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Sofia Alaoui, une réalisatrice franco-marocaine qui fait des films avec amour
"La société marocaine m'inspire beaucoup" estime la lauréate du César du Meilleur Court métrage 2021
entretien
rédigé par Amina Barakat
publié le 26/07/2022
Sofia Alaoui, réalisatrice et scénariste franco-marocaine
Sofia Alaoui, réalisatrice et scénariste franco-marocaine
Amina Barakat (Rabat), Rédactrice à Africiné Magazine
Amina Barakat (Rabat), Rédactrice à Africiné Magazine
PARMI NOUS (long métrage en cours de production)
PARMI NOUS (long métrage en cours de production)
Film co-écrit par Sofia Alaoui et Won-hee JUNG
Film co-écrit par Sofia Alaoui et Won-hee JUNG

Sofia Alaoui est l'une des jeunes femmes qui ont choisi de se mettre derrière la caméra pour s'exprimer par l'image. Franco marocaine, native de Casablanca, elle a vécu entre le Maroc et la Chine. Elle a surtout fait ses études de cinéma en France ainsi qu'aux États-Unis. Avec son retour au pays natal, elle s'inspire et raconte des histoires qui lui tiennent au cœur. Elle traite de sujets qui sont bien de chez elle.
Sofia est également fondatrice de Jiango Films, une société de production indépendante de films, basée a Casablanca. Elle est scénariste et réalisatrice de films et documentaires diffusés sur la chaîne française France 3.
Par son travail de réalisatrice talentueuse, Sofia a pu être primée par plusieurs festivals internationaux. Dans son registre, on compte plus d'un film inspiré par l'environnement de sa société et culture marocaines. Réalisé en 2019, son film Qu'importe si les bêtes meurent a eu le César du Meilleur court métrage de fiction, le 12 Mars 2021, ainsi que le grand Prix du Jury au Festival de Sundance 2020. Il est en langue amazighe, tourné dans les montagnes de l'Atlas, avec des acteurs non professionnels.
Réalisé en 2018 et sélectionné dans de nombreux festivals (Brest, Plein la Bobine), Kenza des choux est parfois crédité comme son 1er court métrage de fiction. Cependant, elle a réalisé auparavant Le rêve de Cendrillon, une fiction qu'elle a auto-produite en 2013, sans oublier ses documentaires.
Sofia Alaoui a accepté de répondre à quelques questions posées par Africiné Magazine.

Que représente pour vous le fait que vous soyez primée par un festival aussi prestigieux que Sundance ?

Cette consécration compte beaucoup pour moi. Déjà, c'est un film franco-marocain, il est fait au Maroc avec une équipe marocaine. C'est un peu spécial pour moi, dans la mesure où on peut s'ouvrir à d'autres distinctions. En tant que jeune femme franco-marocaine, je porte un regard sur la société marocaine. En tous cas, j'ai un regard qui est le mien, un regard bienveillant ; parce que j'aime le Maroc qui est mon pays et je veux le meilleur pour lui. Aussi, je suis très fière du cinéma marocain qui a fait des efforts par le fait qu'il y a beaucoup de talents et d'ambitions.

Quels sont vos projets dans ce sens ?

Je suis en train de travailler sur un long métrage. Le tournage s'effectue à Casablanca au Maroc. Le film s'intitule Parmi nous. D'autres courts et documentaires sont en vue.


The Lake (film clip) from Sofia Alaoui on Vimeo.



On constate que le nombre de réalisatrices marocaines s'accroit au fil des années. C'est un vrai chalenge pour le cinéma au féminin. En tant que nouvelle recrue, comment vous vous sentez dans ce milieu plutôt "masculin" ?

C'est vrai que ce n'est pas toujours facile pour une jeune femme d'exercer ce métier et trouver sa place dans ce milieu marocain encore patriarcal d'une manière générale, d'imposer sa place et sa parole, se faire respecter. C'est un combat qu'on mène au quotidien. Il faut donc affirmer les choses deux fois plus, un combat qui va durer encore des années. Mais il faut créer des modèles pour que d'autres femmes prennent la relève. Ce qui est sûr, c'est que dans notre pays le rapport homme- femme, bien que compliqué, peut marcher.


Extrait KENZA DES CHOUX from Sofia Alaoui on Vimeo.



Le choix de se mettre derrière la camera est il un défi pour vous ?

J'ai la chance de faire le métier que j'avais envie de faire. C'est une passion pour moi de dire ce que je veux, de m'exprimer par le son et l'image.

Comment arrivez-vous à surmonter les problèmes de la production ? Sachant que le Maroc ne possède pas tant de sociétés de production.

Le Maroc ne manque pas de productions, parce qu'il y a des producteurs marocains et étrangers, comme il y a beaucoup de productions étrangères, des tournages. Avec tout cela, on sait faire et fabriquer, mais par contre je pense qu'on ne sait pas encore vraiment développer des films. Avec la petite expérience qui est la mienne, j'ai monté ma société de production [Jiango Films, basée a Casablanca] pour avoir cette liberté et échanger avec des amis scénaristes, producteurs et réalisateurs français.
Un bon film c'est surtout un bon scénario et cela prend beaucoup du temps, de recherche et d'écriture. Cela peut durer un an, deux ans et même plus. Cela se paie, et bien sûr il faut trouver des producteurs et des institutions. C'est toute une manière de faire des films qui permet aux réalisateurs de développer leur travail. En tous cas, pour moi c'est surtout ça. En fait, il y a peu de sources de financement dont le CCM (Centre Cinématographique Marocain). Il n'y a pas de promotion qui est faite pour encourager les sociétés et les pousser à financer la culture. Une invitation du gouvernement, du ministère de la culture, s'impose pour sensibiliser certaines grandes entreprises, dans le but de les inciter à financer certains projets du cinéma et établir une relation entre les entreprises et la culture.

Est-ce que vous croyez que le cinéma peut être un moyen pour combattre le terrorisme, ce fléau qui ravage les rangs de la jeunesse ?

En tous cas, moi je pense que le cinéma a des pouvoirs, bien qu'on ne soit pas des super héros. Mais ce qui est beau c'est qu'on raconte des parcours des individus qui sont différents de nous et on développe l'empathie qu'on a pour ces gens. Donc cela nous ouvre à l'autre, à l'inconnu, à la réflexion qu'on n'a pas dans notre vie quotidienne. En ce sens-là, si ça peut changer quelque chose et questionner ces gens-là, c'est formidable. Sinon les problèmes liés au terrorisme c'est plutôt la culture qui permet juste d'empêcher cela. À côté de cela, il y a quand même la culture qui est obligatoire pour l'éducation car elle est essentielle juste à coté des réalités sociales et économiques qui font un tout.

Est-ce que vous croyez au cinéma au féminin ?

Je pense que le cinéma au féminin est nécessaire, surtout quand on parle des rapports homme/femme basés sur des situations précises. Plus on a un regard féminin (de réalisatrice), plus il y a des hommes qui regardent des films de femmes pour savoir et comprendre le regard des femmes.



Que peuvent apporter les festivals internationaux aux professionnels du cinéma ?

Les festivals nationaux et internationaux sont très importants. Parce que déjà d'une part c'est là où les films sont confrontés aux yeux des professionnels, pas seulement, et du public. C'est aussi une fenêtre sur le Maroc, une manière de promouvoir le cinéma national partout. Et ça, c'est beau… C'est aussi pouvoir voyager et se balader, répandre un message, en plus de s'exposer à la population locale, donc en ce sens c'est extraordinaire. Moi je trouve cela très beau et je suis très heureuse que le film puisse être vu un peu partout dans le monde.

propos recueillis par
Amina Barakat

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