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Bilan du 13ème édition du Festival de Dubaï (DIFF 2016)
reportage
rédigé par
publié le 05/01/2017

Un des trois documentaires soutenus par l'OIF gagne le Prix du Meilleur documentaire.

Trois films documentaires soutenus par le Fonds Image de la Francophonie (OIF / CIRTEF) étaient sélectionnés au 13ème Festival du cinéma de Dubai. Il s'agit de Hissein Habré, une tragédie tchadienne (de Mahamat-Saleh Haroun, Tchad / France / Sénégal), Zaineb n'aime pas la neige de Kaouther Ben Hania et le film libanais Chacun sa bonne (A Maid for each) de Maher Abi Samra. Ce dernier a remporté le Prix 2016 du Meilleur documentaire. Le film tunisien est sorti en salles depuis le 21 décembre 2016.






Bollywood et Hollywood



Sous la dynamique impulsion de son directeur artistique Masoud Amrallah Al Ali, le festival de Dubai progresse tous les ans au niveau de la qualité de ses programmes et de la fréquentation des salles (les 14 salles Cinevox sont toujours remplies à toutes les séances). Sa couverture médiatique arabe et internationale a également évolué positivement. Il faut noter aussi que le festival de Dubai reste à dimension humaine et il règne à Jumeirah, cœur du festival, une convivialité peu commune pendant les 7 jours de décembre, autour des rencontres, débats, conférences en marge des projections. La diversité des programmes fait qu'on découvre à la fois de nouveaux talents, un cinéma jeune et fécond comme celui fait dans les studios des Emirats, et des grosses productions, spectaculaires, venues de Hollywwod et des studios de Bombay (Bollywood). Chaque année les très nombreux expatriés indiens attendent avec impatience le festival de Dubai, les bonnes surprises de la sélection de leur pays et les grandes stars qui viennent avec. Cette année, la superbe Rekha a foulé le tapis rouge au milieu d'un immense tourbillon de ses fans indiens.

 

Absence algérienne et présence de coproductions francophones



Le menu du 13ème Festival du cinéma de Dubai - DIFF 2016 se compose de 156 films en 44 langues venus de 55 pays. Mais qui n'a pas ressenti de regret en ne pouvant voir aucun film algérien au festival ? Tout se passait au Mall Of Emirates, riche enclave avec des arbres de Noel à tous les étages, des montagnes de chocolat tous les deux pas. À Dubai, l'ambiance est festive. Dans la programmation, plusieurs films étaient des coproductions (francophones). Exemple, le documentaire Zaineb n'aime pas la neige, de la réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania (Tanit d'Or du Documentaire, aux JCC 2016). Ce beau film sur l'exil d'une jeune tunisienne au Québec est une production entre la Tunisie, le Qatar et France, avec un soutien du fonds Image de la Francophonie (OIF / CIRTEF). La mise en scène quasi irréprochable montre Zaineb, une petite fille souffrant de l'écart trop grand entre son pays natal et celui où elle se trouve. Kaouther Ben Hania signe là une œuvre forte sur le mal de l'immigration. Le film est sur grand écran en Tunisie, depuis deux semaines (distribué par Hakka Distribution).

Le même jour, dans une autre salle Cinevox était projeté Le Voyageur (production Liban /France) réalisé par Hadi Gandour. Ce n'est pas uniquement la production qui est entre le Liban et la France, le film suit Adnan, voyageur libanais, rencontrant sur les rives de la Seine sa cousine Layla. Adnan et Layla s'aiment, profitent de la beauté de Paris et de ses bonnes surprises by night. On en reste là. Ce n'est guère mieux qu'un feuilleton TV.

Le soir, il était prévu un excellent dessin animé égyptien (où on découvre que l'Egypte possède un grand studio d'animation). Il s'agit d'un court métrage produit et réalisé par Ahmed Roshdy et Khaled Abol Naga. Au Caire, rien ne sera plus comme avant après les grands rassemblements de Maidan Ettahrir (la place El Tahrir, en arabe). C'est devenu un mythe, cette place est au cœur d'innombrable essais, romans, films documentaires et fictions. Restait le dessin animé : ce film intitulé curieusement Le Marchand de patates douces (The Unknown Sweet Potato Seller) évoque les révoltes, les espoirs et désillusions des foules de Tahrir, le prétexte est la disparition d'un enfant sur la place et l'enquête qui suit. La projection a été annulée par le festival 24h avant, par une courte annonce où le DIFF se disait "dans l'impossibilité de projeter le film à cause de circonstances imprévues."



Réalisé par Midi Z, jeune cinéaste birman basé à Taïwan, The Road to Mandalay (Birmanie /France) raconte le périple un groupe de haragas birmans [migrants clandestins, Ndlr] fuient leur pays et trouvent refuge après maintes difficultés à Bangkok, la capitale de la Thaïlande. Même si tout va mal pour eux, un couple (Lianqing et Guao) tente de filer le parfait amour. Alors que leurs liens se resserrent, la perspective de voir une solution à leurs problèmes s'éloigne. Ainsi, à Bangkok, ils ne voient qu'un grand vide et leurs illusions perdues. Le réalisateur mène à bien son récit et la fin est tragique.

 

Wùlu est une production Sénégal / France, du réalisateur Daouda Coulibaly (Mali). La frontière entre le Mali, la Guinée et le Sénégal n'est pas un joli coin paisible et verdoyant. L'endroit apparait ici comme l'enfer du trafic, de la violence, de tous les dangers. Le scénario n'évoque pas pour rien l'hallucinante saga d'Air Cocaine où un avion rempli de drogue parti du Vénézuala a atterri à Gao, dans le nord du Mali. Le récit ici suit Ladji, receveur de bus malien, qui tombe dans le trafic de drogue sous prétexte de sauver sa sœur de la prostitution. Curieuse histoire africaine figée sur le modèle du thriller américain. Le cinéaste malien est né à Marseille.

Reflet d'une pratique courante, où même des pays nantis procèdent à des coproductions. Ainsi Frantz (France) est coproduit par l'Allemagne. Il est signé par le réalisateur François Ozon. Lequel est l'un des plus brillants cinéastes français actuels. Dans Frantz, qu'il situe après la première guerre mondiale dans une petite ville allemande, on voit Ana se recueillir sur la tombe de son fiancé Frantz. Un jeune homme plein d'allure dépose aussi des fleurs sur la tombe. Ceci constitue d'abord une énigme pour Ana, mais elle apprend ensuite qu'Adrien, un Français, était aussi l'ami de Frantz à Paris, avant que la guerre ne les sépare. Frantz est mort dans les tranchées de la Somme. Le hasard de la rencontre avec Adrien renoue alors le fil des souvenirs. Mais tout bascule quand Adrien avoue que c'est lui qui a tué Frantz et qu'il est venu en Allemagne pour demander pardon à la famille. C'est une œuvre sensible, plastiquement très belle à l'écran, en noir et blanc. François Ozon a réussi encore une fois un travail de mise en scène vibrant et intense à la fois.

Jassad Gharib /Corps étranger (Tunisie, Qatar, France) est le nouveau film de Raja Amari. Hiam Abbass y joue le rôle de Leila, riche veuve et manquant d'affection. Elle emploie comme aide ménagère Salma qui vient de fuir la Tunisie et son frère djihadiste qu'elle a dénoncé. Leila ne lésine pas sur les dépenses pour faire de Salma une parisienne chic, elle l'aide à régulariser ses papiers. Avec stupeur d'abord mais ensuite avec plaisir, Salma se retrouve dans le lit de Leila. Ce film a été interdit aux moins de 15 ans à Dubai. La réalisatrice Raja Amari risque de passer pour l'agent provocateur du cinéma tunisien, comme Pédro Almodovar dans son pays l'Espagne.

 

 

Une production qui s'affine et s'affirme



L'Arabie saoudite, le Qatar et le pays hôte, les émirats Arabes Unis, sont autant de nations dont la production grossit et constitue plus qu'un épiphénomène. Ces films sont réalisés sur place ou par des nationaux expatriés.. Ainsi, Fahad Aljoudi qui est un cinéaste saoudien vivant aux Etats Unis a présenté à Dubai Le Cygne arabe, une production USA. C'est le rêve secret de Noor, passionnée de danse classique qui veut faire carrière dans un grand ballet. Son frère s'y oppose et veut la renvoyer en Arabie Saoudite. En filmant l'histoire singulière de Noor, dans ce court métrage fiction, Aljoudi voulait sans doute casser un tabou à Ryad. Quant au documentaire qatari Al Tahadi (Le défi), de Yuri Ancarani, il porte sur un tournoi annuel dans le désert : un concours de faucons. Drôle de télescopage entre une activité vieille de plusieurs siècles (la chasse aux faucons) et les gadgets d'aujourd'hui ultra modernes.

 

Le cinéma parle du cinéma et des cinéastes

 

Nar Min Nar (Incendie) du réalisateur Georges Hachem (Liban) est une mise en abyme. Au Liban, en matière de cinéma, la guerre civile réapparait avec obstination. Avec les clivages religieux et les déchirures affectives. Deux hommes, un cinéaste et un journaliste, étaient liés d'amitié au temps où Beyrouth comptait ses morts. Cette amitié a été troublée par la guerre cruelle qui les a vu prendre chacun un chemin différent. Et peut être aussi par le fait qu'ils ont aimé la même femme, Amira. Ephémère partage d'un amour don il ne reste que le souvenir bouleversant. Bien orchestrée, cette histoire sous forme de film dans le film nous dit aussi combien il est difficile pour les Libanais de se réconcilier et oublier les temps maudits. Georges Hachem a choisi l'actrice algérienne Adila Bendimerad et le dramaturge libanais Wajdi Mouawad pour des rôles importants.

Le long métrage documentaire The Cinema Travellers est coréalisé par Shirley Abraham et Amit Madeshiya qui nous amènent en Inde. Pendant des décennies, les villages indiens les plus isolés voyaient arriver tous les ans un cinéma ambulant. Spectateurs et appareil de projection se tenaient sous une grande tente comme au cirque. Mais la vidéo et la télévision ont fait cesser cette vieille pratique, ce que rappellent avec nostalgie les villageois aujourd'hui. Il leur reste les fêtes religieuses, les foires de village mais pas le cinéma.

Autre réflexion sur le cinéma, un beau documentaire hommage à Abbas Kiarostami, 76 minutes and 15 seconds with Abbas Kiarostami, signé Seifollah Samadian (Iran), clin d'œil sur la brillante carrière du grand cinéaste persan, l'auteur tant admiré de films tels Le Goût de la cerise, Close Up, A travers les Oliviers

 

Le Meilleur documentaire 2016




Zein est commercial dans une agence de domestiques au Liban. Il fait venir des femmes d'Afrique et d'Asie pour travailler dans les familles libanaises et aide ses clients à choisir sur catalogue celle qui répondra au mieux à leurs besoins. La publicité, la justice, la police sont dans son camp. Rima incarne une domestique sur scène et en possède une dans la vie. Le rôle de la patronne, elle le connaît parfaitement et doit le regarder en face avec lucidité. Lati ne ressemble en rien aux domestiques des publicités : sa colère ne cesse de grandir. Elle promet qu'un jour tout explosera, et qu'elle pourra regagner ses droits. C'est le sujet du documentaire Chacun sa bonne (Liban / France / Norvège / Emirats Arabes Unis, 2016, Documentaire, 1h07') du réalisateur libanais Maher Abi Samra. Le film est produit par Orjouane Productions (Liban), Les Films d'Ici (France), Medieoperatørene (Norvège), avec le soutien de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF). Il a remporté le Prix du Meilleur long métrage documentaire (Best Muhr non-Fiction Feature Award) au DIFF 2016.




 


Azzedine MABROUKI

(Alger, Africiné Magazine)

pour Images Francophones

en collabroation avec Africultures










Le Palmarès du 13ème Festival international du film de Dubaï - DIFF 2016



Prix Muhr Emiratis

* Meilleur réalisateur / Best Director : SHRIMP, Yaser Alneyadi (réalisateur), Emirats Arabes Unis

* Meilleur court métrage émirati / Best Muhr Emirati Short : MAMSOUS, Shatha Masoud (réalisateur), Emirats Arabes Unis et Arabie Saoudite

* Meilleur long métrage émirati / Best Muhr Emirati Feature : ONLY MEN GO TO THE GRAVE, Abdulla Al Kaabi (réalisateur), Emirats Arabes Unis et Iran

 

Prix Muhr courts métrages du Golf

* Prix spécial du Jury / Special Jury Prize: 300KM, Mohammed Alholayyil (réalisateur), Arabie Saoudite

* Meilleur court métrage du Golfe / Best Muhr Gulf Short : THE BLISS OF BEING NO ONE, Bader Alhomoud (réalisateur), Arabie Saoudite



Prix Muhr Courts métrages

* Prix spécial du Jury / Special Jury Prize : SUBMARINE, de Mounia Akl (réalisatrice), Liban

* Meilleur court métrage / Best Muhr Short : WE ARE JUST FINE LIKE THIS, de Mehdi M. Barsaoui (réalisateur), Tunisie

 

Prix Muhr Longs métrages

* Meilleure actrice / Best Actress : Julia Kassar, dans TRAMONTANE, de Vatche Boulghourjian, Liban, Qatar, Egypte, Emirats Arabes Unis et France

* Meilleur acteur / Best Actor : Ali Sobhi, dans ALI, LA CHEVRE ET IBRAHIMA (ALI, THE GOAT, AND IBRAHIM), de Sherif El-Bendary,  Egypte, Emirats Arabes Unis, France et Qatar

* Meilleur réalisateur / Best Director : WITHERED GREEN, de Mohammed Hammad (réalisateur), Egypte

* Prix spécial du Jury Long métrage / Special Jury Prize Muhr Feature : THOSE WHO REMAIN, Eliane Raheb (réalisatrice), Liban et Emirats Arabes Unis

* Meilleur long métrage documentaire / Best Muhr non-Fiction Feature : A MAID FOR EACH (Chacun sa bonne), de Maher Abi Samra (réalisateur),  Liban, France, Norvège et Emirats Arabes Unis

* Meilleur long métrage fiction / Best Muhr Fiction Feature : THE DARK WIND (Reseba), de Hussein Hassan (réalisateur), Irak, Allemagne et Qatar

 

Prix NBD du Public

* Meilleur film / Best Film : HEARTSTRINGS (Un cœur en braille), de Michel Boujenah (réalisateur), France

 

 




Image : Scène du film A MAID FOR EACH (Chacun sa bonne)

Crédit : DR

Azzedine Mabrouki

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