Cette plongée dans les scènes savamment exfiltrées d'une centaine d'heures de rushes rassemblés en trois mois de tournage est tout à fait intéressante à suivre : le Pôle emploi apparaît comme un microcosme exemplaire de l'incongruité des institutions en charge des questions humaines. Depuis 2012, le suivi mensuel personnalisé a dû être abandonné, les moyens ne suivant pas. Pris entre la nécessité de faire du chiffre et l'impossibilité d'assurer un suivi efficace des demandeurs d'emploi, les 50 000 agents supposés accompagner les quelque 3,5 millions de chômeurs sont près du burn out ! Vu du point de vue des agents de Pôle emploi plus que des rares demandeurs filmés, Pole Emploi, ne quittez pas documente le "n'importe quoi" (sic) quotidien de ce personnel qui doit gérer les rendez-vous et le suivi des dossiers, mais aussi le côté kafkaïen des contraintes administratives et politiques. Certains font de gros efforts d'écoute et de disponibilité tandis que d'autres craquent ou se font plus distants que nécessaire face aux demandes très humaines qui leur sont faites. C'est là que l'on prend la mesure de la force de l'immersion et du cinéma direct (caméra légère mais quand même avec perchman et ingénieur du son) : des moments signifiants captés dans le brouillard de la quotidienneté, la richesse du divers.
Le grand mérite du film est de ne stigmatiser personne. Comme le dit la réalisatrice dans une interview sur challenges.fr : "Les chômeurs ne sont pas des assistés et les agents de Pôle emploi ne sont pas des bourreaux. Le problème est ailleurs…" C'est cet ailleurs qui émerge à la vision du film, une question posée en connaissance de cause : comment restaurer de l'humain dans un système bureaucratique ?

Olivier Barlet

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