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Journal de Cannes 2016
reportage
rédigé par Azzedine Mabrouki
publié le 19/05/2016

Les premiers échos de la 69ème édition du festival de Cannes.

 


Démarrage

In Hollywood pourrait être le titre du film de Woody Allen qui ouvre le 69° festival du film de Cannes annoncé sur la Croisette par de nombreuses affiches. Café Society, c'est son titre et on imagine déjà le décor des grandes maisons de Beverly Hills, les grandes fenêtres aux rideaux secoués par le vent de Californie, les fleurs et les tapis précieux. Wait and see, la projection de presse est prévue demain. Ainsi l'aventure du cinéma continue à Cannes avec des milliers de films du monde entier prêts à surgir sur les écrans. En cette veille d'ouverture on s'en tient à ce que dit le programme et des messages envoyés par les attachés de presse, avec quelle efficacité ! Une poussée de premières oeuvres d'auteurs inconnus et des signatures fortes d'auteurs parfois illustres déterminés à décrocher une Palme d'Or, des auteurs déjà connus dans le cercle magique de la sélection officielle : Pedro Almodovar, Ken Loach, Sean Penn, les frères Dardenne... Le festival de Cannes est un système complexe. Il y a différentes sections, des séances spéciales, des hors compétition, des festivals-off (Quinzaine des Réalisateurs, Semaine de la Critique), la Cinéfondation... C'est dans la compétition que les choses se corsent quand vient l'heure du palmarès. Assez souvent des films rares, des perles, y laissent des plumes. Pendant longtemps, le grand cinéaste grec, trés grand même, Théo Angelopoulos a eu du mal à décrocher une palme. Cannes a fini par le couronner, ex-aequo avec un autre ! Et qu'est ce qui a empêché Abderrahmane Sissako de remporter la Palme d'Or pour Timbuktu sinon les tractations nébuleuses d'un jury mal luné ?

Petit scoop : cette année, c'est la fin de la suprématie d'Hollywwod. Woody Allen est un cinéaste de la côte-est. Et Steven Spielberg revient cette année hors-compétition. Peut être des révélations cette année avec la sélection d'auteurs du Brésil, d'Iran, de Philippines et à la Quinzaine des films de Rachid Djaïdani, Houda Benyamina et Damien Ounouri : Kindel El bahr, film algérien tourné à Gouraya. Thierry Frémaux, le délégué général, déclare avoir visionné 1869 productions, en tout. Il en a retenu 21 pour la compétition et 20 pour Un Certain Regard. Quand on lui a demandé pourquoi les mêmes figures reviennent, il a expliqué que le festival de Cannes c'est comme le musée du Louvre, il garde les oeuvres fortes, de grande valeur.

 

Les critiques

Des vigiles viennent prêter main forte aux CRS qui veillent à la sécurité du festival. Le Bunker est entouré de barrières. Sans badge, inutile de s'approcher. A l'ouverture du festival le palais était calme, silencieux. Aujourd'hui, la cour des miracles. Agitation fiévreuse à tous les étages de cet immense bâtiment d'une propreté suisse, rempli d'affiches et d'immenses bouquets de fleurs. On devine l'angoisse du metteur en scène qui vient montrer son film. A l'heure la plus silencieuse de la nuit, sans sommeil, il se voit déjà en haut des marches mitraillé par les photographes, salué par la foule. Qu'il soit court, moyen ou long, un film à Cannes peut réussir par les seules et uniques ressources de son expression. En plus, il y a du travail à faire avec les médias. Un marathon dans les étages et sur la Croisette dès le lever du jour pour que tout soit prêt le jour de la projection. Seuls ceux qui croient avoir fait un chef-d'oeuvre, un film "culte" probablement ne bougent pas trop, attendant l'avis des critiques tapis au fond des salles obscures. Ceux-ci, en sortant de la salle, lâchent au hasard des mots irréversibles : beau, terrible, drôle, pas drôle, sordide, magnifique, blockbuster, disent aussi les Américains quand ils aiment un film...

Peu de choses dites pourtant sur le film de Woody Allen. A Cannes, on exclut d'emblée des commentaires les films hors compétition. Avant Café Society, Woody Allen est venu quatorze fois au festival de Cannes, soit en compétition soit hors. A Los Angeles où on joue des coudes pour décrocher un Oscar, le cinéaste newyorkais en possède quatre. C'est dire qu'il n'a pas de souci à se faire. Il a choisi de faire une "love story" à partir des rêves d'un jeune homme qui débarque à Hollywood pour faire carrière dans le cinéma. C'est comme dans Le Cid : "Je suis jeune il est vrai mais aux âmes bien nées la valeur n'attend point le nombre des années". Orson Welles avait provoqué un véritable coup de théâtre avec Citizen Kane. Il avait à peine 25 ans. Que de films, de feuilletons, de romans déjà sur Hollywwod. Beaucoup d'émotion passait déjà dans Le Grand Nabab d'Elia Kazan (1976) tiré du roman de F. Scott Fitzgerald et joué par Robert De Niro, Robert Mitchum, Jeanne Moreau. Le fim de Woody Ally semble un peu à la remorque de tout ce qui a été dit sur Hollywwod. Intrigue mince comme du papier à cigarettes. Mais ce n'est pas une production en pure perte. Woody Allen a un public nombreux et fidèle quoi qu'il fasse.




L'Afrique est (modestement) sélectionnée

On a vite fait la cartographie d'Afrique et du Maghreb : il y a peu de films au programme du 69° festival de Cannes. Hissen Habré, une tragédie tchadienne de Mahamat-Saleh Haroun en séance spéciale ainsi que Chouf de Karim Dridi. Napoléon qui se prenanit pour Dieu a fait l'objet d'un coup de maitre signé Youssef Chahine : la copie restaurée d'Adieu Bonaparte est montrée à Cannes Classics. Echebak (Clash) de Mohamed Diab (Egypte) à Un Certain regard. La Laine sur le dos, de Lotfi Achour (Tunisie) en compétition court métrage. Et c'est sur l'écran de la Quinzaine encore une fois encore que converge le travail de Rachid Djaidani, Damien Ounouri, Houda Benyamina. A propos d'Afrique : The Last Face de Sean Penn, en compétition, a été tourné au Libéria avec Xavier Bardem et Charlize Théron.

Ce qui étonne chaque année au festival de Cannes, c'est le trés grand nombre de participants, leur ferveur, leur appétit de découvrir les films. A toute heure du jour et de la nuit un rassemblement, du genre Nuit Debout, se tient aux abords du palais. Non pas pour protester mais pour obtenir des tickets. A Cannes, ça marche par invitations. Le festival n'est pas une entreprise commerciale. On n'y vend pas de ticket. La seule solution pour le public, c'est de s'adresser aux producteurs. Ou, chose étonnante, demander une invitation à un autre participant sur le chemin du palais. Très tôt chaque matin, sur la Croisette encore très silencieuse, à l'heure où les camions ramassent les poubelles, on voit des cinéphiles vaguement conscients de leur peu de chance d'aboutir réclamer joyeusement le fameux carton d'invitation.

 

Pronostics


Des bruits plutôt flatteurs précèdent déjà des films. A la Quinzaine des Réalisateurs celui de Marco Bellocchio : Fais de beaux rêves. Le metteur en scène italien avait provoqué une tempête quand il a adapté Diable au corps il y a prés de trente ans, œuvre jugée scandaleuse. Et celui de Pablo Larrain, évocation de la vie de Pablo Neruda, poète, romancier, prix  Nobel, mais aussi figure politique proche du président Salvador Allende. Pas mal d'éloges aussi sur le travail de Pédro Almodovar en compétition avec Julieta, sujet qu'il aime, rapports mère et fille conflictuels. Une jeune fille efface totalement sa mère de sa vie comme si elle n'avait jamais existé ni compté pour elle. Julieta est le vingtième long métrage de Pédro Almodovar et le sixième en compétition au festival de Cannes. Un même sujet ou presque retient l'attention dans Mal de Pierres de Nicole Garcia, en compétition. Par amour pour un homme une jeune femme quitte ses parents et décide de s'enfuir loin avec lui sans laisser d'adresse. Nicole Garcia, l'Oranaise, elle-même actrice, dirige dans cette histoire Marion Cotillard et Louis Garrel. Espérant une troisième Palme d'or après Rosetta en 1999 et L'Enfant en 2005, les frères Dardenne reviennent avec La Fille Inconnue, triste histoire d'une jeune femme médecin qui refuse son aide à une personne qui meurt.

En 1967, la Cour Suprême américaine a pris une décision historique, un jugement qui déclare anticonstitutionnelle toute loi interdisant les mariages entre Noirs et Blancs aux Etats Unis. C'est le sujet de Loving de Jeff Nichols, en compétition : en 1958,un couple mixte a été forcé de s'exiler de l'Etat de Virginie où la loi risquait d'annuler leur union. Le Lauréat de la Palme d'or 2006 Le Vent se lève, l'Anglais Ken Loach a filmé encore l'Angleterre des laissés-pour-compte dans son nouveau long métrage Daniel Blake, en compétition. Ken Loach a déjà été treize fois en compétition au festival de Cannes. Record absolu.



Venu de Récife (Brésil) Mendoça Filho dénonce dans Aquarius la mafia des promoteurs immobiliers, et Brillante Mendoza fait le récit des affrontements à Manille (Philippines) entre les trafiquants de drogue et la police dans Ma Rose. Tous deux en compétition aussi. Le dernier film sélectionné Forushade est aussi le septième long métrage de l'Iranien Ashghar Farhadi, l'auteur de La Séparation, Ours d'or au festival de Berlin. Pour Forushade, le dossier de presse indique qu'il s'agit de l'histoire d'un jeune couple de Téhéran en proie aux malaises de la vie et qui soudain craque, voit son existence se dérégler.



 


Azzedine Mabrouki

Africiné Magazine, Alger

pour Images Francophones

en collaboration avec Africultures

 






Image : Sadek et Gérard Depardieu, dans une scène du film Tour de France de  Rachid Djaïdani (Quinzaine des Réalisateurs 2016)

Crédit : gracieuseté Festival de Cannes 2016

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