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"de Minta à New York"
entretien de Samy Nja Kwa avec Richard Bona
entretien
rédigé par Samuel (Samy) Nja Kwa
publié le 01/10/1999
Richard Bona
Richard Bona

Richard Bona est né à Minta, près de Nanga Eboko dans l'Est du Cameroun. Balafoniste à ses débuts, musicien de cabaret à Douala, il séjourne en France où il suit les cours du conservatoire de Versailles, puis s'envole pour New York où il y vit depuis 1995. Et où, dans les clubs, il accompagne à la guitare basse, les plus grands jazzmen. Il sort un premier album " Scènes de ma vie ". Il y raconte sa vie. 

Du Balafon à la guitare basse, n'est ce pas un parcours assez atypique ?
Chez moi, la tendance était plutôt balafon et percussions. Je joue par rapport à mon environnement et ma musique le reflète. A l'époque, c'était la chorale, les pêcheurs. J'ai donc commencé par cela. Ensuite, je suis allé à Douala. Comme tous les jeunes jouaient de la guitare, je m'y suis mis. J'ai transcris ce que je faisais au balafon. Et puis, j'ai rencontré quelqu'un qui tenait un club et qui cherchait des musiciens de jazz. Il voulait créer un cabaret et m'a proposé 125 000 FCFA. Je devais avoir quinze ans. C'est en écoutant des disques de jazz que je suis tombé sur Jaco Pastorius. J'ai écouté Come on over et c'est comme ça que j'ai pris goût à la basse. C'est devenu une passion.
Ensuite, tu te rends à Paris. Tu passes quelques temps au conservatoire de Versailles où tu rencontres la musique classique, et puis New York, où tu rencontres surtout des musiciens de jazz. Comment as-tu réussis à faire ce pont entre les musiques africaines et le jazz ?
Les deux mondes ont longtemps été séparés. Il y a vingt ans, lorsqu'un Africain arrivait aux Etats-Unis, on s'attendait à ce qu'il joue du tam-tam. Les choses évoluent. Musicalement, les Américains ne se rendent pas toujours compte des progrès qu'il y a eu en Afrique parce qu'ils ne jouent que leur musique. Ils n'ont jamais été ouverts à notre musique. Aujourd'hui, il y a des générations comme la mienne qui voyagent, qui sont ouvertes et qui ont l'opportunité de jouer la leur. Moi, je la mélange à la mienne et ça apporte un son nouveau. Aujourd'hui, aux Etats-Unis, ce n'est plus la façon dont tu joues qui importe. C'est plutôt ce que tu apportes. Ton identité. Ce qui fait ta personnalité lorsque tu joues du jazz ou de la musique en général.
Après avoir fait pas mal fréquenté les clubs de jazz, tu t'es lancé dans la confection de ce premier album. Acoustique, épuré, intime, tu as quasiment tout fait ?
Oui, je compose toujours mes chansons à la guitare. Je sais ce que je veux. Et cet album, c'est comme ça que je le voulais. Tout le monde s'attendait à un album " de basse ". C'est pour cela que les gens sont surpris. Je voulais dire d'où je viens, qui je suis. Je l'ai appelé Scènes de ma vie. Le jazz, j'en fait tout le temps. Que cela soit avec Latifah, Harry Belafonte, Joe Zawinul, Michaël Breaker ou Bob James. C'est une culture, une expérience que j'ai acquise durant mon parcours, mais ce ne sont pas mes racines.
Avant de faire cet album, j'ai réécouté les différents courants de la musique africaine parce que je m'en étais un peu éloigné. En écoutant les musiques populaires du Cameroun, je me suis rendu compte qu'on avait perdu le sens du message. Lorsque Eboa Lotin chantait, Tonton Néllè Ngando ou Axel Mouna, il y avait un message derrière une musique qu'on dansait. Mais aujourd'hui, on oublie qu'il y a des enfants qui nous écoutent et nous regardent. Il faut que l'artiste leur passe un message et, quel qu'il soit, ils vont l'imprimer dans leur mémoire. S'il est mauvais, il y aura des conséquences. Rien ne se fait au hasard. Les gens écoutent plus les artistes que les hommes politiques. Ce sont des guides pour chaque génération, il ne faut pas l'oublier.
Tu n'hésite pas non plus à t'attaquer à la musique latine.
La musique est comme une rivière. La musique latine est aussi la rencontre de deux mondes. J'ai fait un rythme latin, hispanique, et j'ai vu des Hispaniques danser, ça m'a fait plaisir. J'ai vu des gens jouer de la musique classique et du jazz à Cuba. Je tends vers cette idée. Je ne veux pas que les gens anticipent sur ce que je veux faire. Je veux être comme Roger Milla au football.

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