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29è Festival International du Film Francophone de Namur : L'Afrique a la part du Lion
reportage
rédigé par
publié le 13/10/2014

Deux films soutenus par le Fonds Francophone de l'OIF / CIRTEF primés : "Examen d'État" et "Challat de Tunis", avec "Timbuktu" (deux prix) et d'autres fictions du continent africain.



 

Le rideau est tombé vendredi dernier sur un 29ème Festival International du Film Francophone de Namur exceptionnel pour les cinémas d'Afrique. Les films africains ont décroché les prix les plus importants du festival, dans presque toutes les compétitions officielles. L'édition de cette année (03-10 0ctobre 2014) est peut-être l'une des plus représentatives de la vocation d'un tel festival en tant que scène où la francophonie est célébrée comme une dynamique culturelle qui fait des différences une source intarissable d'imagination et d'inspiration. Le FIFF fait ceci, en montrant le meilleur du septième art francophone dans sa richesse et dans diversité, en servant de plateforme pour les rencontres entre professionnels de différents horizons et surtout en proposant des outils concrets de promotion de développement.

 

Timbuktu sans grande surprise

 

Depuis son passage au festival de Cannes en mai dernier, Timbuktu du Mauritanien  Abderrahmane Sissako était attendu à Namur. Que le film remporte le Bayard d'Or, la plus haute consécration du festival n'est donc pas surprenant. Plus encore, le film est particulièrement salué par le jury qui lui a attribue aussi le Prix du scénario. Il y a là comme un signal que la barre au festival du film francophone est mise au niveau le plus haut.

 



 

Il n'y a pas vraiment de grande surprise dans l'attribution du prix du jury à Examen d'Etat, un documentaire plein de sensibilité et d'authenticité de Dieudo Hamadi [soutenu par le Fonds francophone : OIF / CIRTEF, ndlr]. Le cinéaste congolais rend hommage à la jeunesse congolaise, et partant, africaine qui continue de croire en l'éducation comme voie de salut et comme un vrai terrain de combat contre le misère et la pauvreté.

 



 

S'il n'y a pas surprise quant au succès de Timbuktu, deux autres compétitions du festival ont bien amené des surprises, et que de bonnes. Dans la sélection des premières œuvres, la Tunisienne Kaouther Ben Hania s'est de nouveau distinguée par son premier long métrage, Le Challat de Tunis qui a remporté le Bayard d'Or de la première œuvre. Le film avait déjà marqué par son originalité la sélection de l'ACID au festival de Cannes en mai 2014.

Dans la compétition courts métrages, Cédric Ido s'est imposé par son court métrage Twaaga. Le Franco-Burkinabé a reçu le Prix François-Bovesse qui consiste en la somme de 2500 euros [1 639 892 FCFA, ndlr] offerte par l'association " Les Amis et Disciples de François Bovesse ". Le jeune cinéaste se présente comme le porte-drapeau de la relève cinématographique africaine à côté du Marocain Kamal Lazraq qui a reçu une mention spéciale pour son court métrage L'Homme au chien. Les deux succèdent ainsi au jeune Algérien  Karim Moussaoui (Les Jours d'avant, 2013) qui est cette année membre du jury de la même compétition dont il remporta le prix l'année dernière.  

 

Le FIFF, un festival pas comme les autres.

 

Le plus grand festival de film francophone ne veut pas se contenter d'être la vitrine du cinéma francophone. Cette année, la manifestation a accueilli pas moins de 300 invités et 363 journalistes et a distribué 74 000 euros [48 540 818 FCFA, ndlr] en prix, toutes compétitions confondues (156 films dont 77 longs métrages). Sa principale vocation est de jouer un rôle structurel dans l'illustration et la promotion de la culture francophone telle qu'elle s'exprime par le septième art.

Le festival a certes des activités expressément destinées au développement des talents comme l'Atelier du Grand Nord' et les ‘Echanges de talent(s)'. En effet, plusieurs festivals font place à toutes sortes de rencontres et forum professionnels qui ont pour but de stimuler la création cinématographique. De ce point de vue le FIFF n'échappe pas à cette tradition.

 

Ce qui est unique, par contre, à Namur c'est le sens que prennent les prix attribués aux films. Le Bayard d'Or, en l'occurrence, est destiné entièrement à la distribution et la diffusion des films primés.

Le distributeur de Timbuktu, meilleur film de cette année, recevra un total de 22 500 euros [14,76 millions FCFA, ndlr]. Dans cette somme, la RTBF offre 10.000 € [6, 56 millions FCFA, ndlr] au distributeur pour l'achat des droits TV. Quant au FIFF de Namur, il offre 7.500 € [5 millions FCFA, ndlr] au distributeur pour une aide à la distribution en Belgique. La SABAM offre 5.000 € [3,27 millions FCFA, ndlr] au distributeur pour une aide à la distribution en Belgique.

De même celui de Challat de Tunis, meilleure première œuvre, aura une somme de 10 000 euros comme contribution aux frais de la distribution du film tunisien. (La Fédération Wallonie Bruxelles offre 7.500 € au distributeur pour la promotion et la diffusion en salles commerciales en Belgique. La Ville de Namur offre 2.500 € au distributeur pour la promotion et la diffusion au sein des salles des centres culturels de la Quadrature du Cercle (Belgique).

 



 

Que ces films reçoivent des consécrations c'est important certes, mais lorsque ces prix sont destinés à booster la visibilité des films, c'est encore plus important et plus constructif.

Une question mérite d'être posée cependant : pourquoi ce prix est-il destiné à soutenir la distribution des films en Belgique seulement ? Les prix sont accordés par des institutions belges, soit ! Ne serait-il pas encore plus cohérent d'imaginer une bourse pour la diffusion des films dans tout l'espace francophone ?

 

L'expression d'une dynamique sociale et culturelle.

 

En plus d'un état des lieux de la production cinématographique francophone, le FIFF est aussi un outil pour soutenir la visibilité du film francophone. Il y a derrière cette vision la conviction que la francophonie est une culture richement inventive qui mérite d'être mise en valeur. De ce point de vue, un festival n'est pas seulement un espace où les talents sont honorés, c'est surtout un moment où les spécificités culturelles se manifestent. Ceci fait toute la particularité du FIFF.

Et la 29ème édition est l'illustration parfaite de cette fonction. Le cinéma francophone est l'expression d'une culture commune où les frontières entre les peuples ne sont pas des lignes de démarcation territoriales mais des zones richement dynamiques en termes d'imagination et d'inventivité. Il y a bien sûr d'abord la rencontre des auteurs du Grand Nord et du Grand Sud. Il y a ensuite le thème classique des coproductions qui réunissent des professionnels d'ici et d'ailleurs. Mais il y a au-delà de tout ça des œuvres qui sont la traduction et l'émanation de nouveaux imaginaires.

 





Ainsi, David Constantin, réalisateur et producteur mauricien a y présenté Lonbraz Kann, soutenu également par le Fonds Francophone de l'OIF. Son 1er long-métrage de fiction faisait à Namur sa Première Internationale (après la Première Mondiale et Africaine au Festival international du film d'Afrique et des îles - FIFAI 2014, le 02 Octobre 2014, comme film d'Ouverture).

Il raconte l'histoire de Marco, Bissoon et leurs amis qui ont travaillé à l'usine de sucre toute leur vie. L'usine est condamnée à la fermeture, ce qui va bouleverser leur horizon ; à la place un terrain de golf et des villas de luxe sont prévus. Autour du sucre de canne se noue l'histoire mauricienne, l'humiliation et la désintégration des relations sociales.

 

Qu'Allah bénisse la France ! d'Abd Al Malik (Prix Découverte de cette année) ou celui de Bande de filles (Girlhood) de Céline Sciamma sont des films qui proposent une réflexion sur l'altérité qui est au fond de tout discours sur la francophonie comme sphère culturelle hétérogène. Le premier n'est pas seulement un film sur le rap ni sur un rappeur issu de la banlieue de Strasbourg (avec Marc Zinga et Sabrina Ouazani), c'est un film dont le montage et l'écriture épousent le rythme du rap et qui puise son inspiration dans le fin fond de la vie des cités. Le second est un peu le versant féminin de la même faune, en l'éclairant d'un autre angle et en montrant à quel point cette société est complexe et riche en expériences humaines et de ce fait prometteuse de toutes sortes de découvertes. 

 

Il y a donc de nouvelles expériences cinématographiques qui viennent enrichir la culture francophone et qui échappent à tout vocabulaire d'analyse. Plus qu'un cinéma de la diaspora, plus qu'un cinéma de l'émigration, plus qu'un cinéma Beur. Il y a lieu peut-être de parler d'un cinéma de l'altérité.

 


Hassouna Mansouri

Correspondant spécial à Namur,

Africiné / Amterdam

pour Images Francophones



 

Le Palmarès du 29ème FIFF 2014 !



Compétition Officielle




Bayard d'Or du Meilleur film

Timbuktu d'Abderrahmane Sissako (Mauritanie/France)



Prix Spécial du Jury

Examen d'État de Dieudo Hamadi (RDC/France)



Bayard du Meilleur comédien

Antoine-Olivier Pilon dans Mommy de Xavier Dolan (Québec)



Bayard d'Or de la Meilleure comédienne

Anne Dorval et Suzanne Clément dans Mommy de Xavier Dolan (Québec)



Bayard d'Or de la Meilleure photographie

André Turpin dans Mommy de Xavier Dolan (Québec)



Bayard d'Or du Meilleur Scénario

Abderrahmane Sissako et Kessen Tall pour Timbuktu d'Abderrahmane Sissako (Mauritanie/France)



Mention

Tu dors Nicole de Stéphane Lafleur (Québec)



Compétition Première œuvre de fiction



Bayard d'Or de la Meilleure première œuvre

Le Challat de Tunis de Kaouther Ben Hania (Tunisie/France)



Prix découverte

Mercuriales de Virgil Vernier (France)



Mention

Qu'Allah bénisse la France d'Abd Al Malik (France)



Compétition Officielle courts métrages



Compétition Internationale



Bayard d'Or du Meilleur court métrage

Twaaga de Cédric Ido (Burkina Faso)



Prix du Jury

Les Pécheresses de Gerlando Infuso (Belgique)



Mention

L'Homme au chien de Kamal Lazraq (Maroc)



Compétition Nationale - FWB



Prix du Meilleur court métrage

La Part de l'ombre d'Olivier Smolders



Prix du Jury

Solo Rex de François Bierry



Prix d'interprétation

Jean Le Peltier dans Lucha Libre d'Ann Sirot et Raphaël Balboni



Prix de la Meilleur photographie

Simon Gillard pour Yaar de Simon Gillard



Prix du Meilleur Clip

I Lost My Hopes (In Paradise) par Mountain Bike (BE)

Réalisation : Milo Gony (FR)



Prix du public



Prix du Public long métrage fiction

Melody de Bernard Bellefroid (Belgique/ Luxembourg/France)



Prix du Public documentaire

Frère et sœur de Daniel Touati (France)



Prix du Public courts métrages

Vertiges d'Arnaud Dufeys (Belgique)



Remise des Prix Off



Prix Cinevox

Melody de Bernard Bellefroid (Belgique / Luxembourg / France)



Prix BeTV du long métrage

Bouboule de Bruno Deville (Suisse / Belgique)



Prix BeTV du court métrage

Monstre de Delphine Girard (Belgique)



Prix Arte

Elena de Marie Le Floc'h et Gabriel Pinto Monteiro (Belgique)



Prix Format court

Art d'Adrian Sitaru (Roumanie)



En photo : La réalisatrice Kaouther Ben Hania, menacée par un policier tunisien, dans une scène de son film Le Challat de Tunis (2014).

Crédit : Cinétéléfilms / Sister Productions / Six Island Productions

 

par Hassouna Mansouri

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