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Qui sème le vent
téléfilm de Fred Garson
critique
rédigé par Olivier Barlet
publié le 19/11/2011
Qui sème le vent
Qui sème le vent
Qui sème le vent
Qui sème le vent
Natacha Regnier dans Qui sème le vent
Natacha Regnier dans Qui sème le vent
Laurent Lucas dans Qui sème le vent
Laurent Lucas dans Qui sème le vent
Émile Abossolo Mbo dans Qui sème le vent
Émile Abossolo Mbo dans Qui sème le vent

Diffusion sur Arte le vendredi 2 décembre 2011 à 20 h 40.
Rediffusion le mardi 6 décembre à 14 h 45.

Hugo, un diplomate français chargé des affaires difficiles (Laurent Lucas) est envoyé au Niger, deux scientifiques ayant été pris en otage près des mines d'uranium d'Arlit. Confronté à Hélène, une militante antinucléaire vertueuse (Natacha Régnier), il incarne fort bien l'intérêt d'un État soucieux de préserver son approvisionnement énergétique face aux puissances concurrentes, notamment la Chine. Tandis qu'Hugo est aux ordres, Hélène est le type même de la bonne militante, sensible et compétente, au fait des malversations étatiques qui font passer la délicate négociation du prix de l'uranium avant la vie des otages. Dans ce téléfilm tourné tout près du Niger au Burkina Faso et lorgnant sur le thriller politique à l'américaine, ce duo qui s'affronte et se rapproche est parfaitement prévisible tandis que les contraintes budgétaires limitent visiblement l'ambition de la mise en scène. La caméra colle aux acteurs ou aux roues des camions pour ne pas devoir organiser décors et figurants.
C'est gênant et un peu plus d'épure à l'image et de finesse au scénario auraient mieux servi le sujet. Comme dans The Constant Gardener, on assiste à un combat de bons Blancs avec des Africains corrompus, relais des intérêts extérieurs, sans que les activistes locaux n'aient la parole (Hugo sera confronté à des Touaregs vertueux mais ils ne seront que vengeurs dans le récit). Les histoires de chasse sont toujours racontées du point de vue du chasseur. Qui sème le vent a cependant le mérite de coller à l'actualité et d'en rappeler les contours sans nous livrer la sauce d'un passé révolu. Même le discours du Président Sarkozy à Dakar est cité. Les noms sont à peine déguisés : Urania est Areva et le CIR est la CRIIRAD, très sérieuse ONG de surveillance sur le nucléaire qui tente de restaurer un contrôle dans une chasse gardée où rien n'est jamais avoué. Effectivement active au Niger, elle révèle la pollution radioactive et les manques de protection des ouvriers comme des habitants ainsi que les maladies qui en résultent, (1) que le documentariste béninois Idrissou Mora Kpaï a déjà évoqué en 2005 dans le remarquable Arlit, deuxième Paris où il dévoile avant que les activités de la mine ne soient relancées la déliquescence de cette ville-champignon et ses problèmes sanitaires.
C'est la rigoureuse froideur des agissements des hommes politiques français comme africains et des hommes d'affaires qui fait la trame et l'intérêt de Qui sème le vent, au point qu'on s'accroche aux rebondissements. Mais ce sera sans grande empathie pour les otages : ils nous restent aussi distants que pour ceux qui les manipulent et ne cessent de mettre leur vie en danger. Le duo Hugo-Hélène peinant lui aussi à convaincre, ce n'est donc pas sur le terrain de l'identification mais sur celui de la conscience politique que se détache ce téléfilm qui a l'avantage de mettre les points sur les "i". C'est du style wikileaks : on le savait déjà mais cela confirme le double discours et le cynisme des dirigeants. En plein débat public sur l'avenir du nucléaire, il montre les conséquences de nos choix énergétiques, la sécurisation de l'approvisionnement en uranium poussant à des extrêmes, surtout dans un contexte de surenchère internationale. Et à l'heure où l'on cherche à nous convaincre que la Françafrique appartient au passé, il rappelle que les jeux d'intérêt et les pratiques sont encore en place tout en montrant que la donne a évolué et que la France n'est plus la seule en lice. Il participe en cela du vent d'indignation que l'on voit sourdre un peu partout face à la financiarisation de l'économie et aux jeux de domination du monde. Et contribue, à son niveau, à faire gronder le peuple.


Olivier Barlet

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