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Ma Sâsâ (Mâh Saah-sah), de Daniel Kamwa, Cameroun
Un film touristique
critique
rédigé par Justin Ouoro
publié le 12/04/2009
Justin Ouoro
Justin Ouoro
Daniel Kamwa
Daniel Kamwa

Ma Sâsâ (Mâh Saah-sah) de Daniel Kamwa est du cinéma. Il l'est d'autant plus qu'il a eu l'honneur d'être sélectionné comme film d'ouverture marquant la cérémonie professionnelle de cette 21ième édition du FESPACO, placée sous le thème : "Cinéma africain, Tourisme et Patrimoines culturelles".

La longueur des plans sur les scènes de danse, de lutte, d'exhibition de corps et de forêt, participe de l'exhumation d'une pratique culturelle qui a du mal à se trouver une place dans une actualité fortement métamorphosée. Pour rendre compte de cette tension entre tradition et modernité, qui n'est d'ailleurs qu'un prétexte artistique au rôle touristique qui sous-tend cette œuvre, Daniel Kamwa met en scène un jeune homme issu des profondeurs du Cameroun, orphelin de père, accueilli et éduqué dans la tradition par son oncle Achirou. Ce jeune homme, Acharé, tombe amoureux de Mapon, une jeune fille dont il conquiert le cœur dans les règles de l'art, à l'issue de l'épreuve de la danse de séduction. Il devenait ainsi, conformément à la tradition, le fiancé de Mapon. Le pacte de fidélité est lié entre les deux jeunes gens, devant témoins et avec l'approbation des parents.

Ne voilà-t-il pas qu'après tout cela, au moment où Acharé et Mapon savourent leur amour, intervint le député de la région, qui use de tout son pouvoir pour faire de la fille promise sa quatrième épouse. Le récit prend un autre tournant et devint une aventure de dénonciation de la corruption, de la perversion de la tradition, une mise à l'indexe de ceux qui sont censés défendre les intérêts du peuple.

Ce tournant du film de Daniel Kamwa présente l'avantage de resserrer l'histoire et de donner une certaine densité au récit, toute chose conforme à la vocation narrative du cinéma. Cependant cette vocation essentielle nous paraît fortement entamée dans la première partie du récit, où l'exposition touristique induite par la volonté de monstration des pratiques culturelles semble avoir pris le pas sur la nécessité de construction et d'évocation, qui est également un principe fondamental au cinéma. La très grande importance accordée à l'anecdote du "col roulé", en l'occurrence la rumeur de l'incirconcision d'Acharé, au début du récit, ne semble avoir eu aucun effet dans le développement du récit filmique. La présence remarquable de ce récit de l'incirconcision répondrait alors exclusivement à un souci d'exposition culturelle.

Somme toute, la crise née de l'intrusion du député dans cette aventure d'amour, à la fois voyage touristique, tourne à l'avantage des jeunes et de la hiérarchie militaire. Le capitaine ayant ordonné la libération d'Acharé, injustement incarcéré, suscite de l'espoir chez les jeunes dont la vision du monde repose sur la conjugaison des forces traditionnelles et modernes. En revanche, le mutisme du chef du village, gardien de la tradition, la trahison par le père de Mapon de la parole donnée, ainsi que l'abus du pouvoir du député, apparaissent comme une critique objective de la tradition et de la modernité. Alors est-ce à dire que le cinéaste fait l'apologie d'une société africaine qui sait garder les pieds dans la tradition et la tête dans la modernité ?

Justin Ouoro - Burkina Faso

Article écrit dans le cadre de l'atelier du Bulletin Africiné (Ouagadougou), durant le Fespaco 2009.
Bulletin publié par la Fédération Africaine de la Critique Cinématographique (FACC, Dakar), avec le soutien du ministère burkinabè de la Culture, du Tourisme et de la Communication, du Fespaco, de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF, Paris), du Ministère français des Affaires Etrangères, du Centro Orientamento Educativo (COE, Milan) et du Rurart (Poitou Charentes, France)

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