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XALÉ. Colorer les blessures au Sénégal
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 29/03/2024
Moussa SÈNE Absa, réalisateur sénégalais
Moussa SÈNE Absa, réalisateur sénégalais
Scène du film XALÉ
Scène du film XALÉ
Scène du film XALÉ
Scène du film XALÉ
Scène du film XALÉ
Scène du film XALÉ
Scène du film XALÉ
Scène du film XALÉ
Scène du film XALÉ
Scène du film XALÉ
Coulisses du tournage, avec les actrices Rokhaya Niang ("Fatou") et Nguissaly Barry ("Awa")
Coulisses du tournage, avec les actrices Rokhaya Niang ("Fatou") et Nguissaly Barry ("Awa")
Coulisses du tournage, avec l'actrice Nguissaly Barry ("Awa")
Coulisses du tournage, avec l'actrice Nguissaly Barry ("Awa")
Coulisses du tournage, avec l'actrice Nguissaly Barry ("Awa")
Coulisses du tournage, avec l'actrice Nguissaly Barry ("Awa")
Scène du film XALÉ
Scène du film XALÉ
Scène du film XALÉ
Scène du film XALÉ
Scène du film XALÉ
Scène du film XALÉ
Scène du film XALÉ
Scène du film XALÉ
Scène du film XALÉ
Scène du film XALÉ
Scène du film XALÉ
Scène du film XALÉ
Scène du film XALÉ
Scène du film XALÉ
Scène du film XALÉ
Scène du film XALÉ
Scène du film XALÉ
Scène du film XALÉ
Scène du film XALÉ
Scène du film XALÉ
Mentor BÂ, acteur
Mentor BÂ, acteur

LM Fiction de Moussa Sene Absa, Sénégal / Côte d'Ivoire, 2022
Sortie France : 3 avril 2024

Les cinéastes sénégalais aiment explorer les blessures des femmes pour les sublimer. Ainsi Moussa séné Absa conclut une trilogie sur la condition des Sénégalaises avec Xalé, 2022, apprécié dans des festivals internationaux, distribué avec succès dans son pays. Après Tableau Ferraille, 1997, qui aborde la polygamie, la stérilité, le pouvoir politique, il signe Madame Brouette, 2002, qui évoque la solitude, l'amour, la trahison. Après quelques documentaires, la production d'une série télé, le réalisateur esquisse avec Xalé, une "ode à l'innocence de la jeunesse à travers à la fois les rêves les plus audacieux et la fragilité de la vie".



Suite à une scène violente où un homme est assassiné, le récit se présente comme un flashback pour remonter aux causes du meurtre. On suit le destin de deux femmes. Fatou, coiffeuse altière, est mariée contre son gré à Atoumane à la mort de sa grand-mère. Elle refuse de consommer le mariage en cultivant son attirance pour Nandité, le propriétaire d'un taxi qui emploie Atoumane. Ce dernier, frustré, convoite alors sa nièce Awa.
A 15 ans, elle travaille dans le salon de coiffure de sa cousine Fatou, tandis que son frère jumeau, Adama, économise pour s'embarquer en clandestin en France. Méprisant les conseils de prudence de son entourage, il va tenter le voyage quand le destin de sa sœur bascule sous les assauts de Atoumane. Ce dernier sera banni mais Awa, enceinte, veut élever seule sa fille qui grandit et découvrira plus tard un père inattendu.

Moussa Sene Absa soulève la question du viol au sein du cercle familial. Un drame souvent occulté dans une société où les filles sont précoces, les familles élargies dans la promiscuité des quartiers populaires. " C'est dans un tel contexte de crise des valeurs que le film prend tout son sens. Non pour faire la morale mais pour démêler tous ces nœuds qui étouffent ", indique le réalisateur en basant son récit sur des enquêtes de terrain. Il filme avec respect des personnages dignes, même le héros destructeur, Atoumane, qui se sent mal aimé. " Il lâche prise. Il est aussi victime de la société ", compatit Moussa Sene Absa.
Les femmes fières qui affrontent leur destin sont valorisées dans des tenues soignées. Fatou s'épanouit avec son amoureux tandis que Awa se projette dans l'éducation de sa fille jusqu'à écarter radicalement le père qui revient comme une menace au terme de son bannissement par les sages. "Xalé se veut un film palpitant où tout se joue sur la force des acteurs et la sobriété de la mise en scène", estime Moussa Sene Absa. "Je veux porter un film qui rompt avec une certaine forme de narration et de contenu." Et comme souvent, le corps de son film est un flashback.



Un chœur de femmes commente l'action avec des chants pour la plupart composés par le cinéaste qui précise : "Tel un personnage ambulant, leur musique scande les odes à la vie". Un conteur, Jogooy, habité par l'acteur Mentor Ba, apparaît épisodiquement pour souligner "les maux d'une société africaine en proie à la crise". Ces présences donnent une amplitude poétique aux sujets abordés par Moussa Sene Absa dont le viol qui frappe Awa, ou l'émigration qui tente son frère Adama. "Le mal de ce continent est cette jeunesse qui veut partir", déplore le cinéaste en regrettant le désenchantement entretenu par la société sénégalaise, et en mettant en avant les périls de l'aventure.
Xalé se déploie avec un souci de luminosité exalté par le chef opérateur Amath Niane. En soignant l'importance des couleurs, le rouge sacré, le bleu qui évoque la fusion, le blanc la pureté, Moussa Sene Absa habille ses scènes d'une dimension symbolique. Son approche, axée sur le jeu organique des comédiens, contribue à leur expressivité. Ses héroïnes, Rokhaya Niang qui est Fatou, déjà tête d'affiche des premiers films de la trilogie, et Nguissaly Barry qui campe Awa, irradient et savent souvent convaincre comme les autres acteurs.



Le scénario est un adaptation très libre d'un récit de Mandir Ndoye Thiaw, Adama et Awa, que Moussa Sene Absa a écrit avec Pierre Magny, un scénariste canadien déjà actif sur Madame Brouette, et Ben Diogaye Beye, cinéaste sénégalais, vétéran réputé. Leur association permet de composer un drame concentré, assez simple, parfois prévisible, étayé par une coproduction entre le Sénégal et la Côte d'Ivoire, avec le concours d'institutions internationales.
Moussa Sene Absa vise à élargir son public en cultivant une approche ancrée dans sa culture. La musique qu'il a conçue porte le récit. "Elle construit une ligne narrative naturelle", explique-t-il. "Elle est fondatrice d'un imaginaire africain." Il s'en inspire pour élaborer des lignes de force et affirmer une écriture personnelle en observant : "Mon récit est scandé, chanté, il n'est pas linéaire, il est cyclique". Ainsi se déroule une fiction qui tente de cautériser des traumatismes. "Nous passons nos vies à soigner les blessures de l'enfance", ponctue Moussa Sene Absa en hissant les couleurs du cinéma avec Xalé.

vu par Michel AMARGER (Afrimages / Médias France), pour Africiné Magazine

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